Au moment où va s’ouvrir
le vingtième colloque des Journées Juridiques du Patrimoine (JJP), le regard
que l’on peut porter sur l’état du droit dans ce secteur donne d’abord l’impression
d’un éternel recommencement : après 106 ans d’application de l’honorable loi de
1913, et presque 90 ans de celle de 1930 sur les sites, périodes où la
jurisprudence fut rare, il ne se passe pas six mois sans un bouleversement législatif
ou réglementaire.
« Nul n’est censé
ignorer la loi » certes, mais encore faut-il trouver le temps de s’imprégner de ces « incontinences » que le président
Denoix de Saint Marc appelait «lois bavardes».
Dans la livraison
annuelle des dispositions nouvelles touchant les domaines de l’organisation administrative,
du financement ou de la fiscalité, est-il possible de trouver des tendances,
des lignes fortes qui permettraient, d’une manière cohérente, de qualifier une
inflexion à long terme ou une année exceptionnelle de plus ?
La première partie
de nos travaux nous fera plutôt pencher pour la seconde voie : la loi destinée à
faire face à l’incendie de Notre-Dame est le type même de la loi d’exception à
propos de laquelle la question est seulement de savoir si elle s’inscrira dans
la durée.
L’éternel débat sur
la fiscalité des centres anciens que l’on continue à désigner sous le vocable « loi Malraux », donne une fois de
plus l’impression d’un jeu de dés dangereux : va-t-on la supprimer ou l’améliorer
?
Pourquoi, sinon
pour se procurer des recettes de poche, porter atteinte à l’un des bons textes
de ces dernières décennies : la loi Aillagon sur le mécénat ? L’ancien ministre
a encore plaidé récemment pour sauver un texte simple et clair que les citoyens
s’étaient appropriés au fil du temps.
Tels seront, entre
autres, les thèmes que traiteront nos orateurs en pleine saison parlementaire.
La seconde partie
de nos travaux se penchera plutôt sur des séquences mieux inscrites dans la durée
: après le droit « souple » selon l’expression du viceprésident du Conseil d’État, Jean-Marc Sauvé,
nous nous sommes permis de parler de « droit courbe » tant les pouvoirs,
qu’il s’agisse de l’exécutif ou du Parlement, tel le Dieu Janus changeant de
visage selon les intérêts du moment, fait subir à la règle de droit des
sinuosités perpétuelles.
Peut-être,
pourra-t-on parler d’année charnière lorsque manifestement le droit de l’environnement
est en état de régression alors que les discours et les grandes institutions
judiciaires ont forgé un principe justement nommé « principe de non-régression
» ? Faut-il y voir une tendance à long terme ou seulement un soubresaut ?
Il y a de
nombreuses années, nos Journées avaient interrogé un représentant de la
Chancellerie sur « la politique pénale en droit du patrimoine et de l’environnement », puisqu’il est désormais
clair que le garde des Sceaux, s’il ne doit plus se mêler d’affaires individuelles,
est en charge de déterminer une telle politique. Il sera temps de faire le
bilan : le juge pénal se mêle-t-il vraiment du patrimoine et de l’environnement
? Existe-t-il une telle politique pénale ?
On parle de plus en
plus, dans les couloirs du Palais- Royal, comme ce fut le cas dans les
juridictions judiciaires, en particulier les cours d’appel, du traitement préventif
du contentieux au moyen de la procédure dite de médiation.
Cette technique
nouvelle qui emprunte à la fois au droit souple et aux sciences humaines s’intéressant
à la résolution des conflits est-elle adaptée à notre droit administratif :
urbanisme, droit des paysages, permis éoliens et autres ? Une piste qui peut s’arrêter
très vite ou perdurer longtemps. Il vous appartiendra, chers lecteurs et chers
fidèles de nos Journées, de choisir la tendance de 2019.
par l’équipe de Patrimoine-Environnement