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27e congrès de l’ACE - Les avocats s’emparent de l’IA : l’Intelligence Avocat

27e congrès de l’ACE - Les avocats s’emparent de l’IA : l’Intelligence Avocat
Publié le 22/11/2019 à 10:22

Plus de 600 personnes étaient présentes à Lyon, les 17 et 18 octobre derniers, pour le congrès national de l’Association des Avocats Conseils d’Entreprises (ACE), qui cette année portait sur le thème « IA Intelligence Avocat ». À l’heure de la transformation digitale des métiers du droit, comment les avocats perçoivent-ils cette mutation numérique ? Comment l’intelligence avocat est-elle mise à contribution ? La profession s’est ainsi interrogée sur les enjeux de cette transformation déjà en cours.



Les membres de l’ACE ont, durant deux jours, investi la Cité internationale de Lyon, à l’occasion de la tenue de son 27e congrès, les 17 et 18? octobre derniers. C’est à l’architecte italien Renzo Piano que nous devons ce bâtiment, à l’instar du nouveau tribunal de Paris ou encore du musée Pompidou à Paris qui, rappelons-le, n’avait pas fait l’unanimité lors de son inauguration en 1977. « À l’instar du choc esthétique et culturel qu’a eu en son temps l’élévation du centre Pompidou, la déferlante numérique a éveillé dans notre profession une crainte profonde suscitant le rejet d’un modèle qui remettait en cause l’architecture même de notre exercice », a affirmé la présidente de l’ACE, Delphine Gallin. Mi-octobre, ils étaient ainsi plus de 600 à se réunir à cette occasion  pour débattre de cette transformation et de l’IA : l’Intelligence Avocat.



Delphine Gallin



Le congrès a débuté par le discours d’accueil de l’hôte de cette manifestation, François Coutard, président de l’ACE-Lyon. Ce dernier est revenu sur les deux termes composant la thématique du jour, « Intelligence » et « Avocat » : « Nous avons voulu ce thème et ces mots, bien sûr pour évoquer l’IA (l’autre) tellement présente dans les esprits aujourd’hui, mais surtout pour dire combien nous saurons être la hauteur de l’ensemble des défis qui se posent à nous actuellement », a-t-il déclaré. Le président de l’ACE-Lyon est également revenu sur la « disruption », car « ce congrès se veut disruptif », a-t-il affirmé. « Convivialité », « confiance », « proposition » et « audace » ont également été évoqués, comme des vocables prémonitoires pour ce congrès. Enfin, tourné vers l’avenir, le mot « jeunesse » est venu conclure cette liste : « J’aime à rappeler régulièrement que notre devoir le plus impérieux est de concevoir et de construire aujourd’hui l’avenir non pas en fonction de ce qui a été ou de la façon dont nous voyons les choses, mais en fonction de ce qu’ils souhaitent dès lors que leur vision correspond aux fondamentaux de nos convictions et de nos valeurs » a précisé le président de l’ACE-Lyon.

 


François Coutard


Afin de débattre sur la mutation numérique « et les enjeux formidables qu’elle augure » auprès de la profession, comme l’a formulé Delphine Gallin dans son édito, différents ateliers aux thématiques diverses sont venus composer le programme. À titre d’exemple, le professeur Pierre Mousseron, Olivier Chabot, directeur gestion relation client SECIB, Jérémy Certoux, directeur général SECIB et Dan Kohn, directeur prospective SECIB, ont notamment animé un atelier consacré à l’intelligence artificielle et à la production juridique au service des avocats conseils en entreprise.


Un autre atelier s’est intéressé aux nouveaux outils de financement des entreprises (crowdfunding, ICO, plateformes de financement...), quand un différent s’est penché sur le marché de l’art et les nouvelles technologies.


Les avocats Delphine Robinet et Dorian Jarjat, accompagnés de Nathalie Attias et Guy Martinet, avocats et co-présidents de la commission Droit Social, se sont quant à eux intéressé aux nouvelles formes de travail et à l’uberisation.


Enfin, lors d’un autre rendez-vous, a été abordée la problématique de la cyber sécurité des cabinets d’avocats. Un programme riche, faisant le lien entre avocat et nouvelles technologies, revenant sur les atouts, les solutions mais aussi les risques qu’elles supposent.


 


Le développement de l’IA


Cette année, alors qu’AG2R La Mondiale et l’ACE célèbrent le 20e anniversaire de leur partenariat, le directeur général d’AG2R La Mondiale, André Renaudin, a été invité à intervenir. Dans son allocution, ce dernier est revenu sur le développement de l’intelligence artificielle, laquelle suscite, selon lui, et ce « depuis des décennies, espoirs et craintes ».


« Le concept d’intelligence artificielle est né avec le test de Turing en 1950 qui avait pour ambition de mesurer l’intelligence d’une machine. L’expression consacrée remonte elle à 1955 et c’est en 1960 que les premiers robots conversationnels font leur apparition », a-t-il débuté. C’est toutefois à partir de 1990 que le développement de l’IA a connu une véritable accélération, avec notamment la victoire de l’ordinateur Deep Blue d’IBM sur le champion d’échec russe Garry Kasparov, à New York, en 1997. En parallèle, à cette même époque, les animaux de compagnie et les appareils électroménagers intelligents se sont développés, tandis que les assistances virtuelles ont fait leur apparition.


Puis, l’intelligence a de plus en plus infiltré le secteur professionnel : « Depuis les années 2010, l’intelligence artificielle est à la mode et se développe partout, jusque dans les pratiques professionnelles », a expliqué le directeur général d’AG2R La Mondiale, le droit n’échappant pas à cette percée ; « Lors de la préparation de cette intervention, je me suis rendu compte que la question de l’impact des innovations technologiques dans le domaine de la justice n’est pas nouvelle. Elle a notamment émergé lors de la mission d’information de la Commission des lois du Sénat sur le redressement de la justice en 2016-2017 », a précisé André Renaudin. Les legaltechs et le big data sont ensuite apparus, et leur exploitation des données a inévitablement bouleversé « en profondeur » le métier d’avocat, a expliqué l’intervenant.


Ce congrès vient ainsi interroger « la façon dont [l’IA] fera évoluer le droit et la justice », embarquant avec elle un certain nombre de promesses : « meilleure prévisibilité des décisions de justice, transparence, harmonisation des pratiques entre les juridictions, encouragement à la résolution de conflits à l’amiable... » a cité le directeur général. Mais selon lui, ces promesses se doivent d’être réfléchies, notamment en ce qui concerne « la protection et la confidentialité des données des clients, mais aussi sur l’équité de la solution trouvée ou de la décision apportée ». « Le cadre éthique et juridique autour de l’IA reste donc à fixer » a ainsi résumé André Renaudin, exigence qu’il impose également au secteur de l’assurance, remettant ainsi la responsabilité de ce développement dans les mains de chacun : « Dans un contexte réglementaire en perpétuel mouvement et une forte mutation technologique, nous devons plus que jamais anticiper les évolutions de la protection sociale de notre pays dans l’intérêt conjoint des chefs d’entreprise et des salariés. Il nous appartient, collectivement, d’y répondre » a conclu le directeur général d’AG2R La Mondiale.


 


L’avocat au cœur de l’IA


La présidente de l’ACE est à son tour revenue sur la « déferlante numérique » qui a bousculé la profession, et a évoqué à cette occasion la première étape de cette révolution : « l’introduction du RPVA (Réseau Privé Virtuel des Avocats) qui [a] remis en cause l’organisation territoriale et procédurale [des] barreaux », rappelant combien celle-ci fut vécu comme une source d’angoisse par certains avocats s’opposant « à une technologie qui désormais [leur] paraît désuète ». Une belle façon de réaliser un parallèle entre cette période de crainte désormais révolue et la situation d’aujourd’hui, source d’inquiétudes : les nouvelles technologies, legaltech, blockchain et autre open data en terrifient en effet certains, qui y entrevoient la perte d’humanité et la prise de contrôle des machines sur l’humain. Toutefois, une fois mises en place, ces nouveautés technologiques ne seront-elles pas, à l’instar du RPVA, parfaitement acceptées et digérées par tous, et totalement au service de la profession ? Les avocats s’adaptent depuis toujours, notamment au gré des avancés sociales et juridiques. La profession apparaît donc apte à accueillir sereinement les avancées technologiques qui s’offrent à elle, a souligné la présidente Ainsi, comme l’a formulé le président de l’ACE-Lyon dans son édito, l’ « avenir n’est pas à craindre, mais à construire, ensemble ».


Se voulant actrice de ces chamboulement, Delphine Gallin s’est ainsi réjouie de l’adoption par ses confrères – et pas seulement – de ce qu’elle juge comme des « opportunités » : « Que beaucoup de nos confrères aient compris rapidement et aient su saisir les opportunités qui s’offraient à eux pour développer leur marché n’est pas surprenant, pour la présidente de l’ACE, mais que nos institutions les plus traditionnelles prennent le train en marche et accompagnent ces développements en créant tour à tour des incubateurs réunis dans le Réseau National des Incubateurs des Barreaux, procure une satisfaction presque béate chez l’observatrice attentive que je suis ». « L’intelligence Avocat ne serait-elle pas cette faculté d’adaptation, cette aisance à saisir les opportunités qui s’offrent à nous ? » s’est-elle interrogée. Car les avocats ont su et continuent à s’adapter : « notre profession demeure, elle avance, elle plie, mais ne rompt pas », a résumé la représentante des avocats conseil d’entreprise.


À ce sujet, celle-ci est ensuite revenue sur les bouleversements qui attendent la profession, laquelle va, selon ses dires, « être mise à rude épreuve dans les mois qui viennent », à commencer par le rapport du député Raphaël Gauvain qui remet sur le devant de la scène le sujet de l’avocat en entreprise. La présidente a ainsi réaffirmé son soutien à la création d’un statut de l’avocat exerçant en entreprise, opportunité selon elle tant pour les entreprises que pour l’économie, « mais également pour notre profession qui bénéficierait ainsi de relais majeurs dans une sphère économique qui nous échappe trop souvent au bénéfice de nos concurrents ».


La présidente du syndicat a également évoqué le projet de réforme du système de retraite de la profession initié par le dépôt du rapport dit « Delevoye », lequel, selon elle, « n’apporte, à ce jour, aucune garantie quant au maintien d’un régime de retraite juste et solidaire à l’instar de celui que propose la CNBF ». L’ACE, qui siège à l’Union nationale des professions libérales (UNAPL), a exprimé, par la bouche de sa présidente, ses vives oppositions à cette réforme, comme elle l’a illustré lors de sa mobilisation de septembre dernier, mobilisation remarquée par la présidente du Conseil national des barreaux (CNB), Christiane Féral-Schuhl.


 


« Chez les avocats, l’intelligence n’est pas artificielle »


La présidente du CNB a d’abord profité de son intervention pour remercier en premier lieu l’ACE « pour le travail que ses représentants fournissent dans l’intérêt collectif de la profession », et saluer, de même que la présidente de l’ACE, ses élus au CNB, défendant ainsi une institution « où se réalise l’unité de la profession ». « Une unité qui doit beaucoup à l’ACE et à ses élus », a-t-elle précisé. Revenant à son tour sur la forte mobilisation de l’ACE le 16 septembre dernier, celle-ci n’a pas manqué de remercier Delphine Gallin pour son engagement contre la réforme des retraites, manifestation qui a rassemblé pas moins de 20 000 robes noires réunies pour défendre leur régime autonome.


La présidente du CNB l’a déclaré : il s’agit d’ « une réforme qui ne met pas seulement en péril nos retraites, mais tout l’équilibre économique de notre profession », réaffirmant ainsi son « non à l’entrée dans le régime universel ». Et Christiane Féral-Schuhl poursuit son engagement : « Le 3 février, si le gouvernement n’entend pas les revendications des régimes autonomes, les médecins s’arrêteront, les chirurgiens s’arrêteront, les infirmières s’arrêteront, les pilotes de ligne et le personnel navigant s’arrêteront... et les avocats s’arrêteront » a-t-elle averti, avant de conclure en interpelant le haut-commissaire aux retraites : « Il faut que Monsieur Delevoye l’entende : chez les avocats, l’intelligence n’est pas artificielle ». Et pour ceux qui s’interrogeraient sur le lien à établir entre ses propos et la thématique du congrès, la présidente de l’instance représentative des avocats l’a rappelé : « Je n’ai cessé de vous parler d’intelligence. L’intelligence de l’unité, l’intelligence collective qui est la marque de fabrique de notre mandature au CNB, l’intelligence de notre profession qui sait s’adapter aux transformations du monde. Cette intelligence est profondément humaine, sensible, passionnée », a-t-elle formulé.



Christiane Féral-Schuhl


Le congrès a ainsi été l’occasion pour la profession de s’interroger sur son avenir, en devenant acteur de sa propre transformation. À l’heure où la digitalisation de la profession d’avocat a déjà pénétré les cabinets et les entreprises, la profession se réunit pour construire et défendre son futur.


 


Constance Périn


 


 


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