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Action cœur de ville : investir dans le patrimoine pour l’attractivité des territoires

Action cœur de ville : investir dans le patrimoine pour l’attractivité des territoires
Publié le 19/11/2019 à 16:14


Le programme national Action cœur de ville (ACV), imaginé, conçu et piloté par le ministère de la Cohésion des territoires, est destiné à conforter le rôle de centralité irremplaçable, pour tout leur territoire environnant, des villes dites « moyennes », en investissant massivement dans la revitalisation de leur centre. Ce plan interministériel et partenarial (État, Caisse des Dépôts, Action logement, Anah) de 5 milliards d’euros est mis en œuvre de manière totalement décentralisée et déconcentrée, à rebours de nombre de politiques publiques trop souvent cloisonnées et verticales. L’enjeu étant de traiter simultanément tout ce qui concourt à un centre-ville attractif (logement, commerce, mobilité, stationnement, services, aménagement urbain, patrimoine, transition écologique…) sans oublier l’association précieuse des habitants.


Au-delà des moyens, c’est à un changement du logiciel de l’aménagement urbain que ce programme appelle. Pendant des décennies, on n’a cessé d’éloigner les habitants des emplois, des services et des commerces, aboutissant à vider et paupériser les centres-villes ; en parallèle, beaucoup d’entrées de nos villes et agglomérations ont été banalisées, voire défigurées par la prolifération excessive de zones sans âme, avec l’artificialisation inconsidérée de terrains agricoles ou d’espaces naturels. Ce modèle est aujourd’hui économiquement, socialement et écologiquement insoutenable, et le repenser est un enjeu sociétal urgent.


Ce programme ACV est une marque de reconnaissance pour les 222 villes de métropole et d’outre-mer sélectionnées. De 8 000 à 134 000 habitants, ces villes sont des atouts pour la cohésion sociale et territoriale de notre pays. Elles regorgent à cet égard de richesses patrimoniales remarquables, issues tout à la fois de leur construction urbaine au fil des siècles que de créations plus contemporaines. Ce patrimoine constitue la « carte de visite » de la ville, participe de son identité singulière à laquelle ses habitants sont très attachés et contribue à son attractivité durable.


Concrètement, la question qui est posée aux élus et acteurs locaux, ainsi qu’aux professionnels de l’aménagement, est la suivante : souhaitons-nous faire de ces centres-villes des musées à ciel ouvert, témoins d’un passé révolu et figé ou des lieux vivants, créatifs et inclusifs, où le patrimoine a toute sa place ? C’est bien évidemment cette deuxième option qui préside à la philosophie du programme ACV dans le cadre d’une approche globale et transversale de ce sujet.


Il est à cet égard notable de constater que la quasi-totalité des 222 conventions-cadre qui ont été signées par les collectivités avec l’État, les partenaires financiers, voire avec les Régions, Départements, opérateurs divers, etc. prévoient un volet substantiel de valorisation du patrimoine dans l’axe thématique de l’aménagement urbain et paysager de leur projet (plus de 750 actions déjà recensées).


De nombreux exemples l’illustrent, comme la ville d’Albi, qui a mis en place un programme de restaurations intérieures de l’église collégiale Saint-Salvi (située dans le périmètre UNESCO), la ville d’Arles, qui a entrepris la piétonnisation et la mise en valeur du centre ancien, ou la ville de Montluçon, qui met en place un Site Patrimonial Remarquable pour protéger et valoriser le centre historique médiéval après avoir engagé la requalification paysagère et fonctionnelle des berges de l’Allier. On pourrait également citer la ville d’Auxerre, qui est en train de restaurer la Tour de l’Horloge, la longue réhabilitation d’un édifice religieux à Guebwiller, la maison Loti à Rochefort, ou la ville de Châteaubriant, qui a entrepris de grands travaux urbains dans son centre-ville historique. Et il y aurait plein d’autres exemples à citer, tant la dimension patrimoniale est centrale dans les projets de revitalisation des centres-villes.


Certains d’entre eux avaient été initiés ou réfléchis antérieurement, mais il est incontestable que le programme ACV donne un coup d’accélérateur aux actions de valorisation du patrimoine, intégrées dans une stratégie globale de requalification urbaine et de développement économique. Les défis à surmonter sont pourtant considérables pour les nombreuses villes disposant d’un centre très ancien, avec plusieurs problématiques à résoudre :


l’insalubrité : l’enchevêtrement des structures, l’encombrement des espaces et le défaut d’entretien parfois amplifié par la multiplicité des propriétaires ;


l’habitabilité des logements sans ouvertures sur l’extérieur ne répondent pas aux exigences du Code de la santé publique ;


la sécurité, notamment la sécurité incendie : les pompiers sont dans l’incapacité d’accéder aux immeubles situés en arrière-cour et de procéder à l’évacuation des personnes.


Pour que les centres anciens répondent aux fonctionnalités urbaines attendues, notamment en matière d’habitat et de commerce, des solutions existent pour restructurer et transformer les îlots du centre-ville ; concrètement :


la démolition des constructions parasites permet la ventilation naturelle des logements, l’ouverture de baies, l’accès à la lumière et la création de jardins ; les exemples de Manosque ou Sisteron sont remarquables à cet égard ;


la reconstruction de volumes plus homogènes évite les problèmes structurels et sanitaires et facilite l’entretien ; elle permet l’extension des commerces ou la mise en place de locaux communs ;


le regroupement de parcelles, qui peut bénéficier aux logements comme aux commerces, permet de créer des surfaces plus habitables, mieux éclairées ;


la mutualisation de passages entre immeubles ou d’escaliers extérieurs facilite l’évacuation en cas d’incendie, la mutualisation de dessertes verticales permet la création d’ascenseurs.


Naturellement, toutes ces opérations nécessitent de dégager un consensus en amont pour trouver la meilleure solution conciliant tous les enjeux d’aménagement et de protection. Leur complexité a conduit à renforcer les moyens d’intervention à la disposition des élus et acteurs locaux, sous trois plans.


 


Un cadre législatif innovant avec la création de l’ORT (Opération de revitalisation des territoires) pour permettre des projets de restructuration en centre ancien (Loi Élan)


L’ORT, portée par l’intercommunalité et sa ville principale, vise une requalification d’ensemble du centre-ville dont elle facilite la rénovation du parc de logements, de locaux commerciaux et artisanaux et, plus globalement, du tissu urbain pour créer un cadre de vie attractif propice au développement à long terme de l’ensemble de l’agglomération.


Matérialisée par un périmètre défini (« secteur(s) d’intervention »), l’ORT emporte un certain nombre de mesures, notamment une mesure de défiscalisation « Denormandie » pour les travaux d’acquisition-réhabilitation des logements anciens afin d’améliorer la qualité de l’offre de logements locatifs.


Ces opérations permettent également l’intervention, à titre expérimental, de l’établissement public d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (Epareca) en vertu de l’article 174 de la loi élan ou encore le droit de préemption urbain renforcé.


Enfin, l’ORT permet de mieux réguler l’urbanisme commercial en favorisant les implantations en centre-ville et en conférant aux préfets, sur saisine ou après concertation des élus locaux, un pouvoir suspensif pour l’instruction de projets périphériques, dans certaines circonstances qu’un décret en Conseil d’État vient de préciser.


C’est donc une approche globale de consolidation des centralités que permet l’ORT.


 


Le dispositif fiscal « Malraux » 


Sur les 871 Sites Patrimoniaux Remarquables (SPR) approuvés sur la France entière, 105 existent aujourd’hui au sein des 222 villes du programme Action cœur de ville.


Le « Malraux » existe depuis 1962. Il s’agit d’un outil fiscal qui contribue à la requalification des centres dégradés par une réduction d’impôt sur le revenu en fonction des dépenses effectuées.
Il couvre uniquement des travaux puisqu’il a pour objet la restauration complète d’un immeuble bâti dont la préservation et la mise en valeur présente un intérêt patrimonial. Mais ses avantages ont malheureusement été réduits au fil des années, concentrés au demeurant dans les grandes villes.


C’est pourquoi un rapport inter-inspection IGF-CGEDD-IGAC sur l’évaluation et l’adaptation du dispositif « Malraux » aux enjeux des petites et moyennes villes a été remis au gouvernement en décembre 2018 (cf. page suivante). Il formule des recommandations pour rendre plus attractif et donc faciliter le développement de ce dispositif. Il préconise notamment une simplification des dispositions applicables et leur déploie ment à certains secteurs dinterventions des ORT qui est l’outil de mise en œuvre du programme Action cœur de ville. On ne peut préjuger à ce stade les arbitrages à venir, mais il est clair qu’un dispositif plus incitatif est très attendu par les élus et investisseurs locaux, car c’est dans les petites et moyennes villes, là où le marché immobilier est « détendu », que son apport est décisif pour sortir des opérations de rénovation à l’équilibre.


 


Réinventer nos cœurs de ville


Le ministère de la Cohésion des territoires et les partenaires financiers du programme, en liaison avec le ministère de la Culture et en partenariat avec la Cité de l’architecture et du patrimoine, ont lancé un appel à manifestation d’intérêt auprès des 222 villes d’ « Action cœur de ville » pour leur proposer de les aider à lancer un appel à projets local pour une opération immobilière emblématique en cœur de ville.


À travers « Réinventons nos cœurs de ville », les villes font appel à l’excellence professionnelle pour réaliser des opérations mixtes et innovantes afin de répondre plus particulièrement aux enjeux d’habitat et de développement économique et commercial des centres-villes.


S ur les 112 villes accompagnées dans le dispositif, nombreuses sont celles à avoir proposé un site ou un bâtiment à haute valeur patrimoniale, comme à Autun, Cahors, Châteauroux ou Louviers, recherchant à leur redonner une nouvelle vie en développant de nouveaux usages.


Ces villes à taille humaine sont un laboratoire pour imaginer et construire des solutions innovantes et durables, favorisant la transition écologique et l’inclusion sociale. Ainsi, Châteauroux propose aux équipes pluridisciplinaires de penser la transformation de l’ancienne usine Balsan dans le cadre de la création de la cité du numérique.


À Bourges, il s’agit d’imaginer les nouveaux usages du couvent des Augustins, inscrit à l’inventaire des monuments historiques, afin de l’ouvrir aux touristes, aux étudiants et aux artistes.


Intervenir sur des sites patrimoniaux ne signifie pas pour autant que le recours à la création et à l’inventivité de nouvelles formes urbaines et architecturales n’est pas possible. Par exemple, Lunéville a entrepris la construction d’un cinéma à l’architecture contemporaine en centre ancien. Afin que le projet puisse s’intégrer dans des espaces protégés (SPR, abords…), différents points ont retenu l’attention des porteurs du projet : respecter les voisins, apprivoiser l’héritage, se mouler dans le règlement, obéir aux normes ou encore conquérir l’opinion. Ces « contraintes » initiales permettent de concevoir une architecture d’excellence entrant en résonnance avec l’existant et répondant aux nouveaux besoins et usages les plus contemporains.


Le programme ACV contribue, par sa méthode, ses outils, son ingénierie et ses moyens, à mobiliser non seulement les élus et les services de l’État, mais tous les milieux professionnels autour d’un même objectif : repenser le logiciel de l’aménagement urbain en retrouvant notamment l’importance de la dimension patrimoniale de nos villes.


Dans un monde de plus en plus virtuel qui aboutit paradoxalement à isoler les individus, il nous faut assurément reconcevoir la ville, au profit de toutes les générations et catégories, en nous appuyant sur les richesses architecturales et paysagères que nous ont transmises les anciennes générations.
En consolidant ce réseau remarquable de villes qui ont façonné l’identité patrimoniale et paysagère de notre pays, Action cœur de ville se veut résolument au cœur de la modernité.


 


Rollon Mouchel-Blaisot,

Préfet,

Directeur du programme national Action cœur de ville


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