JUSTICE

Affaire Boyard : le Conseil d’État déboute C8 dans sa bataille contre l’Arcom

Affaire Boyard : le Conseil d’État déboute C8 dans sa bataille contre l’Arcom
Les juges administratifs ont refusé le renvoi d'une QPC devant le Conseil constitutionnel
Publié le 10/05/2024 à 16:05
Le dossier des insultes proférées par Cyril Hanouna à l’encontre du député Louis Boyard sur la chaîne C8 a été discuté devant la juridiction administrative. Le groupe Canal + demandait une QPC interrogeant la capacité de l’Arcom à sanctionner. Dans une décision rendue le 6 mai dernier, les juges ont rejeté tous ses arguments.

Énième épisode de la bataille juridique entre les médias du groupe Bolloré et l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom, ex-CSA). Cette fois, c’est l’affaire Louis Boyard qui se prolongeait devant le Conseil d’État. Pour rappel, le 10 novembre 2022, une violente altercation avait eu lieu sur le plateau de Touche pas à mon poste, l’émission phare de C8. Ancien chroniqueur du programme, le député de La France insoumise Louis Boyard avait souhaité évoquer les activités en Afrique de l’actionnaire principal de Canal +, Vincent Bolloré, avant de se faire reprendre par l’animateur Cyril Hanouna qui l’avait ensuite insulté. Une séquence devenue virale et qui avait amené l’Arcom a sévir. Par une décision du 9 février 2023, elle adressait à la chaîne une amende record de 3,5 millions d’euros.

C’est pour se défendre contre cette sanction que C8 a mobilisé le Conseil d’État. Pour l’avocat Eric Landot, « l’enjeu est simple : 3,5 millions d’euros ». « Il est compréhensible de tenter une riposte pour une amende d’un tel niveau », observe le docteur en droit public. Pour contester la décision de l’Arcom, les avocats de la chaîne attendaient que la juridiction administrative étudie une demande de question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Ils soulevaient, en résumé, l’insuffisance de garanties dans le fait que l’Arcom, autorité administrative indépendante, soit en mesure d’édicter des normes et de formuler des sanctions.

S’appuyant sur une jurisprudence fournie, le Conseil d’État a, dans sa décision rendue le 6 mai, rejeté ce point de vue. « Le principe de la séparation des pouvoirs, non plus qu’aucun principe ou aucune règle de valeur constitutionnelle, ne fait obstacle à ce qu’une autorité administrative [...] puisse se voir confier un pouvoir de sanction dans la mesure nécessaire à l’accomplissement de sa mission, dès lors que l’exercice de ce pouvoir est assorti par la loi de mesures destinées à assurer la protection des droits et libertés constitutionnellement garantis », ont tranché les juges du Palais-Royal.

Une stratégie d’opposition permanente

C8 a toutefois mobilisé d’autres arguments : l’incompétence négative du législateur qui ne devrait pas permettre à l’Arcom de sanctionner, la potentielle ingérence du régulateur dans le domaine pénal, l’irrespect du principe non bis in idem, la non-proportionnalité des peines… Autant de moyens qui ne portaient que peu d’espoir d’être entendus et qui ont été balayés par le Conseil d’État, qui les a considérés comme « pas nouveau et sans caractère sérieux ». Pourquoi, alors, le groupe Bolloré s’est-il lancé dans cette fronde sans réelle chance de victoire ? « Un échec ne coûte pas grand-chose puisqu’il est peu médiatisé et pas vraiment surprenant, tandis qu’un succès pourrait faire beaucoup de bruit », analyse Eric Landot. De quoi justifier, au moins en partie, que les chaînes du groupe Canal + contestent la quasi-totalité des sanctions infligées par l’Arcom. Une stratégie d’omniprésence dans les tribunaux que Vincent Bolloré applique d’ailleurs à d’autres champs économiques, ses entreprises ayant pour habitude d’agir très régulièrement en justice.

Cette volonté de confrontation avec le régulateur de l’audiovisuel porte aussi un sens politique. Au-delà du fait que d’éventuelles victoires juridiques auraient des conséquences importantes pour l’image des chaînes, le contexte pousse Canal + à occuper le terrain. 2025 verra les fréquences de certaines chaînes de la TNT remises en jeu, dont celle de C8 dès le mois de février, et CNews et Canal + fin août. Il est donc important pour le groupe de commencer à peser dans l’opinion. Et ce d’autant plus que l’attribution des fréquences interviendra dès l’automne prochain, alors que monte la petite musique d’un retrait des canaux utilisés par les chaînes de Vincent Bolloré en guise de sanction pour les nombreux écarts épinglés par l’Arcom.

L’ancienne ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, s’était justement prononcée en faveur d’un non-renouvellement des autorisations de CNews et C8. Preuve, même si sa successeure Rachida Dati ne s’est pas encore positionnée, que les médias du milliardaire breton ne sont pas à l'abri. Autre actualité qui menace l’image du groupe, la récente commission parlementaire sur la TNT. Après des auditions très médiatisées, quelques polémiques et des désaccords sur le rapport final établi par le député insoumis Aurélien Saintoul, la commission d’enquête rendra publiques ses conclusions le 14 mai. Elles devraient à nouveau pointer du doigt les pratiques des chaînes du groupe Bolloré.

Louis Faurent

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