Bien qu’analysé sous toutes
ses coutures par les plus brillantes écoles, de Friedmann, tenant d’une vision
monétariste, à Keynes, axé sur la notion de déséquilibre offre/demande, ou
Zarnowitz, focalisé sur les coûts, le phénomène de l’inflation garde une grande
part de mystère…
Pascal Banqué signe avec ce
livre chez Calmann Levy une parution qui cadre le sujet et s’inscrit dans la
continuité de son œuvre de recherche stimulante. Il y expose ses réflexions
concernant un cercle parfois vicieux systémique. Car la psychologie alimente le
processus, l’inflation se nourrissant elle-même d’anticipations inflationnistes, «
les prix montent parce que les gens s’attendent à ce qu’ils montent ».
Il reste que le concept,
souvent instrumentalisé dans les débats politiques, n’est pas suffisamment
compris d’un point de vue scientifique. L’inflation est aussi l’expression de
choix explicites ou implicites qu’une société fait pour elle-même, une représentation
construite d’images et de mots. Les enjeux, autant que la signification qu’on
lui attribue, dépassent largement la seule sphère des faits économiques ;
autant d’éléments qui permettent à l’auteur d’affirmer que « l’inflation ne
peut être laissée aux seuls économistes ».
Avec l’inflation, les deux
plans économiques et sociétaux sont étroitement liés. Ils ouvrent le débat sur
les préférences des sociétés, qui devient, de facto, politique. Aussi L’objet
de cet ouvrage est de montrer que le retour de l’inflation, « a ramené la
perspective d’un changement de régime économique et financier, ébranlant les
convictions les plus établies et rebattant les cartes des vérités les plus
éternelles ».
L’auteur s’attache à expliquer
dans deux chapitres particulièrement documentés ce qu’est un régime économique
et financier, comment il se met en place, vit, puis cède à un autre qui le
remplace. Les « aventures » de l’inflation offrent de ce point de vue,
un angle unique d’illustration de cette thèse. Un régime demeure l’association
de pratiques économiques et de représentations qui leur donnent sens.
Mais, souligne Pascal
Blanqué* en s’appuyant sur la vision rare que lui confèrent ses fonctions et
son expérience : « l’économique et le financier, comme les
kaléidoscopes, proposent à l’infini des jeux de miroirs aux formes et aux
couleurs changeantes. L’incertitude des choses humaines y règne en
maître ».
L’auteur prouve une nouvelle
fois que l’économie et la finance demeurent des chemins de recherche
fascinants, mais que « beaucoup s’enfoncent dans la forêt pour aller nulle
part et c’est leur étroitesse même qui fait qu’ils sont des sentiers ».
Une forme de lucidité rassurante au moment où la fragmentation du monde, un
nouveau rapport au temps et à la valeur, parait ouvrir un régime inédit, celui
de la « frag-flation », comme semble l’envisager l’auteur dans ce néologisme ?
Jean-Louis
Chambon
Président d’honneur du prix Turgot
*
Pascal Blanqué, normalien, docteur en finance, est un praticien et théoricien
des Marchés financiers. Anciennement chef économiste du groupe Crédit Agricole,
et aujourd’hui directeur des investissements de Amundi, il opère pour l’un des
plus importants fonds souverains au monde. Auteur d’une œuvre très importante,
il a été distingué à plusieurs reprises par d’éminents Prix.