Les membres du Club du Châtelet de la chambre
des notaires de Paris ont organisé, le 21 mai dernier, une conférence sur
le thème de la fin de vie. À cette occasion, sont intervenus des experts et
invités d’exception tels que l’écrivain, philosophe et membre de l’Académie
française, Alain Finkielkraut ; le notaire et essayiste Pierre Dauptain,
ainsi que le docteur Christine Decherf, médecin et présidente de l’Association
Nénuphar. Un débat qui tombait à point nommé, alors que l’affaire Vincent
Lambert connaissait de nouveaux rebondissements.
Le 28 juin 2019, la Cour de
cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel de Paris qui ordonnait la
reprise des traitements, alors suspendus, de Vincent Lambert, patient en état
végétatif depuis 2008. Cette décision permet à l’équipe médicale de poursuivre
l’arrêt des traitements. Le 11 juillet, Vincent Lambert décède, après avoir été
au cœur de plus de 10 ans de bataille judiciaire.
Le 20 mai 2019, après des années de procédures, le CHU de Reims, qui s’occupait
de Vincent Lambert, dans un état végétatif irréversible, après avoir été
victime d’un accident de la route en 2008, a mis en place la sédation profonde
accompagnée de l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation du patient.
Cependant, quelques heures après, les parents de Vincent Lambert saisissaient
la cour d’appel de Paris qui a ordonné, à la surprise générale, la reprise des
traitements afin de « respecter les mesures provisoires demandées par
le Comité international des droits des personnes handicapées [organisme
des Nations unies] le 3 mai 2019 tendant au maintien de l’alimentation et l’hydratation ». Une décision qui donnait ainsi le temps au Comité d’étudier le dossier de
Vincent Lambert.
Incroyable coïncidence, le Club du Châtelet de la
chambre des notaires de Paris organisait le lendemain une conférence, prévue de
longue date, sur le thème de la fin de vie. L’occasion d’ancrer les débats dans
une actualité des plus brûlantes.
LA PEUR DE LA FIN DE VIE A
REMPLACÉ CELLE DE LA MORT
La conférence a débuté par une brève présentation du Club et du thème de
la soirée par Bertrand Savouré, président de la Chambre des notaires de Paris
Île-de-France, puis Maître Pierre
Dauptain a entamé le débat par des
considérations générales sur la notion de fin de vie, et les angoisses que
celle-ci suscite dans notre société contemporaine. Pour certains, bien
davantage que la mort.
Rappelons tout d’abord que le terme de fin de vie n’est pas synonyme de
mort. Il s’agit plus précisément de l’avant-mort, une étape qui peut être plus
ou moins longue.
« Les Anciens se demandaient, y a-t-il une vie après la mort ? »,
a rappelé Maître Pierre Dauptain qui a ouvert le débat, « les
pessimistes eux : y a-t-il une vie avant la mort ; et nous
contemporains : comment vivrais-je la fin de mon chemin vers la
mort ? »
De nos jours en effet, le recul de l’âge de la mort, grâce aux progrès
de la science et de la médecine, a pour conséquence le fait que l’on a moins
peur de son trépas que de sa fin de vie. La maladie d’Alzheimer, par exemple,
affole beaucoup plus ceux qui vieillissent. « On redoute ce moment de
perte de contrôle, synonyme de déchéance. Mourir dans son sommeil devient alors
un rêve inaccessible », a déclaré l’essayiste.
Certes, on peut se réjouir des progrès de la médecine qui assurent une
vie de plus en plus longue, mais c’est également inquiétant.
L’exemple de nos aînés qui, à partir de 50 ans, commencent à
décliner, nous effraie. « Or, la maîtrise de sa vie est justement un
gain que l’on estime avoir acquis depuis la fin des années 60 », a
affirmé Pierre Dauptain.
Depuis la génération des baby-boomers, nous assistons en effet à une
révolution des mentalités. On s’est libéré des contraintes de la nature et des
carcans moraux jugés oppressants (contraception, IVG, homosexualité, PMA…), a
expliqué le notaire.
Lui-même, en tant que notaire, a expérimenté cette
révolution dans son travail. Cette quête d’autonomie s’est ainsi introduite
dans le droit des successions (avec l’assurance-vie), et dans le droit des
incapacités. Des outils ont été créés dans ce domaine tels que l’acte de
désignation d’un tuteur ou d’un curateur, et le mandat de protection future
(avec ce mandat, on donne au mandataire toutes les consignes à suivre au cas où
on aurait perdu la tête).
Bref, les individus semblent de plus en plus maîtres de leur existence.
Il n’est donc pas étonnant, selon Maître Dauptain, que certains
revendiquent même « la maîtrise de leur mort, et une médecine au
service de leurs propres attentes ».
Pour lui, cependant, cette quête d’autonomie renvoie à des questions
fondamentales : ma mort est-elle une chose absolument personnelle ?
N’appartient-elle pas aussi aux proches qui seuls « en garderont le
souvenir » ? Suis-je donc légitime à imposer les modalités de ma
mort à mon entourage ? La société n’a-t-elle pas aussi son mot à dire dès
lors qu’on demande une assistance médicale pour parvenir à son idéal de
mort ?
Le notaire s’est ensuite penché sur ce que permet la loi française aux
citoyens.
Notamment la loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016, qui a créé de nouveaux droits pour les personnes malades en fin de vie.
Peu connue, cette loi rend quasi contraignantes les directives anticipées de
fin de vie et offre la possibilité aux médecins, quand le patient veut éviter
toute souffrance et ne pas subir d’obstination déraisonnable, de mettre en
œuvre une sédation profonde et continue associée à un arrêt des traitements.
Les directives anticipées contenues dans cette loi – avec la désignation
d’un tiers de confiance – vont aussi dans le sens d’une maîtrise de sa fin de
vie.
Quant au mandat de protection future, celui-ci permet d’éviter « l’humiliante
tutelle et de garder la main sur sa propre incapacité », a expliqué le
notaire.
Des mesures qui, pour certains, constituent un premier pas vers
l’euthanasie.
« Curieusement », a toutefois souligné
Maître Dauptain, « ces directives anticipées sont actuellement
très peu utilisées ». N’est-ce pas parce qu’on a du mal à se projeter
au seuil de la mort alors qu’on est en pleine santé ? « Ce que je
ressens aujourd’hui sera-t-il la même chose que ce que je ressentirais
demain ? »
Autre interrogation : la perspective d’une perte totale de ses
facultés à la fin de sa vie étant une des principales angoisses de nos
contemporains, n’est-il pas logique que la solution de la « sédation
profonde » concerne bientôt un champ beaucoup plus large ?
Faut-il aller plus loin et se diriger vers le suicide assisté ?
s’est interrogé le notaire.
« Le suicide assisté serait en effet une réponse pour celui qui,
sachant la perte de ses fonctions cérébrales inéluctables, voudrait abréger son
existence plutôt que de vivre de longues années comme ça », a expliqué
Maître Pierre Dauptain.
Cependant, si cette pratique devenait légale, cela n’entraînerait-il
pas, dans une société qui prône l’efficacité et la performance, une
condamnation morale de ceux qui choisiraient malgré tout de vivre, grâce à la
solidarité familiale et nationale alors qu’ils ne peuvent plus rien
produire ?
Enfin, selon le notaire et essayiste, l’euthanasie active renvoie à une
autre inquiétude : « sous couvert de vouloir abréger la souffrance
du patient, n’est-ce pas plutôt la suppression de la souffrance des proches que
l’on vise ? ». Plus grave encore, le suicide assisté, devenu
légal, ne permettrait-il pas en réalité de décharger les enfants de
l’obligation alimentaire, et la collectivité de résoudre les effets collatéraux
de l’allongement de la vie (coûts de la sécurité sociale, et des aides
sociales) ?
Maître Dauptain a ensuite invité le philosophe et académicien,
Alain Finkielkraut, à s’exprimer sur le sujet, certain que ce dernier « appréciera
l’ensemble de ces questions éthiques avec hauteur ».
POUR UN CHOIX PERSONNEL DE SA FIN
DE VIE
Pour introduire son propos, Alain Finkielkraut a commencé
par citer un extrait d’une œuvre de Johannes von Saaz, Le laboureur de
Bohème, un texte que le poète allemand a écrit en s’inspirant de son vécu.
Il s’agit d’un dialogue entre un laboureur, qui vient de perdre sa jeune
épouse, et la mort.
La discussion se transforme peu en peu en un
véritable procès. Le laboureur accuse la mort d’exister : « Épouvantable
assassin de tous les hommes ! », et finit par la maudire.
Celle-ci tente en vain de le raisonner, de lui faire comprendre que tout est
nécessairement éphémère.
« Ce laboureur oublié est notre grand
ancêtre » a commenté Alain Finkielkraut. « Notre monde procède
de son emportement » a-t-il ajouté. En effet, pour lui, le geste
inaugural de la modernité « n’est pas la volonté de puissance pour la
puissance, mais la révolte contre le deuil ».
À l’époque de Johannes von Saaz, le plus important
était l’éternité, d’où la présence d’une église dans chaque paroisse, et la
communion obligatoire.
Mais « le laboureur va à l’encontre de cette
pensée. L’éternité après la mort ne lui dit rien qui vaille », a
affirmé l’académicien. Au contraire, « il inaugure l’ère où la
longévité devient un besoin socialement reconnu ».
La criminalisation de la mort par le laboureur de
Bohème annonce, a ajouté l’académicien, l’époque où la science et la
philosophie veulent se rendre « maîtres et possesseurs de la
nature » pour améliorer le sort des hommes.
Ainsi, alors qu’autrefois, le philosophe était un
sage contemplatif qui acceptait son sort avec stoïcisme ; on peut donc
dire que le philosophe moderne est un antiphilosophe. Il n’est plus
contemplatif, mais actif, a expliqué Alain Finkielkraut. Descartes affirmait en
effet en son temps : « la conservation de la santé est le premier
bien et le fondement de tous les autres… elle a été de tout temps le principal
but de mes recherches ».
Aujourd’hui, la médecine a déjà fait d’incroyables
progrès pour faire reculer la mort. Mais certains veulent aller encore plus
loin : « les transhumanistes ne surgissent pas de nulle part. Ils
sont l’ultime avatar du bioprogressisme. Les vengeurs du laboureur de Bohème »,
a affirmé Alain Finkielkraut.
Le transhumanisme promet en effet à nous et à nos
descendants de vivre en bonne santé physique et mentale pendant 200,
300 ans. Et pourquoi pas de nous soustraire à la mort.
Les gens veulent y croire, bien entendu, « or
ce n’est pas possible », a affirmé l’académicien. Car le cerveau est
le seul organe qu’on ne peut réparer.
La médecine soigne victorieusement la plupart des maladies, a-t-il
poursuivi, ce qui est tout à fait louable. Cependant, « elle en vient
du fait même de ses succès à multiplier les diverses formes de démences
séniles, et notamment la maladie d’Alzheimer ».
Notre espérance de vie ne cesse de croître. « Faut-il
pour autant se réjouir sans réserve de ce miraculeux moment de rab »,
s’est interrogé le philosophe. « Certainement pas », a-t-il
immédiatement répondu.
Pourquoi ? Parce qu’aujourd’hui, une nouvelle
peur accompagne « comme son ombre » le progrès. En effet, à la
peur de la « fin de la vie », s’ajoute la peur sourde de la « fin
de vie ». Car cette « avant mort » est de plus en
plus souvent une interminable dégradation neurologique. Cela est effrayant, a
reconnu l’académicien. « Avec la destruction de l’esprit, de
l’intelligence et de l’âme, aucune réconciliation avec la mort n’est possible »,
a-t-il ajouté.
Pour illustrer cette effrayante réalité, Alain
Finkielkraut a cité un autre roman, celui de John Calmann Stevenson intitulé D’ailleurs
les poissons n’ont pas de pieds.
Ce livre raconte l’histoire d’un homme victime d’une
attaque cérébrale foudroyante, et qui devient grabataire. Ce dernier « pousse
des cris monocordes d’ennui et de douleur. La nuit, il cherche à mourir, mais
n’y arrive pas ».
Ce vieux monsieur est l’illustration même, selon
l’académicien, « d’une société qui fabrique des nonagénaires déments à
la chaîne ».
Or, nous ne voulons pas finir comme cela. C’est
pourquoi, « dans notre monde orphelin de l’éternité, un autre vœu, un
autre désir, un autre souhait vient concurrencer en nous le vœu de longévité.
Paul Ricœur le décrivait comme celui "d’être vivant jusqu’à la
mort" », a commenté Alain Finkielkraut.
Or, cela n’est pas possible. La longévité, la grande
vieillesse, s’accompagne presque toujours de maladies neurologiques.
« Je ne suis pas du tout contre la
vieillesse. Mais seulement pour une vieillesse comme transmission, héritage,
enracinement, pas pour une vieillesse condamnée à l’oubli, murée dans
l’indifférence », a-t-il ajouté.
L’adadémicien a ensuite averti l’assistance. Si cela
lui arrivait un jour, il voudrait pouvoir bénéficier de la possibilité d’en
finir, au lieu de sombrer dans la déchéance et la souffrance totale.
Pour lui, les médecins qui refuseraient sa demande
oublieraient que « la morale c’est aussi le souci d’autrui ».
En effet, a-t-il ajouté, « quand on ne peut
faire rien de mieux pour son prochain que de l’aider à mourir, alors il faut
l’y aider ».
Or, selon lui, « ce monde est encore sourd à
de telles requêtes. »
En même temps, à son sens, il n’y a rien de plus
« détestable » que la terminologie choisie par ceux qui
militent pour le droit de mourir « dans la dignité ». En
parlant de dignité, ces derniers laissent ainsi entendre, selon l’académicien,
que le handicap, la vulnérabilité, la débilité, l’inconscience de soi et du
monde sont indignes.
En suivant cette logique, « la société
pourrait ainsi mettre en demeure les médecins de tuer des patients séniles de
plus en plus nombreux, et qui coûtent de plus en plus chers. »
Bref, pour Alain Finkielkraut, « il faut
défendre la demande personnelle de suicide assisté, mais combattre sans
défaillance l’euthanasie comme demande sociale ».
Le philosophe a terminé par quelques mots sur
Vincent Lambert. Pour lui, le problème, est que celui-ci n’était pas en
situation de fin de vie, mais en état de conscience altérée. « Dans ce
cas, la seule solution serait sans doute de suivre la volonté du patient. Pour
lui, la vie végétative n’est plus la vie, il demandait donc à ses proches de
l’aider », a expliqué le l’académicien.
Quant au médecin, pour le philosophe, ce dernier
doit assumer ses choix, c’est-à-dire procéder à une injection létale plutôt que
d’arrêter le traitement, d’endormir le patient et le laisser mourir d’inanition
et de déshydratation.
Après le philosophe, cela a été au tour de Christine
Decherf, médecin et présidente de l’Association Nénuphar – qui œuvre dans le
développement des soins palliatifs et l’accompagnement des patients et des
familles dès l’annonce d’un cancer –, de donner son avis de femme de terrain.
LE REGARD D’AUTRUI ET SON IMPACT SUR
LA FIN DE VIE
« Cette
réflexion littéraire et philosophique est très intéressante » a reconnu
le docteur Decherf, « mais pour autant, est-ce la totale réalité ? »,
s’est-elle demandé en toute franchise.
Même après
20 ans passés
en gestion de soins palliatifs, celle-ci a confessé : « Je
n’ai pas de réponse. Je dirais même que j’en ai de moins en moins. »
Pour elle
donc, il n’y a en fait pas de bonnes réponses. Il faut certes savoir écouter ce
que veut dire le patient, mais ce n’est pas si simple.
Pour le médecin, il est d’abord primordial de faire une différence
entre dépendance et déchéance. Pour Christine Decherf, en effet, la déchéance
est aussi le regard de l’autre. Quand on dit « je ne veux pas imposer
ça à mes proches ? De quoi a-t-on peur réellement ? »,
s’est-elle interrogée. « De perdre son indépendance ? Ou
bien de perdre l’amour de ses proches ? »
En outre,
les personnes qui arrivent avec des demandes anticipées (seulement 3 % des
patients en soins palliatifs) ne demandent parfois plus du tout la même chose
une fois en soins palliatifs.
En effet,
quand on rédige des instructions par anticipation, c’est l’imaginaire qui
travaille, car « c’est impossible de se représenter une telle situation ».
Comment savoir si ce que l’on ressent maintenant sera similaire une fois
malade ?
Pour le
docteur Decherf, il faut également se poser la question au niveau sociétal,
« ce que l’on fait de "nos vieux", la manière dont on
regarde la démence, quelque part ça influe sur les décisions que l’on prend
aujourd’hui pour nous-mêmes, et la vision que l’on a de notre propre
finitude » a-t-elle expliqué.
Autrefois,
en effet, il y avait beaucoup moins de personnes âgées. Celles qui restaient
étaient considérées comme les plus fortes, elles étaient donc admirées. « Aujourd’hui,
le grand âge fait qu’on perd sa place dans la société. Mais doit-on forcément
la perdre dans son cercle familial, amical ? », a-t-elle demandé.
Alain
Finkielkraut évoquait la perte de l’âme dans la démence. « L’âme,
je ne sais pas ce que c’est moi, comment savoir qu’on la perd ? »
a répondu le médecin. Pour elle, il y a en tout cas quelque chose
d’inexplicable qui fait le propre de l’humain. Cela nécessite de le prendre en
compte, quand bien même l’esprit et l’intelligence ont disparu.
Christine
Decherf a pris l’exemple d’une patiente très agée qui, dans un moment de
lucidité a écrit une lettre pour raconter qui elle avait été autrefois :
« Je ne suis pas seulement celle que vous lavez et soignez aujourd’hui.
J’ai été une femme qui a aimé, qui s’est mariée, qui a eu de beaux
enfants. ».
Dans son hôpital,
le docteur Decherf a également affirmé avoir vu des petits-enfants créer des
liens nouveaux avec leurs grands-parents, même si ces derniers ne pouvaient
plus manger seuls ou avaient la maladie d’Alzheimer. « J’ai assisté à
des scènes très drôles, il ne faut pas négliger ces liens », a-t-elle
affirmé.
Concernant
la question du suicide assisté, l’experte a expliqué : « des
histoires de vie, des souffrances physiques et morales, le médecin doit les
entendre. Et c’est vrai, parfois, il doit être courageux, et assumer des
décisions difficiles. »
Pour celle-ci, il est en revanche « hors de question que le
médecin devienne un prestataire de services ». On ne doit pas arriver
avec une demande d’euthanasie, et exiger que le médecin la fasse, uniquement
parce qu’il est le seul habilité à faire une injection létale. « C’est
quelque chose de bouleversant pour un médecin. En tant qu’être humain, il se
demande s’il fait vraiment au mieux », a-t-elle confessé.
Puis
d’insister : « Le geste pour le geste, non, c’est hors de
question. Ce n’est pas parce que la société va autoriser le suicide assisté que
les médecins vont devoir y répondre à tout va. Un médecin n’est pas un robot »,
a rappelé Christine Decherf.
À son avis,
il faut en tout cas garder à l’esprit que même si la loi légifère en faveur du
suicide assisté, cela n’est pas une solution parfaite.
En conclusion, a-t-on raison de faire de la fin de vie, et plus
particulièrement du suicide assisté, un débat de société ? En effet, à
partir du moment où il existe des actes individuels d’euthanasie, cela ne
va-t-il pas conduire à une demande sociétale ? Alain Finkielkraut espère
que le suicide assisté sera un jour autorisé dans des cas particuliers, mais
tout en gardant énormément de garde-fous. Pour ce dernier, « il ne faut
jamais que celui-ci réponde à une demande sociale. » Pour Christine
Decherf, le débat social est primordial, mais plutôt pour faire sortir de
l’ombre la maladie grave et la mort. En effet, « la société les a
occultées. C’est pour cela que ça nous fait si peur », a-t-elle
affirmé. Bref, pour cette dernière, procéder à un questionnement éthique, c’est
essayer de tendre vers le mieux, mais cela ne signifie pas qu’on va trouver une
solution.
Maria-Angélica Bailly