Les premières
conséquences chiffrées du COVID-19 commencent à être connues : l’impact
sur l’économie mondiale sera très significatif et va concerner de très nombreux
secteurs ; les opérations de fusions-acquisitions s’en trouveront, et le
sont déjà, nécessairement affectées.
D’un
point de vue global, la plus grande incertitude plane : si l’on avance déjà
des chiffres concernant certains secteurs particuliers (à titre d’exemple,
en février 2020, les ventes mondiales de smartphones ont diminué de 38 %
par rapport à février 2019, principalement en raison de l’arrêt de la
production en Chine et de la baisse de la demande), la prudence est de mise.
Les
dirigeants ont cependant commencé à préparer les citoyens en comparant la crise
actuelle à celle de 2008, voire de 1929. Les dernières prévisions relatives à
l’évolution des taux de croissance, même si elles doivent être prises avec précaution,
sont sombres : -23,6 % pour la zone euro et -12,9 % pour les États-Unis
au deuxième trimestre 2020.
En
2020, la zone euro sera vraisemblablement en récession au premier semestre et
sur l’ensemble de l’année.
En
France, plusieurs grands groupes ont significativement baissé leurs prévisions,
annonçant d’ores et déjà qu’ils ne seraient pas en mesure de respecter leurs
budgets 2020. Danone, très présent sur le marché chinois, a ainsi chiffré à
hauteur de 100 millions d’euros les conséquences du virus au premier
trimestre 2020. Air France - KLM estime pour sa part que l’impact du COVID-19
sur son résultat d’exploitation sera de l’ordre de 150 à 200 M€ sur la
période février-avril 2020.
Quoi
qu’il en soit, les mesures de confinement mises en place affectent
nécessairement l’économie, le ministre de l’Économie ayant récemment indiqué
que « l’industrie tourne à 25 % de ses capacités ».
Les
entreprises ont en effet donné la priorité à la santé de leurs salariés et
partenaires, à la continuité de leurs activités (chaînes d’approvisionnement et
de production, commercialisation de leurs produits ou prestations) et à la
sécurisation de leur trésorerie.
Plusieurs
sociétés (dont Accor) ont suspendu la mise en œuvre de programmes de rachat
d’actions. De nombreuses sociétés cotées annoncent qu’elles vont proposer une
diminution voire une suppression du dividende dont le versement était envisagé
après une excellente année 2019. Les
opérations de fusions-acquisitions ne peuvent qu’être impactées par cette
situation : elles ne constituent plus la priorité de la plupart des
acteurs, y compris les fonds d’investissement qui ont d’abord procédé à un état
des lieux au sein de leurs portefeuilles de participations et ont pour objectif
premier d’accompagner ces participations dans la mise en œuvre des mesures assurant
leur pérennité.
Les
anticipations en matière d’opérations pour l’année 2020 étaient déjà mitigées,
et il a été constaté un recul, depuis le début de l’année, de respectivement
42 % aux États-Unis, premier marché mondial, et de 10 % dans le
monde.
Les
entreprises ont adopté un comportement très prudent depuis le début de la crise,
en l’absence de visibilité quant au calendrier de sortie et d’incertitude par
rapport à ses conséquences exactes sur le plan économique, commençant par
mettre en suspens les projets en cours ou en les arrêtant purement et
simplement. Aux États-Unis, Warner Music Group Inc. a annoncé début mars 2020
que son introduction en bourse était temporairement reportée.
Les
quelques opérations qui sont encore annoncées concernent principalement des
secteurs qui sont moins affectés par la crise (distribution alimentaire,
énergie, outils technologiques, etc.) ou des accords qui étaient déjà conclus
et pour lesquels les conditions suspensives sont réalisées ou en cours de
réalisation.
Concernant
celles qui débutent, la réalisation des opérations d’audit, en particulier sur
les sites industriels, est significativement impactée par les mesures de
confinement, même si les outils électroniques permettent de pallier
partiellement à cette situation.
Les
négociations, elles, sont menées sous un jour nouveau sur de nombreux points
comme la fixation et le paiement du prix (certains réfléchissent déjà à des mécanismes d’earn
out ou de paiement échelonné, mais d’un point de vue plus global, la crise
semble avoir provoqué la fin des clauses de locked box), les clauses
relatives à la gestion intermédiaire entre le signing et le closing,
les clauses de force majeure et « MAC clauses », les déclarations et
garanties, etc.
L’ampleur
exacte de l’impact de l’épidémie sur les opérations de fusions-acquisitions et
sa durée dépendront bien sûr de la durée de la pandémie elle-même. Même si les
mesures de confinement sont levées courant mai 2020, il paraît difficile
d’anticiper une reprise avant l’été ou plutôt l’automne 2020.
Mais
globalement, la nature des opérations de fusions-acquisitions sera probablement
impactée, surtout si la crise se prolonge ; dans un tel cas, les
opérations de croissance laisseront vraisemblablement place à des opérations de
restructuration.
Séverin Kullmann et Alain de
Rougé,
Associés Corporate/M&A,
Cabinet BCTG Avocats