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Institut Thomas More - Libertés publiques et technologies de surveillance : état des lieux et perspectives après la crise sanitaire

Institut Thomas More - Libertés publiques et technologies de surveillance : état des lieux et perspectives après la crise sanitaire
Publié le 14/10/2020 à 11:45

Postérieurement au confinement, Jean-Thomas Lesueur, délégué général de l’Institut Thomas More, a animé un cycle de trois e-conférences, les 18 juin et 25 juin ainsi que le 2 juillet 2020 : « Traçage numérique », avec Cyrille Dalmont, chercheur associé en intelligence artificielle et numérique à l’Institut Thomas More ; « Vidéosurveillance, biométrie et reconnaissance faciale » avec François Jeanne-Beylot, fondateur de la société Troover et professeur associé à l’Ecole de guerre économique ; « Drones » avec Panpi Etcheverry, chargé de mission au ministère des Armées.



Le traçage numérique


Cyrille Dalmont explique que le traçage numérique (tracking) est une méthode employée pour connaître les déplacements des populations. Le retour sur trace ou retour arrière (back tracking) permet quant à lui d’identifier les relations interpersonnelles des individus ciblés par le système. Le terme « traces numériques » désigne toutes les informations qu’un dispositif numérique enregistre sur l’activité ou l’identité de son utilisateur au moyen d’indicateurs, tels que les cookies. Le relevé se fait soit automatiquement, soit par le biais d’un dépôt intentionnel. Moteurs de recherche, blogs, réseaux sociaux, sites de commerce électronique, mais aussi cartes à puce et de transport, téléphones mobiles, objets connectés, tous les systèmes qui requièrent une identification ou une interaction sont susceptibles de capter des informations sur l’utilisateur : parcours, requêtes, préférences, achats, connexions, évaluations, coordonnées, positions géographiques. Les traces numériques ne sont pas des messages mais des données qui, prises isolément, n’ont guère de sens. En revanche, une fois regroupées, traitées et combinées entre elles, elles révèlent des caractéristiques significatives, stratégiques ou sensibles sur les personnes et leurs activités, voire définissent un véritable profil numérique.


L’application StopCovid lancée par le gouvernement le 2 juin 2020, aurait, selon Cédric O, secrétaire d’État au numérique, été installée environ 1,7 million de fois. Cela représente un peu moins de 2,4 % de la population française, et moins d’un utilisateur de smartphone sur 60 en France. À titre de comparaison, le programme de suivi de cas contact australien a été téléchargé par 8 % de la population en 24 heures. L’équivalent norvégien a été activé par plus d’un quart des ressortissants du pays en une semaine.


Concrètement, StopCovid fait appel au système bluetooth pour effectuer un suivi de contact (contact tracing), un traçage des personnes et de leurs relations interpersonnelles grâce à leur smartphone. L’objectif est de retrouver les déplacements des malades ou des personnes susceptibles d’être infectées. Ce programme est présenté comme une aide à l’identification des cas contacts. Il s’inscrit dans le plan sanitaire global de déconfinement du gouvernement. Le traçage du parcours a posteriori d’un malade contagieux avéré sert à informer rapidement du risque de contamination tous ceux qui l’ont approché suffisamment longtemps.





Les outils de tracking reposent sur des prérequis : identifier les personnes, connaître leurs déplacements et leurs rencontres ; éventuellement savoir leur lieu de résidence. Les géants du numérique et les opérateurs de téléphonie utilisent cette technologie à grande échelle depuis des années à des fins commerciales, que notre GPS ou notre bluetooth soit activé ou non sur nos mobiles. Grâce aux antennes relais, la géolocalisation d’un smartphone se détermine dans un rayon de 100 mètres en moyenne par triangulation (moins de 30 mètres dans les grandes villes), de même avec notre adresse IP, dès que notre smartphone se connecte. Même si un utilisateur n’active pas ses données de localisation, Facebook arrive à définir son emplacement jusqu’au niveau de la ville ou du code postal (et peut être plus précis en cas d’impératif de sécurité).


Sauf à vivre au fond d’une caverne, nous sommes donc quasiment tous tracés et, de surcroît, écoutés. En effet, nos ordinateurs, nos tablettes, nos smartphones, nos enceintes connectées et certaines box sont équipés d’assistants vocaux qui se déclenchent avec les fameux : « dis SIRI » ; « OK Google » ; « hey Cortana ». Logiquement, pour pouvoir se déclencher, ces assistants personnels doivent être à l’écoute en continu. Conclusion, nous sommes tracés et écoutés dans une logique mercantile, avec nos accords plus ou moins implicites, plus ou moins éclairés, dans une forme de renoncement généralisé. Pour Cyrille Dalmont, il faut accompagner le progrès sur la base de règles éthiques. Aujourd’hui, elles semblent plutôt imposées par des mégastructures de marché implantées à l’étranger.


Dans son communiqué du 19 février 2020 intitulé « Façonner l’avenir numérique de l’Europe », la Commission européenne énonce : « il convient de donner aux citoyens les moyens de prendre de meilleures décisions sur la base des informations tirées de données à caractère non personnel. Ces données devraient être accessibles à tous les acteurs qu’ils soient publics ou privés, grands, petits, nouveaux venus, ou bien établis. La Commission européenne souhaite donc orienter les citoyens européens sur la base de la collecte massive de traces numériques. »


Le 9 juin 2020, la même Commission annonce le choix de deux sociétés françaises, Idemia et Sopra Steria, pour la création d’une base de données biométriques européenne. Le projet Common Identity Repository (CIR) a été adopté le 16 avril 2019 par le Parlement européen.
Ce CIR sera accessible à l’ensemble des services de douane et de police des pays membres de l’Union européenne. Il comportera les données d’identité et de biométrie d’environ 400
 millions de citoyens essentiellement européens. Ce nouvel outil a pour ambition de nous protéger et de lutter contre le terrorisme, l’immigration illégale et le blanchiment de capitaux.


L’agence de l’Union européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté de sécurité et de justice (eu-LISA), précise que le système de correspondances biométrique partagé deviendra l’un des plus importants au monde lorsqu’il intégrera toutes les bases existantes et futures de l’Union européenne. Cette collecte massive de données biométriques s’accompagnera inévitablement de traces numériques et de données qui, une fois anonymisées, pourront entrer dans le cadre de la stratégie encore plus globale souhaitée par la Commission européenne, à savoir sa volonté de créer un marché commun des données. Selon la stratégie adoptée par l’Europe, les données sont devenues un facteur de production essentiel et la valeur qu’elles créent doit être partagée avec l’ensemble de la société qui les fournit. L’Europe doit construire un véritable marché unique européen des données, un espace européen des données fondé sur des règles et des valeurs européennes.


 


La vidéo-surveillance, biométrie et reconnaissance faciale


Le professeur François Jeanne-Beylot cite pour commencer quelques signes de l’expansion de cette technologie. En réaction au terrorisme qui l’a meurtrie en juillet 2016, la ville de Nice a testé l’an passé, durant son carnaval, et pour la première fois en France, une technologie israélienne de reconnaissance faciale sur la voie publique. Par ailleurs, concernant l’État, rappelons la phase de test en cours depuis juin 2019 du dispositif Alicem (authentification en ligne certifiée sur mobile) piloté par le ministère de l’Intérieur et par l’ANTS (agence nationale des titres sécurisés). Cette application permet à tout particulier de prouver son identité sur Internet de manière sécurisée à l’aide de son smartphone et de son passeport, ou de son titre de séjour. De plus, la reconnaissance faciale est également déjà en fonction dans les aéroports d’Orly et de Roissy au niveau du passage à la frontière avec les sas PARAFE (passage automatisé rapide des frontières extérieures), où le passeport fait office de sésame. Des expérimentations se développent encore pour étendre le procédé à l’enregistrement et à l’embarquement des passagers sur la base du volontariat, dans un premier temps.


Ces dispositifs ont été justifiés par l’impératif de sécurité. Ainsi, le traumatisme des Niçois après l’attaque subie ne se discute pas, et avec le déploiement d’un tel système dans la commune, le maire répond à une demande publique locale.


Cependant, plus généralement, des questions restent en suspens. Une baisse de la délinquance est-elle attribuable à la multiplication du nombre de caméras ? Par ailleurs, que deviennent les images enregistrées ? Combien de temps sont-elles conservées ? Qui y accède ? Et qui les efface ?


En ce qui concerne la crise sanitaire, le traçage numérique ou la vidéosurveillance, souvent présentés comme des solutions de lutte contre la pandémie, n’attaquent pas le virus à proprement parler. Elles améliorent juste le regard sur sa propagation. La situation d’urgence, conséquence de la pandémie, a favorisé le passage de technologies dans l’environnement des Français. À l’origine, ces dernières ont été vantées pour leurs capacités en matière de surveillance du territoire pour se protéger contre le terrorisme ou les violences urbaines. D’autres raisons semblent donc invocables. On constate un glissement dialectique. De la défense du territoire, nous sommes passés à la protection des personnes (souvent a posteriori pour retrouver les traces d’une agression), pour aboutir maintenant à l’observation de masse en temps réel. Selon cette évolution de principe, dans le cadre de la pandémie, il fallait suivre le mouvement des gens et leurs croisements avec d’autres individus dans un délai court pour prévenir un pays qu’il entrait dans une période de risque sanitaire important.


Après leur montée en puissance, les technologies mises en place ne connaissent pas de retour en arrière. Cette crise nous a contraints à nous concentrer sur les interactions entre individus ; c’est-à-dire à corréler des personnes, des lieux, des horaires, des données de santé. Installés « pour sauver des vies », les systèmes implantés pendant cette étape donnent des moyens globaux d’observation instantanée de la population, rapporte François Jeanne-Beylot. L’application StopCovid établit une forme de contrôle généralisé où le citoyen qui ne joue pas le jeu est désigné comme fautif, irresponsable. Autrement dit, le traçage initialement décrié, amoral, s’est transformé en bienfait exposant celui qui ne s’y soumet pas à la critique.


Le stockage des données présente un risque majeur d’usurpation et de vol. Les traitements multicritères (biométrie, reconnaissance faciale) compliquent leur anonymisation. Depuis la crise, l’opinion ne sait plus qui croire. Le manque de confiance entraîne une suspicion. C’est un problème pour faire de la pédagogie. Or, sans une vulgarisation acceptée par le public, celui-ci peut céder à la peur. Dans certains pays, la population argue que n’ayant rien à cacher, de telles méthodes ne la gênent pas. Le discours semble puéril, estime François Jeanne-Beylot. D’une part, tout le monde peut, parfois, avoir envie de cacher quelque chose, et, d’autre part, un secret n’est pas un crime. L’alternative consiste à penser que ses données propres n’ont pas de valeur, ce qui est faux dès lors qu’elles sont contenues dans une base analysable ou commercialisable. La démocratie a besoin d’éclairage sur les risques liés au stockage de données. Il faut faire preuve de lucidité et savoir ce que l’on veut cacher et de qui.


Le tracking a ouvert une voie. D’une colossale surveillance mercantile par des entreprises privées, nous avons abouti à un contrôle par les États. Ainsi, en Chine, il existe le dispositif de crédit social : les habitants des agglomérations de la République populaire sont filmés en permanence avec un système de reconnaissance faciale qui identifie chacun et tient à jour la comptabilité du score qui lui est attribué en fonction de son degré de civisme (traverser dans les clous, payer ses impôts, ne pas être dénoncé par un tiers…) en partie jugé par caméras interposées. Ce modèle fonctionne certes avec le contrat social chinois, mais ne serait pas transposable partout.


La techno-dictature paternaliste et le renoncement collectif à la liberté d’une réelle vie privée indépendante n’appartiennent plus à la fiction. Services de renseignement, pouvoirs publics, sociétés commerciales, la technique permet des intrusions. Encore plus avant, le « claim » de Google se fixe pour ambition de nous aider même sans notre consentement, malgré nous, en quelque sorte. C’est la raison pour laquelle ses services nous écoutent en permanence, nous analysent et nous avancent des réponses personnalisées. L’idée est de nous connaître mieux que nous-mêmes pour subvenir à nos besoins.


L’utilisation croissante de la carte bleue et du paiement dématérialisé nous dirige vers davantage de contrôle pour éviter, par exemple, le blanchiment. Il paraît assez difficile, pour ne pas dire impossible, à l’heure actuelle, d’être totalement invisible sur Internet. Si vous créez un compte sur un réseau social, il faut indiquer un numéro de téléphone. Qui dit numéro de téléphone en France, dit carte sim, qui dit carte sim, dit carte d’identité. Il est possible de sortir de cette traçabilité, toutefois, cela reste complexe et le consommateur cherche la facilité.


« On a un droit à l’oubli numérique, mais l’oubli numérique, ça n’existe pas », affirme François Jeanne-Beylot. Cet univers a besoin d’un cadre juridique, en prenant garde de conserver un équilibre. Actuellement, un site qui diffuse de fausses informations peut être fermé sous 48 heures. Le professeur demande avec un sourire : « Que se passerait-il si un ministre faisait de même ? » La loi est indispensable à l’ordre démocratique, elle doit nous éclairer sans tuer nos libertés. Les outils répondent aux textes sécuritaires surabondant, mais on a limpression qu’il n’y a jamais de suivi, de calcul dimpact. Dans le métier de l’intelligence économique et de la guerre de l’information se distinguent les acteurs de l’effet final recherché. Ainsi, il est fréquent de voir des ONG dont la finalité affichée n’est pas la raison d’être. Elles sont régulièrement utilisées de façon détournée dans une stratégie de lutte médiatique, de propagande ou pour faire passer d’autres idées.


Finalement, l’internaute a mis les GAFAM là où elles se trouvent, mais est-il obligé d’avoir des profils, ne peut-il pas publier ce qu’il veut, ou bien répond-il uniquement à une pression sociale ?
Il a le choix de fixer ses propres barrières, d’opter pour une technologie, de gérer son image, de participer ou pas, de rester indépendant de son téléphone, etc. Au-delà de la loi, un peu comme pour la pollution, le comportement numérique de chacun détermine largement l’univers de tous.


 


Les drones


Pendant la crise sanitaire, les villes et les territoires ont eu recours aux drones. Parallèlement, le ministère de l’Intérieur a publié le 12 avril dernier un appel d’offres d’un montant de 4 millions d’euros pour l’achat de près de 650 drones : 500 micro drones « du quotidien » pour un montant de 1,8 million d’euros, 66 drones dits de capacité nationale pouvant peser jusqu’à 8 kg pour environ 1,5 million, et une vingtaine de nano drones spécialisés pesant moins de 50 grammes pour 175 000 euros. Notons aussi que le 18 mai, sept jours après la fin du confinement, le Conseil d’État a jugé illégal l’usage des drones par la Préfecture de police de Paris et a ordonné sa suspension. Comme pour le traçage numérique et la vidéosurveillance, l’exploitation de drones est censée répondre à un impératif de sécurité. Souvenons-nous de leur rôle à Saint-Denis lors de la neutralisation d’Abdelhamid Abaaoud, organisateur des attentats du 13 novembre 2015. Alors, entre ce qui protège nos vies et ce qui menace nos libertés, la frontière n’est pas simple à dessiner.


Le sujet des drones se situe au cœur de l’actualité depuis de nombreuses années. Cependant, leur utilisation s’est largement étendue à l’occasion des deux mois de confinement. Cet outil, en matière de sécurité intérieure et dans le contexte de la pandémie, pose de nombreuses questions juridiques et éthiques.


L’invité de l’Institut Thomas More, Panpi Etcheverry, rappelle qu’un système de drone est constitué d’un objet volant et d’une station à terre téléopérée par le pilote qui fait voler l’aéronef. Le drone transporte uniquement des charges utiles : une ou plusieurs caméras ; des capteurs ; des missiles ; etc. Il transmet en temps réel les informations qu’il collecte à la station au sol. La différence entre les appareils militaires et ceux utilisés pour la surveillance en sécurité intérieure se résume à leur taille. Du côté militaire, les drones exploités sont généralement de moyenne altitude/longue endurance. Il s’agit de véritables aéronefs non habités. Lourds, ils pèsent de un kilo à une dizaine de kilos, et offrent une faible portée de vol. D’abord dédiés au renseignement, ils ont ensuite été armés (Reaper). C’est la catégorie courante. Le plus gros, américain, est un appareil haute altitude (plusieurs centaines de kilomètres), longue endurance qui peut stationner plusieurs jours au-dessus d’un théâtre à scruter. Ces machines sont apparues depuis 2010 grâce à la révolution technologique fulgurante de l’intelligence artificielle et du big data.





Elles trouvent des applications dans le secteur civil, dans le monde professionnel, en l’agriculture, dans le bâtiment, dans le journalisme. Quel que soit le domaine, les équipements commercialisés sont assez similaires à ceux des policiers ou des forces de sécurité intérieure. Cette niche économique suit une belle croissance. En 2019, elle pesait 1,2 milliard d’euros. Les estimations pour 2020 la situent autour de 6 milliards d’euros. La crise de la Covid-19 y est certainement pour beaucoup, puisque la part de la sécurité dans ce marché représentait 5 à 10 % en 2018-2019 et qu’on l’estime de 15 à 20 % en 2020. L’écosystème essentiellement constitué de start-up commence maintenant à se consolider.


À la base, la technologie vient des militaires. Elle permet de tout savoir sur l’ennemi. Cette origine laisse pensif quand on considère que cet outil sert sur le territoire national. Y a-t-il un ennemi ? Le virus ? Les malades ? Les citoyens contaminés ? Avec le recul, se pose la question de savoir si ce moyen n’est pas disproportionné. Les développements actuels s’orientent vers l’autonomisation des drones et des robots. Nous sommes à la veille de disposer d’une intelligence artificielle suffisamment puissante pour réaliser des équipements totalement indépendants (sans opérateur). Certains sont d’ores et déjà expérimentés par la DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency) aux États-Unis.


Dernière invention, un essaim de drones interagissant en vol sature ou élimine une cible. Une nation qui mettrait en place ce type de dispositif d’origine militaire à des fins civiles placerait sa population totalement sous cloche.


La commande d’avril dernier du ministère de l’Intérieur montre bien à quel point le drone devie nt un équipement prépondérant. La pandémie a rendu plus visible cette tendance de fond en fait assez ancienne. La France utilise ces machines pour la sécurité intérieure depuis 2006-2007. Souvenons-nous qu’au Sommet de l’OTAN de Strasbourg-Kehl, en 2009, lors des émeutes de black bloc, le public découvrait ces objets volants surveillant l’évènement. Aujourd’hui, le nombre de drones pour notre police et notre gendarmerie est estimé à 300. Par comparaison, les USA en pilotent 30 000. Petit, discret, très mobile et extrêmement intrusif, il est l’incarnation parfaite de la surveillance. Pendant le confinement, les drones ont servi à observer et à responsabiliser la population (en diffusant des messages). Ces pratiques répondent-elles simplement à l’objectif ultime de contrer une maladie ? Peut-être, en tous cas pour la première fois sans doute, le sanitaire et le sécuritaire se sont confondus pendant ces deux mois.


Apparue à la fin des années 80, la logique sécuritaire englobe, dévore, justifie finalement beaucoup d’intrusions dans la vie privée, voire dans l’intimité (prise de température à distance), sans accord du sujet, dénonce Panpi Etcheverry. Dans la rue, les caméras de vidéosurveillance sont signalées, des pancartes existent.


À l’inverse, juridiquement, l’usage du drone pose problème, car le sujet n’a pas connaissance qu’il est filmé. Il ne voit pas l’objectif focalisé sur lui. Les personnes observées ignorent quels capteurs équipent la machine et les informations collectées. Enfin, nul ne peut dire non plus quelle est l’éthique du pilote ni comment la station au sol respecte le droit à l’image. L’enjeu est donc de savoir dans quelle mesure ces méthodes portent atteinte aux libertés à un niveau proportionné au regard de la finalité sanitaire.


Cependant, la technologie, commode, permet de patrouiller sur un vaste terrain pour beaucoup moins cher qu’une brigade de fonctionnaires. Les drones implantés en phase d’état d’urgence ne disparaitront sûrement pas demain. Quels sera leur usage à l’avenir et avec quels contrôles ? Aujourd’hui, il n’existe pas de socle juridique qui encadre leur utilisation par les forces de défense et de sécurité intérieure.


Il y a là un vide juridique à combler, estime Panpi Etcheverry. Celui-ci souligne que le centre de recherche et d’étude de la gendarmerie nationale (CRÉOGN) travaille sur les questions éthiques et juridiques de l’emploi des drones sur le territoire national.


C2M


 


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