Thierry Bernard, président du cercle des
stratèges disparus (CSD), a accueilli Bernard Hawadier, avocat à la cour
d’appel d’Aix-en-Provence, auteur de L’avocat face à
l’Intelligence Artificielle. L’intervenant a exposé sa perception des
bouleversements provoqués par l’intelligence artificielle et les robots dans le
monde de la justice.
Bernard Hawadier a commencé par un constat. À l’origine, l’Homme savait
fabriquer l’outil qu’il utilisait. Ce n’est plus le cas aujourd’hui et nous
dépendons désormais des équipements qui nous assistent. L’intelligence
artificielle bouleverse le métier d’avocat comme tous les autres. Elle change
le droit, elle transforme la justice dans ses fondements. Pourtant le rôle
profond du magistrat structure la société. Le droit, à la base conçu pour
rétablir des équilibres sociaux, est devenu une science de l’application des
textes. C’est-à-dire un espace parfaitement propice à l’épanouissement du
robot. Qui mieux que le robot retrouvera le texte enfoui au fond d’un code
encyclopédique ? a interrogé l’avocat. L’immixtion de l’IA dans le milieu
de la justice occupe une place influente et oriente son évolution. Mais
l’intelligence artificielle existe-t-elle vraiment ou est-ce un mythe créé de
toutes pièces ? Réfléchir à notre place, éventuellement contre nous, notre
créature risquerait de nous dominer. Cependant, cette machine effrayante reste
pour l’heure de l’ordre du fantasme.
L’intelligence artificielle se montre performante dans ce qu’on lui a
appris à faire. Si elle apprend seule, cela reste dans un schéma délimité, et
ne va pas au-delà. Son développement se conjugue à l’exercice d’un pouvoir,
celui du codeur qui construit l’algorithme enregistré dans l’ordinateur. Le
programmeur, en déterminant le fonctionnement de l’IA, marque de son empreinte
les décisions et les actions de ses utilisateurs. On comprend dès lors combien
les acteurs économiques ou gouvernementaux sont intéressés par ce pouvoir.
Malheureusement, de plus en plus, le verbe est désacralisé. Or, le sens
des mots est fondamental. Les ordinateurs, les téléphones ne connaissent que
deux chiffres 1 et 0. Le langage y perd sa subtilité, notamment dans
l’exercice du droit. Aujourd’hui, tout juriste cherche avec son logiciel un
arrêt qui colle à son affaire. Il ne pose plus le problème pour l’analyser.
Selon l’intervenant, l’intelligence artificielle se substitue par conséquent au
raisonnement juridique, au savoir-faire.
En dernier lieu, Bernard Hawadier a noté une rupture anthropologique et
la question se pose de reconnaître la personnalité juridique des robots. Pour
lui, la clé est dans la maîtrise. L’humain doit imposer son libre arbitre,
décider de l’usage de ses données personnelles, conserver ses capacités
d’adaptation. L’Homme et la machine ensemble seront toujours plus forts que
l’Homme ou la machine individuellement !
Agenda
La prochaine matinée du Cercle des stratèges se tiendra
le 29 novembre, en compagnie de Denis de Kergorlay, président du Cercle de
l’union interalliée
Renseignements : Thierry
Bernard, csdasso@gmail.com