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L’Hadopi publie son rapport d’activité 2018 : le président de l’institution demande de nouvelles compétences pour une protection des droits plus efficace

L’Hadopi publie son rapport d’activité 2018 : le président de l’institution demande de nouvelles compétences pour une protection des droits plus efficace
Publié le 21/08/2019 à 15:21

Le 13 juin dernier, alors que la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) célébrait ses dix années d’existence, son président, Denis Rapone, a présenté le rapport d’activité 2018 de l’institution. L’occasion de revenir sur les opérations phares de l’année, mais aussi de se projeter vers la décennie à venir et les nouvelles missions de l’Hadopi. 





Créée il y a dix ans par la loi du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet, la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) célèbre cette année sa première décennie.


à l’ère du « tout gratuit », comment l’institution parvient-elle à être efficace dans la défense des droits sur le Web ? Visant à représenter une institution reconnue pour ses actions, son président, Denis Rapone, se dit délibérément tourné vers l’avenir. Celui-ci
a en effet, depuis son élection en 2018, œuvré à une plus grande reconnaissance de l’autorité en retissant des liens de confiance avec les acteurs publics et ceux de son écosystème, mais aussi en pesant sur la scène européenne et internationale. Dans son discours de présentation du rapport d’activité 2018, il est ainsi revenu sur la nouvelle dynamique de l’institution, et a présenté à cette occasion des pistes jugées nécessaires pour que l’Hadopi puisse évoluer au même rythme que les pratiques sur Internet. Ce rapport annuel, remis au directeur de cabinet d’Édouard Philippe le 17 juin dernier, fait ainsi autant office de bilan de l’année écoulée que de propositions afin de mieux protéger la création sur Internet dans les années à venir.


Car bien que l’autorité publique ne chôme pas – « les services de l’Hadopi traitent actuellement entre cinquante et soixante-dix mille saisines par jour », a précisé le président dans son allocution du 13 juin dernier, – encore faut-il qu’elle soit efficace. Comme l’a souligné Denis Rapone, « les avertissements envoyés par l’Autorité ont un impact majeur : dans 60 % des cas, les internautes avertis ne se voient pas reprocher de nouveaux faits ». Toutefois, « parallèlement, de nouvelles pratiques de piratage pour lesquelles l’Hadopi ne dispose pas de moyens d’action dédiés se sont déployées » a déploré le président de l’Autorité, évoquant notamment le streaming ou l’accès de façon illégale à des programmes de télévision en direct. « L’Hadopi ne dispose pas de moyens pour lutter contre ces pratiques, et de fait, le piratage reste un fléau préoccupant par la captation prédatrice de valeur qu’il entraîne » s’est-il inquiété, rappelant que « dans le seul domaine audiovisuel, on compte plus de deux milliards d’actes de contrefaçon par an » (les pertes sont évaluées à 800 millions d’euros, et à 400 millions d’euros de recettes fiscales et sociales échappent chaque année à l’État). Le président appelle donc à l’obtention de nouvelles compétences pour lutter efficacement : « Nous devons nous donner les moyens de mettre un terme à ces pratiques et se fonder pour se faire sur une régulation moderne, adaptée au monde numérique tel qu’il est aujourd’hui et non tel qu’il était il y a dix ans lors de la création de l’institution. »


Afin de protéger la création, le président de l’Hadopi a ainsi relevé trois objectifs : « sensibiliser le grand public et dissuader les consommateurs illicites ; responsabiliser les plateformes légales pour qu’elles ne soient ni les relais ni les promoteurs des offres illicites ; et permettre d’aboutir au blocage rapide et pérenne des services illégaux ».


 



 


Sensibiliser les plus jeunes


Aussi, dans le cadre de ses missions de sensibilisation, l’Hadopi prône le développement de l’offre légale. À ce titre, le président de l’Autorité a évoqué dans son discours la nécessité de la formation, notamment auprès des plus jeunes. « Les études et l’expérience de l’Autorité montrent qu’il est indispensable de sensibiliser les consommateurs et notamment les plus jeunes », a-t-il déclaré. Pour cela, « nous finalisons actuellement une convention partenariale avec l’Éducation nationale pour sensibiliser les élèves à la création et aux pratiques numériques responsables » a annoncé le président. De plus, depuis la rentrée 2018, l’institution expérimente des modules pédagogiques à destination des élèves du CM1 à la 3e, mettant les élèves en position de créateurs d’œuvres numériques, afin de les sensibiliser à la protection des œuvres et à leur consommation illégale sur Internet. Rappelons que pour faciliter les consultations sur le Web, l’Hadopi référencie près de 450 sites et services légaux sur son moteur de recherche.


 


pénalisation : Plus de pouvoir pour l’autorité


Dans sa mission de protection de la création sur Internet, l’Hadopi met en œuvre la procédure de réponse graduée sur les réseaux pair-à-pair. Aussi, au cours des dernières années, le nombre de dossiers transmis au procureur de la République a augmenté de façon sensible : 1 045 en 2018, contre 922 en 2017. Sur les 594 suites judiciaires portées à la connaissance de l’Hadopi en 2018, 484 constituent des réponses pénales, soit 81 %, un taux qui demeure stable depuis plusieurs années (83 décisions de condamnations, 108 classements sans suite, 401 mesures altératives et 2 jugements de relaxes). Mais cela est-il suffisant ? En 2018, l’Hadopi a soumis aux pouvoirs publics une étude réalisée, à la demande de l’institution, par deux membres du Conseil d’État, sur la faisabilité juridique des pistes d’évolution de la procédure de réponse graduée. « La mise en œuvre du dispositif de réponse graduée a fait l’objet d’un travail considérable : les services de l’Hadopi ont ainsi traité près de 60 000 saisines des ayants droit chaque jour ouvré » a assuré le président. Toutefois, pour celles qui persistent malgré les avertissements de l’Autorité, la question se pose de savoir si les sanctions pécuniaires prononcées par le juge sont pleinement dissuasives. Le président appelle à une « évolution de la procédure vers l’attribution à l’Hadopi d’un pouvoir de transaction pénale [qui] serait de nature à mieux garantir son caractère dissuasif à l’égard des titulaires d’accès à Internet qui ne prennent aucune mesure pour faire cesser les atteintes au droit tout en continuant à nouer, à travers la phase pédagogique de la procédure, un dialogue approfondi avec les internautes de bonne foi ». Bien que le juge resterait le seul à décider de l’illégalité d’un site ou d’un service, « la compétence de caractérisation de l’Autorité permettrait de prendre ces sites en étau en amont et en aval des procédures par une série d’actions », a prédit le président. « En bref, l’Hadopi est en mesure, pour autant qu’on lui en donne les moyens, notamment à travers de nouvelles compétences qui relèvent de la loi, d’aborder la deuxième décennie de son existence en inscrivant son action dans l’efficacité et la modernité d’un acte II de la protection et de la diffusion de la création à l’ère numérique », a-t-il appelé de ses vœux.


 


Internet et biens culturels : quels utilisateurs ?


également investie d’une mission d’observation des usages des œuvres sur Internet, l’Hadopi publie chaque année deux baromètres permettant de juger l’évolution des usages et de l’offre légale sur le Web. En 2018, la consommation de biens culturels dématérialisés s’est stabilisée, et a concerné 77 % des internautes de quinze ans et plus. Selon ces baromètres, 56 % des internautes consommeraient de la musique en ligne, 49 % des vidéos et 43 % des séries TV en 2018. Le taux de consommateurs de musique et de film a augmenté, pour chacun, de 4 points par rapport à 2017, et celui de séries TV de 6 points. Après une augmentation en 2017, la consommation illicite de ces dernières s’est d’ailleurs stabilisée en 2018 à 27 % des internautes. II faut dire que les séries TV et les films restent, de loin, les biens culturels les plus touchés par les pratiques illicites (respectivement 44 % et 47 % de consommateurs illicites en 2017). Toutefois, l’Hadopi constate de façon générale que l’offre légale tend à séduire de plus en plus de consommateurs. En effet, seulement 3 % des internautes ont exclusivement eu recours aux sites illicites pour accéder à des contenus protégés sur Internet en 2018.


Vivement engagé dans sa mission au sein d’Hadopi, Denis Rapone souhaite ainsi redonner à l’institution toute sa place, en adaptant les moyens aux méthodes de consommation actuelles. Visant à réguler sans priver, celui-ci aspire à trouver le bon axe : « Nous devons toujours nous poser la question de savoir où se trouve le juste équilibre entre la défense des libertés individuelles et la protection du droit fondamental de propriété. »


 


Constance Périn


 


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