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La 18e journée mondiale contre la peine de mort dédiée au droit à une assistance juridique efficace

La 18e journée mondiale contre la peine de mort dédiée au droit à une assistance juridique efficace
Publié le 21/11/2020 à 09:37

Le 10 octobre dernier, les organisations abolitionnistes du monde entier étaient unies dans la lutte contre la peine capitale, à l’origine de 657 exécutions en 2019. Pour Amnesty International, une assistance juridique efficace « constitue une garantie essentielle » et un « moyen de protéger les droits humains, particulièrement le droit à un procès équitable et le droit à la vie ».




Le 10 octobre marquait la 18e journée mondiale contre la peine de mort, consacrée cette année au droit à une assistance juridique efficace. 


À cette occasion, Amnesty International a invité les États qui appliquent encore ce « châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit » à « respecter le droit à une assistance juridique efficace » dans l’attente de son abolition. 


L’organisation recense en effet au cours de sa déclaration publique plusieurs pays dans lesquels ce droit est bafoué, comme au Mali, où la possibilité de consulter un avocat reste, dans les faits, très restreinte, en dépit de sa Constitution, et malgré les régimes d’aide juridictionnelle existants. 


Le tribunal pénal spécial d’Arabie saoudite est également pointé du doigt : « de nombreux accusés, y compris lorsqu’ils encourent la peine de mort, ne sont pas autorisés à consulter un avocat lors de leur arrestation puis tout au long de leurs interrogatoires en prison. Dans le meilleur des cas, ces accusés ont eu la permission de rencontrer leurs avocats lors de la première audience de leur procès », dénonce Amnesty International. 


En Inde, c’est le niveau élevé d’illettrisme parmi les prisonniers encourant la peine de mort ainsi que leur appartenance à des groupes marginalisés qui s’avèrent être des facteurs influençant négativement « l’approche des institutions judiciaires et de leurs propres avocats ». 


Des situations intolérables, estime l’organisation, qui martèle qu’une assistance juridique efficace « constitue une garantie essentielle contre la peine de mort et un moyen de protéger les droits humains des personnes encourant ce châtiment, particulièrement leur droit à un procès équitable et leur droit à la vie ». L’assistance d’un avocat peut également « prémunir » contre la torture et les mauvais traitements et jouer un « rôle protecteur » lors des interrogatoires. 


 


La peine de mort en recul


Selon Amnesty International, 657 exécutions ont été recensées en 2019 à travers le monde, dont près de 90 % au Proche-Orient (Iran, Arabie Saoudite, Irak, Égypte). Il s’agit des chiffres les plus bas enregistrés depuis « au moins 10 ans », en baisse de 5 % par rapport à l’année précédente. Toutefois, ils n’incluent pas la Chine, où « des milliers d’exécutions ont probablement eu lieu ».


De leur côté, les États-Unis ont repris les exécutions fédérales cet été, près de 20 ans après la mise en place d’un moratoire. Outre-Atlantique, 28 États continuent par ailleurs d’appliquer la peine capitale au niveau étatique. Toutefois, à compter du 1er juillet 2020, le Colorado est devenu le 22e État américain à l’abolir, à la suite d’une loi votée en février dernier. 


En dépit de certaines résistances donc, la peine de mort, progressivement, poursuit son recul. À ce jour, rapporte France Diplomatie, 106 États l’ont abolie pour tous les crimes, 8 l’ont abolie pour les crimes de droit commun (Brésil, Burkina Faso, Chili, Guatemala, Israël, Kazakhstan, Pérou, Salvador), et 50 respectent un moratoire sur les exécutions en droit ou de fait, parmi lesquels l’Algérie, la Russie, la Tanzanie, le Liban ou encore le Qatar – soit 163 États au total. L’Afrique, en particulier, avec 22 États ayant aboli la peine de mort, « connaît une évolution sans précédent depuis 2009 et se présente comme le prochain continent abolitionniste », se réjouissent André Lité Asebea, Liévin Ngondji et Raphaël Chenuil-Hazan dans une tribune pour Le Monde


 


En France, un « risque de retour en arrière »


Alors que la France a renoncé à la peine capitale voilà désormais 39 ans, l’État a réitéré son opposition à celle-ci « en tous lieux et toutes circonstances » le 10 octobre dernier. Agnès von der Mühll, porte-parole du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, a appelé les États l’appliquant encore à « observer un moratoire en vue de son abolition définitive » et encouragé tous les États à « signer et à ratifier le deuxième Protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques visant à l’abolir ». La peine capitale, a-t-elle souligné, n’a « aucun caractère dissuasif » et rend « toute erreur judiciaire irréversible et irréparable ».


Ces propos résonnent avec encore plus de vigueur à l’heure où un récent sondage révèle que plus d’un Français sur deux serait favorable au rétablissement de la peine de mort. Une statistique nettement en hausse depuis les attentats de 2015. 


Le 7 octobre 2020, le barreau de Paris, le CNB et l’ONG de plaidoyer international ECPM n’ont d’ailleurs pas manqué de s’emparer du sujet, lors d’un webinaire commun. Le bâtonnier de Paris, Olivier Cousi, a notamment estimé que la question « fondamentale » de la privation de la vie était un sujet qui, plus que jamais, méritait l’attention. « Avocats, défenseurs des droits de l’homme, nous nous rendons compte que nous devons encore poursuivre notre combat. Car il y a un risque de retour en arrière, et nous devons absolument l’éviter, par notre travail, par nos plaidoyers, pour qu’il n’y ait plus jamais nulle part d’hommes et de femmes “coupés en deux” », a-t-il considéré, citant Robert Badinter. 


« Jamais, en près de 40 ans de combat, nous n’avons essuyé un tel recul ; jamais le relativisme, les silences gênés, atermoiements n’ont été aussi éloquents », a fustigé, en écho, la présidente du Conseil national des barreaux, Christiane Féral-Schuhl. Selon cette dernière, il est « fondamental » de rappeler que l’abolition de la peine de mort est un combat universel et permanent, dont les avocats « ont été et sont encore le fer de lance ». « L’avocat, vigie des libertés, devient le dernier rempart contre la mort. »


Alain Morvan, Président d'ECPM, a, de son côté, tiré la sonnette d’alarme : la France « ne doit pas rentrer dans le cycle infernal qui conduit à agiter le chiffon rouge du rétablissement de la peine de mort pour rétablir la soif de vengeance de certains qui l’exhibent comme l’arme ultime contre le crime et l’insécurité », a-t-il assuré.  


Pour lui, le débat sur la peine de mort n’intervient pas aujourd’hui par hasard, mais un an avant le début de la campagne pour l’élection présidentielle de 2022. « Le sujet ressurgit partout : dans les sondages, dans les discours politiques, en prime time… Sauf que la peine de mort n’est pas un argument politique comme un autre. Ne laissons pas s’installer l’idée que la France puisse la réintroduire légalement dans le Code pénal », a-t-il insisté. D’autant plus alors que la cause de l’abolition de la peine capitale progresse : « Robert Badinter pense que l’abolition universelle est possible. Pour y parvenir, il faudra plus que jamais éviter les pièges du populisme et de la démagogie. »

 


Bérengère Margaritelli


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