Dans le domaine de l’image, il n’existe pas de
droit spécifique complet, codifié, accessible et parfaitement lisible, sauf
pour le cinéma qui a vu la création, il y a dix ans, d’un « Code du cinéma et de l’image animée »,
très technique, modifié en 2016.
Il existe ainsi par exemple un droit sur l’image
pour celui qui la prend, le photographe, un droit sur l’image d’un bien
immobilier ou mobilier pour celui qui le possède. Tous ces droits résultent de
l’application de dispositions éparpillées dans différents textes nationaux et
internationaux et surtout d’une jurisprudence qui a su évoluer.
Il est impossible de citer dans le détail tous
ces textes, surtout dans le domaine du droit d’auteur qui pourrait faire
l’objet de traités volumineux !
Nous évoquerons par ailleurs dans les pages
suivantes quelques dispositions de portée limitée concernant des sujets précis.
Le cadre légal principal peut se résumer en
plusieurs textes essentiels.
Les textes qui limitent le droit
à l’image : le droit du photographié ou du filmé
Le respect
de la vie privée
Deux
textes sont essentiels.
Le
court article 9 du Code civil définit un grand principe :
«
Chacun a droit au respect de sa vie
privée.
Les juges peuvent, sans
préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles
que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une
atteinte à l’intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s’il y a urgence,
être ordonnées en référé. »
Le
principe énoncé dans cet article se trouve bien évidemment régulièrement
confronté à la liberté d’expression et à la liberté de la presse.
Lors
d’une rencontre avec la Cour suprême du Canada en 2002 (Bulletin 573 du 15 mars
2003 de la Cour de cassation), le conseiller à la première chambre civile
Jean-Pierre Gridel expliquait fort justement : « En droit français d’aujourd’hui, la liberté d’expression et le secret
de la vie privée semblent deux notions antagonistes, entre lesquelles sont
recherchés des équilibres parfois pragmatiques et toujours contestés. »
L’article 8 de
la Convention européenne des droits de l’homme affirme le même principe :
«
1. Toute personne a droit au respect de
sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne
peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que
pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une
mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité
nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense
de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la
santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »
L’atteinte à
la dignité
L’article 16 du Code civil est encore
plus court que l’article 9 :
« La loi assure la primauté de
la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le
respect de l’être humain dès le commencement de sa vie. »
L’atteinte à
l’intimité
L’article 226-1 du
Code pénal punit d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait
de « volontairement porter atteinte à l’intimité de la vie d’autrui… en fixant,
enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l’image d’une
personne se trouvant dans un lieu privé », introduisant cependant une nuance
dans un dernier alinéa :
«
Lorsque ces actes ont été accomplis au vu et au su des intéressés sans qu’ils
s’y soient opposés, alors qu’ils étaient en mesure de le faire, le consentement
de ceux-ci est présumé. »
À
l’origine, il n’y avait pas de délit spécifique concernant les photos à caractère
sexuel (nudité, ébats intimes) divulguées notamment par un amant éconduit, un
compagnon vengeur, des camarades de classe peu scrupuleux…
La
pression sur le législateur est montée d’un cran lorsqu’en 2007, des photos
intimes d’une championne olympique, connue de tous les Français, ont été
répandues sur Internet par son ancien compagnon. L’affaire a fait la Une des
journaux et la championne s’est dite à juste titre « détruite » par ce scandale.
Aussi, la
loi du 7 octobre 2016 a introduit un nouvel article 226-2-1 dans le Code pénal
énonçant que la peine est portée à deux ans d’emprisonnement et à 60 000 euros
d’amende lorsque le délit «
porte sur des images présentant un caractère sexuel prises dans un lieu public
ou privé ».
La propriété
L’article 544 du Code civil la définit
ainsi :
« La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la
manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les
lois ou par les règlements. »
Les textes qui protègent le droit
sur l’image : le droit du photographe ou du cinéaste
L’auteur
d’une image est l’auteur d’une œuvre de l’esprit protégée par la loi
L’article L.
111-1 du Code la propriété intellectuelle (CPI) commence ainsi :
«
L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit
sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété
incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs
d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial… »
L’article L.
112-2 du CPI vise expressément, parmi les œuvres de l’esprit protégées, le
cinéma et la photographie.
L’article L.
121-2 du CPI énonce que « L’auteur a seul
le droit de divulguer son œuvre. »
Les
exceptions sont nombreuses
Bien
évidemment, la loi prévoit certains aménagements. L’article 122-5 du CPI, dans
une longue énumération de multiples exceptions à la protection du droit
d’auteur, interdit notamment à un cinéaste de s’opposer à une représentation
gratuite d’un film en famille, protège les journalistes, chercheurs et autres
qui utilisent un droit de citation, autorise les caricatures et parodies ou
certaines reproductions dans un but scientifique, ou encore « les reproductions et représentations
d’œuvres architecturales et de sculptures, placées en permanence sur la voie
publique, réalisées par des personnes physiques à l’exclusion de tout usage à
caractère commercial ».
La règle des
70 ans
Les
durées de jouissance des droits sont prévues par les articles L. 123-1 et
suivants du CPI. Retenons simplement l’article L. 123-1 énonçant que « L’auteur jouit, sa vie durant, du droit
exclusif d’exploiter son œuvre sous quelque forme que ce soit et d’en tirer un
profit pécuniaire. Au décès de l’auteur, ce droit persiste au bénéfice de ses
ayants droit pendant l’année civile en cours et les soixante-dix années qui
suivent. »
Le cas
particulier des photojournalistes et des photographes fonctionnaires
La loi prévoit certaines restrictions aux droits pouvant
être exercés sur leurs œuvres par certains photographes en situation de
dépendance professionnelle.
Les photojournalistes, journalistes professionnels au
titre de l’article L. 7111-3 du Code du travail, c’est-à-dire qui ont pour
activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de leur profession dans
une entreprise de presse (ou plusieurs) et qui en tirent le principal de leurs
ressources sont souvent liés par convention à leur employeur pour l’élaboration
d’un titre de presse. L’article L. 132-36 du CPI, introduit par la loi Hadopi
du 12 juin 2009, prévoit que, sauf stipulation contraire, cette convention
emporte « cession à titre exclusif des
droits d’exploitation des œuvres du journaliste réalisées dans le cadre de ce
titre, qu’elles soient ou non publiées ».
Les fonctionnaires d’État sont eux aussi restreints dans
leurs droits. L’article L. 131-3-1 du CPI prévoit en effet :
« Dans la mesure
strictement nécessaire à l’accomplissement d’une mission de service public, le
droit d’exploitation d’une œuvre créée par un agent de l’État dans l’exercice
de ses fonctions ou d’après les instructions reçues est, dès la création, cédé
de plein droit à l’État.
Pour
l’exploitation commerciale de l’œuvre mentionnée au premier alinéa, l’État ne
dispose envers l’agent auteur que d’un droit de préférence. Cette disposition
n’est pas applicable dans le cas d’activités de recherche scientifique d’un
établissement public à caractère scientifique et technologique ou d’un
établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel,
lorsque ces activités font l’objet d’un contrat avec une personne morale de
droit privé. »
Les textes récents sur le
patrimoine
Le
patrimoine immatériel
L’image
appartient au patrimoine immatériel, lequel a été ajouté par la loi du 7
juillet 2016 à l’article L. 1 du Code du patrimoine qui énonce désormais : « Le patrimoine s’entend, au sens du présent
code, de l’ensemble des biens, immobiliers ou mobiliers, relevant de la
propriété publique ou privée, qui présentent un intérêt historique, artistique,
archéologique, esthétique, scientifique ou technique.
Il s’entend également des éléments du patrimoine
culturel immatériel, au sens de l’article 2 de la convention internationale
pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, adoptée à Paris le 17
octobre 2003. »
La nouvelle
protection des domaines nationaux
Cette loi du 7 juillet 2016 a introduit des règles précises pour l’image des domaines nationaux, tels
Chambord, le Louvre ou encore le Palais de l’Élysée. L’article L. 641-42 du Code du patrimoine énonce en effet :
« L’utilisation à
des fins commerciales de l’image des immeubles qui constituent les domaines
nationaux, sur tout support, est soumise à l’autorisation préalable du
gestionnaire de la partie concernée du domaine national. Cette autorisation
peut prendre la forme d’un acte unilatéral ou d’un contrat, assorti ou non de
conditions financières.
La
redevance tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de
l’autorisation.
L’autorisation
mentionnée au premier alinéa n’est pas requise lorsque l’image est utilisée
dans le cadre de l’exercice de missions de service public ou à des fins
culturelles, artistiques, pédagogiques, d’enseignement, de recherche,
d’information et d’illustration de l’actualité. »
Ce texte, vigoureusement contesté par les partisans de la liberté
d’entreprendre,
a été validé par le Conseil constitutionnel.
Le château de Chambord
Un texte international très
souvent sollicité et appliqué qui autorise le droit à l’image et en prévoit les
limitations : la CEDH
La Convention européenne des droits de l’homme se veut très protectrice
dans le domaine de la liberté d’expression mais consacre aussi l’existence de
possibles restrictions dans les domaines audio-visuel, de la sécurité, de la
prévention du crime, de la morale, et évoque le respect des droits d’autrui et
la réputation d’autrui.
L’article 10 de la CEDH dispose en effet :
« Toute personne a droit à la
liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de
recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y
avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le
présent article n’empêche pas les États de soumettre les entreprises de
radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations. »
« L’exercice de ces libertés
comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines
formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui
constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la
sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la
défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou
de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour
empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir
l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire. »
Etienne
Madranges,
avocat au
barreau de Versailles