Le 20 janvier
dernier, en introduction à cette matinée consacrée à la présentation des
modifications fiscales et sociales qui s’est tenue à l’Institut de France,
Jacques Potdevin, président de JPA international, qui prononçait le mot de
bienvenue, a estimé le sujet assez restreint cette année. Seules des mesures de
report sont selon lui à considérer. Celles qui laissaient faire des économies
attendront, celles qui engendrent de la dépense sont avancées, et les
dispositifs de lutte contre la fraude internationale s’intensifient. Une
croisade que Jacques Potdevin résume par la formule « il n’y a plus de paradis
fiscaux, il n’y a que des enfers ».
Charlotte
Parrod, avocate en droit social responsable du département
Droit social chez JPA Paris, a indiqué que dans la continuité du mouvement
social des Gilets jaunes, le gouvernement avait reconduit la possibilité de
verser une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat de 1 000 euros en exonération de charges
sociales et d’impôt, avec de nouvelles conditions. Cette année, la prime est
subordonnée à la conclusion d’un accord d’intéressement applicable pour une
durée d’au moins un an.
Par
dérogation, entre le 1er janvier et le
30 juin 2020, il est possible de prévoir un accord d’intéressement qui ne sera
pas applicable trois ans, mais pour une durée d’au moins un an. Cette condition
n’est pas applicable pour les associations, les fondations à but non lucratif.
Il faut impérativement qu’au moment du versement de la prime exceptionnelle, un
accord d’intéressement ait bien été déposé à la DIRECCTE. Tous les salariés
peuvent bénéficier de cette prime, mais pour profiter des exonérations fiscales
et sociales, il faut remplir un certain nombre de conditions :
• être lié à la société par un contrat de travail à la date du
versement est avoir perçu sur l’année 2019 une rémunération brute annuelle inférieure à trois fois le SMIC (54 765 euros) pour un salarié à temps plein ;
• le montant maximum de la prime est fixé à 1 000 euros ;
• la prime ne doit pas se substituer à un élément de salaire.
Il est possible de verser le même
montant à tout le monde ou de procéder à une modulation en fonction du niveau
de rémunération, du niveau de classification, de la durée de présence effectif
sur l’année 2019, ou encore de la durée contractuelle. Le versement doit
intervenir avant le 30 juin 2020. Un document écrit (accord collectif ou
décision unilatérale de l’employeur) qui prévoit les conditions de versement
est indispensable.
Le dispositif d’exonération
fiscale et sociale des heures supplémentaires est également reconduit.
Rappelons que les heures supplémentaires sont effectuées au-delà de
35 heures par les salariés à temps plein, tandis que les heures
complémentaires sont effectuées au-delà de la durée contractuelle par les
salariés à temps partiel. Les salariés peuvent bénéficier d’une exonération de
cotisations sociales d’assurance vieillesse s’élevant à 11,31 % maximum.
Les heures supplémentaires et complémentaires sont exonérées d’impôt sur le
revenu dans la limite de 5 000 euros par an.
Damien Potdevin, Jacques
Potdevin, Herve´ Puteaux et Charlotte Parrod
Charges
sociales
L’année 2020 est marquée par
l’entrée en vigueur des mesures relatives aux effets de seuil prévu par la loi
PACTE adoptée en mai 2019. La loi PACTE prévoit un recentrage autour de trois
seuils d’effectifs (11,50 et 250 salariés). Le périmètre d’appréciation
des effectifs est l’entreprise, et non pas l’établissement. Il correspond à la
moyenne du nombre de salariés employés au cours de chaque mois de l’année
précédente. La loi prévoit que les effets de franchissement de seuils
d’effectifs à la hausse ne se feront sentir qu’après cinq années consécutives
de franchissement pour certaines obligations. À l’inverse, le franchissement de
seuil à la baisse sera admis dès lors qu’il aura été
constaté sur un an.
Toutes les entreprises, quelle
que soit leur taille, doivent désormais déclarer le statut de travailleur
handicapé de leurs salariés au moyen de la Déclaration sociale nominative
(DSN). Celles qui ne satisfont pas aux 6 % d’effectifs OETH (Obligation
d’emploi des travailleurs handicapés) s’acquittent de leur contribution auprès
de l’URSSAF.
La contribution chômage se voit
appliquer un système de bonus-malus. L’intention est de lutter contre un
recours excessif aux contrats courts. Le taux de cotisation habituelle de
4,05 % devient modulable entre 3 et 5,05 % en fonction du taux de CDD
conclus. Ce procédé ne devrait pas s’appliquer avant mars 2021.
La loi de finances a également
instauré une taxe forfaitaire de 10 euros sur les CDD d’usage à compter du
1er janvier 2020, payable à l’URSSAF.
Tous les employeurs du secteur
privé doivent régler leurs cotisations sociales par voie dématérialisée dès le
premier euro, et les notifications du taux AT/MP se font désormais via
le site net-entreprises.fr.
Au 1er janvier, le
SMIC est passé de 10,03 euros à 10,15 € de l’heure.
Jacques Potdevin et Jean-Claude Trichet
Gratification
collective des salariés
Les salariés peuvent bénéficier
d’avantages exonérés de charges sociales et fiscales indépendamment de leur
rémunération habituelle fixe et variable :
• l’épargne salariale. La loi PACTE étend les dispositifs d’intéressement et
la prime d’intéressement est revue à la hausse,
• les titres restaurants (TR). La valeur du TR s’établit entre 9,25 euros
et 11,10 euros,
• la mobilité. Les véhicules propres sont favorisés. Un forfait mobilité
durable remplace toutes les indemnités antérieures. Il prend en charge les
trajets domicile/travail. Des titres dématérialisés de mobilité (pendant des
titres restaurants) vont faire leur apparition. Ils sont exonérés de charges
sociales et d’impôt dans la limite de 400 euros par an, les frais de
carburant étant, quant à eux, limités à 200 euros,
• les œuvres sociales. Les bons cadeaux sont toujours exonérés à hauteur de
171,40 euros. Les chèques culture ne sont pas plafonnés, et les chèques
vacances bénéficient quant à eux d’exonération sociale dans les sociétés de
moins de 50 salariés.
Plan épargne
retraite
La loi PACTE a remis à plat les
dispositifs d’épargne retraite existants qui s’inscrivent tous dans le Plan
d’épargne retraite (PER) depuis le 1er octobre 2019. Le PER est compartimenté
en une partie individuelle (PERP, contrat Madelin) et une autre collective (PERCO, contrat art. 83).
Son objectif est de rassembler tous les droits à la retraite des salariés en un même lieu pour les suivre plus facilement dans leurs
parcours professionnels. Des sorties de l’épargne constituée sont possibles en
capital ou en rente viagère. Les options se déclinent en PER individuel mis en
place en dehors du cadre de l’entreprise, ouvert à toute personne volontaire
avec ou sans activité professionnelle ; PERECO facultatif pour les
salariés des entreprises de
1 à 250 salariés, soumis à la plupart des règles du PEE ; et PERO
obligatoire pour l’ensemble d’une catégorie de salariés définie sur la base de
critères objectifs admis par la réglementation.
Responsabilité
sociale et environnementale
La gestion du dirigeant de
société demeure libre, mais il doit se préoccuper de l’impact social et
environnemental de son activité, de même pour les organes collégiaux (conseil
d’administration ou directoire). La loi PACTE instaure la possibilité de
définir une « raison d’être », au niveau des statuts, par rapport aux
enjeux sociétaux et environnementaux. Les personnes plus impliquées peuvent
créer une société à mission qui s’impose des objectifs sociétaux et
environnementaux concrets.
Patrimoine des
particuliers
Jacques
Potdevin, président de JPA international, remarque que concernant la révision
du barème de l’impôt, les tranches inférieures ont été significativement
tassées, et les tranches supérieures n’ont quasiment pas été augmentées.
Mécaniquement, les revenus les plus élevés bénéficieront d’une baisse d’impôts
symboliques. Le nouveau barème profite davantage aux revenus modestes.
Depuis le 1er janvier
2020, les salariés à domicile sont soumis au prélèvement à la source suivant
deux options. Soit l’employeur verse un salaire net de prélèvement à la source
et le CESU ou PAJEMPLOI prélève simultanément les cotisations et le montant de
l’impôt sur son compte pour les reverser à l’administration fiscale. Soit le
CESU ou PAJEMPLOI prélève le montant du salaire sur le compte de l’employeur,
verse le salaire net d’impôt au salarié et la retenue de l’impôt à la source à
l’administration fiscale.
La taxe sur les salaires qui
s’adresse essentiellement au monde assuranciel, bancaire et associatif, n’évolue
pas beaucoup au fil du temps. Les augmentations de seuils annuels sont peu
significatives.
Foncier
La taxe d’habitation est supprimée pour 80 % des
ménages. Cette suppression doit s’étendre à tout le monde d’ici 2023.
Les dépenses engagées pour
l’amélioration des logements sont globalement soumises au même régime qu’en
2019 pour les revenus les plus modestes. Le crédit d’impôt pour la transition
énergétique est applicable aux foyers qui répondent à des conditions de seuil
de revenus.
Pour les autres tranches, des avantages fiscaux sont
possibles en cas de création de bornes de charge pour véhicules électriques et
pour les dépenses relatives aux matériaux d’isolation thermique des parois
opaques. Le montant de l’avantage fiscal ne peut dépasser 75 % de la
dépense éligible.
Le système proroge les
aménagements antérieurs du dispositif Cosse, destiné aux propriétaires
bailleurs qui donnent en location des logements à loyer maîtrisé en application
d’une convention conclue avec l’Agence Nationale de l’Habitat (ANaH) avant le 31
décembre 2022. Les propriétaires bénéficient d’une déduction sur les revenus
fonciers de 15 à 70 %, suivant la localisation géographique du bien loué.
La déduction peut atteindre 85 % dans le cas d’une location solidaire
confiée à un organisme agréé.
La réduction Pinel est poursuivie
avec quelques nouveautés. Elle ne s’appliquera plus aux constructions
individuelles, mais sera réservée aux habitats collectifs à compter du 1er janvier 2021.
Le dispositif Denormandie, qui
s’adressait à la réhabilitation d’immeuble en centre-ville, est élargi.
C’est-à-dire que son périmètre d’application s’est étendu aux bâtiments hors du
centre-ville.
Le dispositif Malraux soutenant
la restauration de sites patrimoniaux connaît de moins en moins d’adeptes. Il
est prolongé jusqu’au 31 décembre 2022.
Le champ d’application du
Censi-Bouvard s’enrichit aux acquisitions de logements situés dans des
résidences services agréées SAAD (service d’aide et d’accompagnement à
domicile).
Autres points
La réduction
Madelin a fait l’objet d’aménagements. La souscription en numéraire, directe ou
indirecte, au capital de PME, de Fonds commun de placement (FCP) ou de Fonds
d’investissement de proximité (FIP) donnant lieu à une réduction d’IR s’entend
pour l’activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, à
l’exclusion des activités de gestion de patrimoine mobilier, des activités
financières, des activités procurant des revenus garantis en raison d’un tarif
réglementé de rachat ou bénéficiant d’un contrat offrant un complément de
rémunération, des activités immobilières, de construction d’immeubles en vue de
leur vente ou de leur location. Le taux majoré de la réduction (25 %) est reporté jusqu’au 31 décembre 2020.
Président du
conseil d’administration, directeur général, directeurs généraux délégués,
président et membres du directoire, gérants et autres dirigeants ayant des
fonctions analogues dont la société présente un chiffre d’affaire supérieur à
250 millions d’euros sont considérés par l’administration fiscale comme
domiciliés en France. Cette mesure s’applique dès le 1er janvier 2020 sur les revenus
2019. Tout mandataire social répondant aux critères sera soumis à l’Impôt sur la
fortune immobilière (IFI) sur l’ensemble de son patrimoine immobilier mondial.
Les actifs mondiaux du dirigeant sont
soumis aux droits de succession ou de donation concernant les droits de
mutation à titre gratuit, sous réserve des conventions internationales
applicables.
Les contrats d’assurance-vie souscrits avant le 1er janvier 1983
bénéficiaient d’une exonération sur les produits des primes versées. Depuis le
1er janvier 2020, des produits attachés à des primes versées à partir du 10
octobre 2019 seront imposables. Même avec un bas rendement, les produits
d’assurance-vie restent valables, attendu que d’une part leur taux d’imposition
est faible et que d’autre part, ils présentent des avantages en termes de
succession.
Contribution
des sociétés
Hervé Puteaux, directeur général
de JPA international et président de JPA audit, a relevé de son côté peu de
changements fiscaux en 2020 pour les entreprises et aucune décision
emblématique. Cette année encore, la trajectoire de baisse de l’impôt société
ralentit. L’objectif des 25 % demeure.
Parmi ses arguments
d’attractivité, la France compte sur le crédit d’impôt recherche (CIR). Depuis
le 1er janvier 2020, le taux forfaitaire des dépenses de
personnel intégré au calcul du CIR est passé de 50 % à 43 %.
En revanche, le taux de 75 % applicable aux dotations aux
amortissements des immobilisations affectées à la recherche et le taux majoré à
200 % des
dépenses de personnel pour les jeunes docteurs ne bougent pas.
Le statut de Jeune entreprise
innovante (JEI) est un autre attrait de notre pays. Le régime de faveur en
matière d’impôt sur les bénéfices, de taxe foncière, de Cotisation foncière des
entreprises- Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CFE-CVAE) et de
cotisations sociales appliqué aux JEI est prorogé jusqu’au 31 décembre 2022.
Pour être éligible, la structure doit être une PME indépendante de moins de
huit ans d’existence, ne pas être issue d’une restructuration ou d’une
extension d’activité, et consacrer au moins 15 % de ces charges à la
R&D.
Il peut se
faire que dans un groupe de sociétés, pour des besoins pratiques, l’une ou
l’autre soit peu ou pas capitalisée et ne fonctionne que par des apports
financiers non capitalistiques de société mère française ou étrangère. Dans le
cas précis où une société est considérée, comme sous-capitalisée, les charges
financières ne sont pas déductibles. La loi française s’inscrit dans la
continuité de la directive européenne ATAD1. Pour les non sous-capitalisées les
charges financières nettes se déduisent à hauteur du montant le plus élevé
entre 3 millions d’euros par exercice, et 30 % du résultat avant
impôts, intérêts, dépréciations et amortissements (Ebitda fiscal), pour les
sociétés membres d’un groupe consolidé, après application de la déduction
supplémentaire de 75 %. Les
entreprises autonomes, indépendantes de tout groupe consolidé et qui ne
disposent d’aucun établissement hors de France ni d’aucune entreprise associée,
peuvent déduire 75 % des charges financières nettes.
La TVA est un problème récurrent
dans tous les échanges intracommunautaires. Les directives européennes
aboutissent à des transpositions nationales diverses. Une même transaction
entre la France et l’Allemagne ou entre la France et l’Italie diffère de par la
TVA. Les quick fix sont sensés apporter des solutions simples pour
certaines de ces questions : livraisons intracommunautaires de biens
(vente à distance) ; règles de taxation applicables pour les opérations en
chaine ; mesures pour les stocks sous contrat de dépôt. Le principe
général à suivre consiste à caractériser la transaction et à identifier les
parties assujetties ou non. Attention, dès l’instant où les échanges de biens
ou de services sont insuffisamment ou mal déclarés, le redressement fiscal
potentiel à la forme est significatif.
La taxe sur les bureaux en
Île-de-France se voit doter d’une zone premium qui regroupe Paris 1er,
2e, 7e, 8e, 9e, 10e , 15e , 16e et 17e ainsi que les communes de Boulogne-Billancourt, Courbevoie, Issy-les-Moulineaux,
Levallois-Perret, Neuilly-sur-Seine et Puteaux. Dans la zone premium, les
locaux sont soumis à la taxe annuelle sur les bureaux à un tarif majoré de 20 %.
Groupes et
international
À l’international enfin, et à propos des paradis fiscaux, il
existe bien des blacklists, mais des zones fiscalement très
intéressantes subsistent. Il est important de souligner qu’il devient
impossible d’organiser des transferts de retour de ce type d’endroit. Autrement
dit, expédier des fonds vers une telle région et les regarder y fructifier sans
fiscalité sont deux choses envisageables. Cependant, un rapatriement desdits
fonds ne sera pas autorisé, les déclarations de bénéficiaire effectif ou des
informations similaires étant désormais quasi mondialement répandues. La
directive ATAD2 introduit dans la réglementation nationale la mécanique
européenne à destination des dispositifs dits hybrides, c’est-à-dire les
sociétés qui privilégient la réalisation d’opérations entre plusieurs pays dans
celui où le traitement fiscal est le plus avantageux (éviter les doubles
impositions, rechercher les doubles déductions).
Dans les
fusions, scissions, apports partiels d’actifs, si l’absorbée présente un
déficit reportable, il convenait de demander un agrément auprès de l’administration
fiscale pour le récupérer. La loi de finances annule cette obligation pour les
flux inférieurs à 200 000 euros
ne provenant ni de la gestion d’un patrimoine mobilier, ni de celle d’un
patrimoine immobilier.
C2M