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Le rôle et l’évolution des GAFAM

Le rôle et l’évolution des GAFAM
Publié le 10/10/2019 à 15:13




L’observation de l’accélération du développement de la révolution informatique et numérique qui s’opère au niveau mondial depuis le début du XXIe siècle, ainsi que les multiples incidents à répétition qui accompagnent cette considérable évolution, nous invitent à examiner, avec la plus grande attention, les nombreuses conséquences de cette situation sur la liberté et la vie privée des citoyens du monde.


La conjonction du progrès des recherches sur l’intelligence artificielle avec la concentration des informations de toutes natures sur les réseaux sociaux et la colossale puissance de calcul, de stockage et d’analyse des ordinateurs actuels, conduit à s’inquiéter, en premier lieu, de la situation quasi monopolistique acquise par les grands opérateurs (1) occidentaux implantés principalement aux USA, désormais « talonnés » par leurs homologues asiatiques (2) sous dépendance chinoise !


Ces puissants réseaux sociaux, dont la liste va sans doute encore s’allonger, sont à la fois complémentaires mais aussi concurrents, et comptent un nombre d’utilisateurs en constante progression (bientôt 3 milliards contre 970 millions en 2010) !


L’analyse de la chronologie des évènements, depuis une quarantaine d’années, permet de résumer comme suit les dates-clés de cette fabuleuse aventure technologique qui a favorisé la naissance d’entreprises gigantesques dont le développement continuel en fait désormais de puissants empires dotés de pouvoirs incommensurables !


 


1975 : Création d’APPLE par Steve Jobs et Steve Wozniak


1975 : Création de MICROSOFT par Bill Gates


1977 : Premier Personnel Computer APPLE


1981 : Conception de Windows par Bill Gates


1982 : Lancement de la Messagerie Internet par Vinton Cerf


1987 : Création de HUAWEI par Ren Zhengfei


1990 : Naissance du Web par Tim Berners Lee


1994 : Création d’AMAZON par Jeff Besos


1994 : Création de YAHOO par David Filo et Jerry Yang


1998 : Création de GOOGLE par Larry Page et Sergey Brin


1999 : Création d’ALI BABA par Lary Peng et Jack Ma


2004 : Création de FACEBOOK par Mark Zuckerberg


2008 : Création de AIRBNB par Brian Chesky et Joe Gebbia


2009 : Création de UBER par Travis Kalanik, Garret CAMP et Oscar Salazar.


 


Les immenses capacités d’intervention de ces entreprises, dont la puissance dépasse souvent très largement celle de nombreux États, en font des acteurs d’autant plus essentiels de l’économie et des évolutions technologiques que leurs orientations ne semblent pas toujours répondre aux mêmes objectifs sociologiques et politiques.


Chacun dans leurs domaines respectifs, ces géants, devenus quasi incontournables, détiennent sur leurs « clients partenaires » un volume considérable d’informations (3), dont une exploitation déviante, grâce à la puissance de leurs outils informatiques, pourrait porter gravement atteinte aux libertés !


Il faut savoir, par exemple, que les progrès de la technologie 5G promettent des débits théoriques décuplés (4) et une meilleure réactivité sans faille. Toutefois, cette technique polyvalente révolutionnaire, largement décentralisée, fonctionnera de façon autonome. Plus résilient, l’ensemble sera donc vulnérable en raison de son caractère omniprésent et de l’impossibilité de garantir totalement sa sécurité.


Actuellement, il ne semble pas exister d’équivalent américain opérationnel de cette technologie. Dans ces conditions, la dangereuse et féroce guerre économique qui s’annonce entre les deux superpuissances (Chine et USA) éclaire particulièrement ce décor et lui donne des airs apocalyptiques de nature à menacer l’ensemble du monde !


Il est donc légitime de s’inquiéter des dérives possibles du système et de réfléchir aux hypothèses susceptibles de se réaliser avec, ou plutôt sans, la participation des pays de l’Union européenne, voire au probable détriment de leurs ressortissants, dans la mesure où ceux-ci apparaissent constituer la cible première des belligérants !


Il va donc devenir essentiel de s’interroger sur le niveau réel d’indépendance de ces réseaux afin d’obtenir des garanties sur l’adoption de mesures de sécurité et de règles éthiques indispensables à la protection des données personnelles des utilisateurs.


Des voix (5) s’élèvent de toutes parts pour souligner les dangers de l’hyperconnexion et de la navigation sur Internet qui démultiplient les risques de cyber-attaque, dont les conséquences peuvent atteindre des coûts considérables.


En faisant l’éloge de la « Chine Capitaliste Confucéenne Communiste » (CCCC), certains vont même jusqu’à prédire la fin de la mondialisation (6) et l’avènement d’une ère individualiste, consumériste et amorale !


La vision « apocalyptique » d’un tel monde en gestation fait naître de nombreuses inquiétudes, notamment celle dun risque de tentation totalitaire (7) et d’une dictature de certaines valeurs sur les réseaux sociaux et sur Internet.


Parmi les principales préoccupations soulevées par l’évolution du rôle potentiel des GAFAM figurent plusieurs questions importantes sur le comportement hypothétique de ces puissants opérateurs dans les domaines suivants :


Comment garantir la protection des données personnelles des utilisateurs des réseaux sociaux (plus de 3 milliards), notamment dans le domaine de la santé, des dépenses financières, voire des opinions politiques, contre une exploitation déviante (8) au service d’intérêts privés ?


Faut-il et peut-on combattre la tentation grandissante des GAFAM d’ouvrir des établissements bancaires et/ou de créer des cryptomonnaies, comme l’envisage très sérieusement Facebook avec son projet (9) « Libra » ?


Comment identifier, mesurer et contrôler l’impact de ces perspectives sur la souveraineté des États en matière d’émission de la monnaie et sur la fiabilité du système financier mondial ?


Comment évaluer les conséquences de l’utilisation de l’intelligence artificielle par les GAFAM, et peut-on identifier ses dérives potentielles ?


Quelles sont les modalités pratiques et la nature des risques d’un éventuel affrontement « cybernétique » entre les géants du Web des deux principales zones économiques mondiales (GAFAM contre Huawei e t Ali Baba) ?


Que penser du développement de la cybersurveillance et des conséquences possibles, sur les libertés, de l’usage des outils de reconnaissance faciale ?


La nature circonstanciée des réponses à ces questions, sensiblement impactées par les valeurs morales des opérateurs et par leur positionnement philosophique au regard de la démocratie et des droits de l’homme, déterminera largement l’avenir de l’humanité à court et moyen terme.



NOTES :

1) Les GAFA : Google, Apple, Facebook, Amazon ainsi que Microsoft et Yahoo.

2) Les Huawei et Ali Baba.

3) La collecte quotidienne des informations par Facebook et Twitter atteint 17 téraoctets (1 000 milliards de caractères), soit l’équivalent de la Library of Congress, la plus grande bibliothèque du monde.

4) Les performances de la 5G (vitesse mesurée en millisecondes) sont 10 000 fois supérieures à la 2G.

5) Tristan Nitot, Surveillance : les libertés au défi du numérique (Éditions C et F Blogollection - sept. 2016).

6) Evan Osnos, Age of Ambition cité par Gaspard Koenig dans Le Point du 18 juillet 2019.

7) Hebdomadaire Le Point n° 2450 du 15 août 2019 – page 34.

8) Risque réel illustré par les scandales à répétition nés du détournement des données de 87 millions d’utilisateurs par Cambridge Analytica avec fuites massives de mots de passe.

9) Nouvelle devise virtuelle annoncée comme disponible au cours du premier semestre 2020.


 


Étienne Lampert,


Président de l’association des anciens élus


du Conseil Supérieur de l’ordre des experts-comptables


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