ENTREPRISE

Les commissaires aux comptes continuent de subir la loi Pacte

Les commissaires aux comptes continuent de subir la loi Pacte
14 000 mandats ont pris fin en conséquence de la loi Pacte en 2022 selon le baromètre de la CNCC
Publié le 03/05/2024 à 17:06
Le quatrième baromètre de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, publié le 30 avril, confirme la tendance baissière de l’activité de la profession, malgré une diversification des missions en lien avec les enjeux de RSE.

Une activité en baisse mais des missions plus nombreuses. Voilà comment synthétiser les grandes lignes du quatrième baromètre de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC). L’organisme qui représente les plus de 11 400 commissaires du pays dresse depuis 2021 un état des lieux annuel de la profession et constate, chaque année, le recul lent mais constant de sa présence dans les entreprises. Le rapport, qui porte sur les déclarations de 2023 (donc sur l’exercice 2022), annonce une perte de près de 11 000 mandats avec 229 457 missions effectuées par les commissaires aux comptes. Depuis la naissance de l’étude, le recul est sensiblement le même chaque année.

Dans le détail, la création de 11 000 nouveaux mandats ne compense pas les 8 000 perdus à cause de l’érosion dite naturelle (fin d’activité, fusion, etc), auxquels s’ajoutent 14 000 mandats ayant pris fin des conséquences de la loi Pacte, d’après la CNCC. En 2019, le Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises avait acté un rehaussement inédit des critères imposant aux entreprises de faire certifier leurs comptes. Jusqu’alors, plusieurs seuils coexistaient selon les types de structures. La loi Pacte a fixé un nouveau cadre commun moins contraignant en s’alignant sur les attentes européennes. Toute entreprise dépassant deux des trois seuils suivants doit faire appel à un commissaire aux comptes : un bilan de 4 millions d’euros, un chiffre d’affaires de 8 millions d’euros, un nombre de salariés de 50. « Cette réévaluation des critères perturbe considérablement l’activité avec une baisse inévitable du nombre de mandats », déplore Yannick Ollivier, président de la CNCC, qui rappelle que l’État n'était pas contraint par l’Europe de revoir ces seuils.

Le recul de l’activité devrait se prolonger

Puisque les désignations d’auditeurs s’étalent en général sur six ans, celles entamées avant la loi Pacte ne sont donc pas encore toutes arrivées à leur terme. La tendance de recul devrait donc se confirmer dans les prochaines années. D’autant qu’en février dernier, le gouvernement a décidé d’une nouvelle hausse des seuils financiers, montant les critères de chiffres d’affaires à 10 millions d’euros et de bilan à 5 millions d’euros. Un changement qui s’applique tout juste et qui se répercutera lui aussi dans les années à venir. De quoi agacer le président de la CNCC : « 25 % d’augmentation, ce n’est pas rien et cela peut mettre en danger l’exercice libéral de la profession. Certains cabinets vont voir leur portefeuille de clients vraiment diminuer. » Un bruit court pourtant : Bercy réfléchirait à un second rehaussement dès cet été, plus important cette fois (jusqu’à 15 millions d’euros de CA et 7,5 millions d’euros de bilan), malgré le récent recul du gouvernement face à la grogne de la profession. « Nous avons été informés et militons évidemment pour éviter ce que nous estimons être une très mauvaise idée, confie Yannick Ollivier. Il faut arrêter de nous dépeindre comme une complexité administrative. Nous sommes au contraire un atout pour la sécurité de l’économie et le développement des entreprises. » À ce sujet, la CNCC met en avant ses relations avec les représentants des entreprises qui, s’ils étaient favorables aux changements de la loi Pacte, sont plus mesurés sur l’idée d’un nouveau rehaussement.

Car, malgré tout, les commissaires aux comptes demeurent encore très sollicités par les entreprises. « Pour les petites structures dont les dirigeants n’ont pas plusieurs conseillers autour d’eux, et même si nous n’avons pas un rôle de conseil, notre action est précieuse pour leur bon développement », estime Fabrice Vidal, qui gère les questions liées aux petites entreprises à la CNCC. Avec la moitié des mandats, les entreprises de moins de 50 salariés représentent le gros de l’activité des commissaires aux comptes, même si elles sont aussi la principale catégorie de perte depuis la loi Pacte. Pour Yannick Ollivier, elles témoignent de la réalité du marché face aux seuils fixés par le ministère. « Une grande partie des mandats renouvelés le sont avec des chiffres d’affaires inférieurs à 8 millions par exemple. C’est la preuve que nous restons des interlocuteurs importants pour ceux qui nous connaissent et qui veulent continuer d’avoir notre expertise », avance le président de la CNCC. Il craint cependant que les structures qui n’ont pas encore traité avec un commissaire aux comptes perçoivent ce dernier comme une contrainte plutôt qu’un avantage.

La directive CSRD booste les enjeux de durabilité

Pour pallier le recul de leur activité principale, les auditeurs s’appuient sur la dynamique de leurs autres missions, dont certaines leur avaient été attribuées en compensation par la loi Pacte, comme la certification de RSE. Les deux tiers des commissaires aux comptes ont effectué une mission autre que la certification des comptes en 2023, d’après l’enquête réalisée auprès de 1700 commissaires qui complète le baromètre. La plupart de ces missions consiste en des attestations, mais les enjeux de durabilité sont croissants, portés par l’application récente de la directive européenne CSRD sur le reporting extra-financier des données ESG (environnement, social, gouvernance). Un commissaire sur trois déclare dans l’étude de la CNCC avoir au moins un client concerné par cette mesure, d’où l’importance de se former.

L’organisme de formation de la Compagnie a pour cela développé le visa durabilité, un cursus de 90 heures pour devenir auditeur de durabilité et déjà suivi par plus de 3 000 professionnels. « Nous constatons un réel engouement sur ces sujets qui, au-delà de la mission supplémentaire qu’ils peuvent constituer, sont aussi des éléments d’identité pour les cabinets, observe Fabrice Vidal. Aujourd’hui, les nouvelles générations accordent une grande importance à ces questions. » Cet outil supplémentaire dans les mains des commissaires aux comptes pourrait faire naître des vocations. En 2023, 581 nouveaux auditeurs ont rejoint la liste des commissaires, dont 277 ayant bénéficié du plan jeunes diplômés qui vise à faciliter l’accès à la profession dès l’obtention du diplôme.

Louis Faurent

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