Le 15 octobre
dernier, les députés de l’Assemblée nationale ont approuvé, lors d’un vote
solennel, le projet de loi bioéthique qui augure de nombreux changements à
venir. Ce même jour, les notaires de Paris ont organisé, en présence de
Bertrand Savouré, président de la Chambre des notaires de Paris, un
petit-déjeuner débat, afin de décrypter et analyser le projet de loi bioéthique
et ses impacts sur la pratique de la profession notariale.
Après plus
d’un mois de travail et cinq ans après la dernière révision de la loi
bioéthique, les députés ont approuvé, en première lecture, dans l’après-midi du
15 octobre 2019, les nouveaux amendements liés à cette loi. Le texte est
désormais entre les mains du Sénat, qui l’étudie actuellement au sein d’une
Commission spéciale.
Procréation
médicalement assistée (PMA) pour toutes, reconnaissance de filiation conjointe
anticipée devant notaire, droits d’accès aux origines pour tous les enfants nés
de dons, recherches sur l’embryon…
En tout, 32 nouveaux articles ont été ajoutés à la version précédente de
la loi.
Un certain
nombre d’entre eux auront un impact sur la profession notariale, notamment les
articles liés à la PMA. C’est pourquoi la profession a organisé une conférence
à la Chambre des notaires de Paris, afin de faire le point sur les principales
modifications à retenir, les aspects sensibles du texte, ainsi que les
conséquences et effets de ce projet de loi sur le notariat et la société en
général. Sont ainsi intervenus, outre Maître Bertrand Savouré, président
de la Chambre des notaires de Paris, Maîtres Nathalie Couzigou-Suhas, Pierre
Dauptain et Élodie Frémont.
PMA POUR TOUTES, LA MESURE PHARE DU
PROJET DE LOI
L’ouverture
de la procréation médicalement assistée à toutes les femmes (article premier de la loi) est la mesure
phare du projet de loi bioéthique. Les couples de femmes et les femmes
célibataires vont désormais pouvoir accéder à cette technique autrefois
réservée aux couples hétérosexuels infertiles.
La loi met donc de facto fin au critère d’infertilité pour
l’accès à la PMA : « Cet accès ne peut faire l'objet d'aucune
différence de traitement, notamment au regard du statut matrimonial ou de
l'orientation sexuelle des demandeurs » indique ainsi le projet de
loi, qui prévoit également que l’acte d’insémination soit entièrement remboursé
par la Sécurité sociale pour un coût estimé à environ 15 millions d’euros
annuels supplémentaires.
La PMA est désormais destinée à un « projet parental »,
c’est-à-dire non plus un accueil de la vie avec ses aléas, mais un vouloir
déterminé par des prévisions et calculs quant au choix de concevoir, aux
conditions idéales de la naissance et aux moyens qui garantiront la réussite
dans le temps de ce projet. Une mesure saluée par la majorité des couples
lesbiens, bien que certaines associations LGBT+ trouvent le texte encore
discriminant et souhaitent que la PMA soit étendue aux femmes transgenres qui
auraient gardé leur appareil reproductif féminin.
Quoi qu’il
en soit, l’extension de la PMA pour toutes entraîne un bouleversement majeur de
la filiation et donc du Code civil.
Comme l’a
d’ailleurs déclaré Nicole Belloubet, ministre de la Justice, « la
filiation sera fondée sur un acte de volonté et un projet parental… Il s’agit
d’une petite révolution ».
En d’autres
termes, cela signifie que la filiation, jusqu’à présent biologique, procédera
dorénavant de l’intention. Dans le droit actuel en effet, la filiation procède
surtout de la vérité biologique, or, désormais, « Pour la première fois
en droit français, il faudra dissocier radicalement les fondements biologiques
et juridiques de la filiation d’origine en prévoyant une double filiation
maternelle » indique le Conseil d’État sur son site.
Lors du
débat à la Chambre des notaires de Paris, Maître Bertrand Savouré a également
affirmé : « Désormais, la vérité biologique sera toujours un
principe inférieur à celui de l’intentionnalité. Et la vie privée de l’enfant
prévaudra sur la vérité biologique. »
DE LA FILIATION BIOLOGIQUE À LA FILIATION
D’INTENTION
Pour étayer
ses propos, ce dernier a évoqué deux arrêts rendus dernièrement par la Cour de
cassation. L’arrêt du 4 octobre 2019 et celui du 12 septembre 2019 jugé « un peu choquant » par l’un des intervenants.
Deux arrêts
très instructifs
Concernant le premier arrêt, les faits sont les suivants : un
couple français, les Mennesson, a recours à la gestation pour autrui (GPA) en
Californie, où la GPA est légale. Les enfants naissent en 2000. Leurs actes de
naissance sont établis aux États-Unis, conformément aux jugements de la Cour
supérieure californienne. Ces actes de naissance réguliers mentionnent les
membres du couple comme étant le père biologique et la « mère légale »
qui n’a pas accouché. Ces actes sont transcrits sur les registres de l’état
civil français, avant qu’une procédure en annulation ne soit engagée par le
ministère public. En 2014, la Cour européenne des droits de l’homme, saisie par
le couple, condamne la France pour atteinte au droit au respect de la vie
privée des enfants. Elle affirme en effet que même si la GPA n’est pas légale
dans l’Hexagone, cela ne donne aucun droit à la France, au niveau
international, de sanctionner cette filiation. En 2018, la Cour suprême
française réexamine l’affaire et saisit la Cour EDH pour avis consultatif quant
aux possibilités offertes pour reconnaître le lien de filiation avec la mère
d’intention, en dehors de toute réalité biologique.
Dans ce cas précis, l’adoption plénière semblait être la meilleure
solution – l’adoption permettant au juge français de contrôler la validité de
l’acte ou jugement étranger et d’examiner les circonstances particulières dans
lesquelles se trouve l’enfant. Cependant, puisque cette affaire durait depuis
plus de 15 ans et que cette filiation devait être reconnue au plus vite,
la CEDH a suggéré à la Cour de cassation de ne pas annuler la transcription en
France des actes de naissance désignant la mère d’intention, avec laquelle le
lien est depuis longtemps « largement concrétisé ». Avis
auquel s’est soumise la Cour de cassation le 4 octobre 2019.
Cette décision n’est pas « une reconnaissance de la GPA, mais
est un cas d’espèce », a assuré Maître Dauptain pour rassurer son
auditoire. Le plus important pour la CEDH dans ce cas précis, a-t-il ajouté,
était l'intérêt supérieur de l'enfant.
Il reste que le 3 octobre dernier, comme l’a fait remarquer un
journaliste présent, juste avant que la Cour de cassation ne rende sa décision
sur le cas Mennesson, un petit groupe de députés de la majorité a adopté, à la
surprise générale et contre l’avis de la ministre de la Justice et du président
du groupe LREM à l’Assemblée, un amendement automatisant la reconnaissance en
France de la filiation d’enfants conçus par GPA à l’étranger. Une « trahison »
pour les opposants à la loi bioéthique, à qui le gouvernement avait promis que
les débats à l’Assemblée n’aborderaient pas la question de la GPA.
Le 9 octobre, l’Assemblée nationale a fait marche arrière,
mais nul doute que le cas Mennesson se reproduira dans un avenir proche, et que
la question de l’autorisation de la GPA reviendra alors sur le devant de la
scène.
Dans l’arrêt du 12 septembre
2019, il s’agit d’un couple homosexuel en France qui contracte avec une femme
une convention de GPA (pourtant interdite) contre rémunération.
Or, cette dernière fait croire au couple que l’enfant est mort-né, afin
de pouvoir le donner à un autre couple qui proposait une rémunération plus
élevée. Le père biologique de l’enfant (l’homme du premier couple) porte
plainte contre cette femme pour escroquerie et souhaite récupérer l’enfant
quand « le pot aux roses » est découvert, quelques années plus
tard.
Cependant, dans leur arrêt du 12 septembre, les juges de la Cour
de cassation ont déclaré que « l’enfant [vivait] très bien dans sa
famille, de sorte qu’il [n’était] pas de son intérêt supérieur de voir remettre
en cause le lien de filiation avec celle-ci », et qu’il en était ainsi
« même si la façon dont ce lien de filiation [avait] été établi par une
fraude à la loi sur l’adoption [n’était] pas approuvée ».
Ces deux exemples démontrent bien, pour les notaires réunis ce jour,
que « la filiation n’est plus un lien juridique, c’est plutôt
l’intention qui va désormais guider la filiation ».
La filiation
d’intention et ses difficultés
Pour le notaire Pierre Dauptain, la loi semble d’ailleurs à l’aise avec
cette différence entre biologique et intention. Concernant la PMA, la loi pose
ainsi « qu'aucun lien de filiation ne peut être établi entre le donneur
et l'enfant » a rappelé le notaire. La levée de l'anonymat des
donneurs de gamètes – pour permettre aux enfants issus de PMA d’accéder à leurs
origines – prévue dans le projet de loi bioéthique, sur laquelle nous
reviendrons, ne contredit pas du tout cette affirmation, a-t-il ajouté.
Selon Maître Dauptain en effet, les enfants nés d'une PMA désireux de
retrouver leurs origines déclarent ne pas vouloir le faire dans l'espoir de
créer une filiation, mais dans le but de pouvoir se construire.
Il reste que pour le président de la Chambre des notaires, Maître
Savouré, ce passage de la filiation biologique à la filiation d’intention peut
susciter quelques inquiétudes. En effet, la filiation biologique inclut « l’irréversibilité
de la filiation » (on est un parent pour toujours). Demain, « avec
cette filiation d’intention, n’y aura-t-il pas un débat qui remettra en cause
cette irréversibilité ? » s’est interrogé Bertrand Savouré.
Certes, à l’heure actuelle, il n’est pas rare de voir des liens de
filiation biologique contestés, toutefois, le notaire est là pour rappeler la
loi à ceux qui voudraient la contourner.
Dans la filiation d’intention, le principe étant qu’une personne donne
son accord pour assurer son rôle de parent, sera-t-il possible que cette
dernière revienne sur son intention, dans le cas où l’enfant ne correspondrait
pas à ses attentes ? s’est demandé le président de la Chambre des notaires
de Paris.
Certes, dans la loi bioéthique, la filiation d’intention vaut la
filiation biologique. Cependant, a-t-il ajouté, « à partir du moment où
on entre dans un phénomène de contractualisation, cette question viendra
forcément un jour ».
Pierre Dauptain s’est pour sa part demandé s’il était judicieux de
faire cohabiter des arrêts (comme celui de la Cour de cassation sus-évoqué),
qui font tout reposer sur la filiation d’intention, et l’action en recherche de
paternité « où on impose à des individus une filiation avec un enfant
qu’il n’a pas eu l’intention d’avoir », avec toutes les conséquences
que cela pourrait avoir sur ses autres enfants.
En outre, pour qu’il n’y ait pas de discrimination
entre les hommes et les femmes, le législateur a désormais rendu possible
l’action en recherche de maternité, « ce qui est étonnant, car cela
cohabite avec la possibilité d’accoucher sous X », a déclaré
Maître Dauptain.
« À force de courir après la non-discrimination, on arrive à
des situations et solutions rocambolesques ; qui ne sont d’ailleurs même
pas souhaitées par les parties » a-t-il ajouté.
En bref, il faut faire des choix, car « tôt ou tard, cela
donnera des situations dramatiques ». Pierre Dauptain a cependant
reconnu qu’il était difficile d’anticiper tant que la loi bioéthique était
encore en cours d’examen.
Ce qui est certain, en revanche, est que le notaire sera au premier plan
dans la mise en œuvre de celle-ci.
PMA POUR TOUTES ET RECONNAISSANCE
DE FILIATION CONJOINTE ANTICIPÉE
Le droit de la PMA, qui était autrefois dans les mains du juge et de
l’officier de l’état civil, sera désormais exclusivement entre celles du
notaire.
En effet, dans le cas des couples de femmes mariées ou non, c’est lui
qui va devoir recueillir la reconnaissance de filiation conjointe anticipée.
« Ce sera la première fois que devant nous notaires se fera un
acte de filiation » s’est réjoui Maître Pierre Dauptain.
Ce consentement de filiation conjointe anticipée interdira « toute
action aux fins de contester la filiation ». Cette absence de
contestation sera en effet inclue dans le contrat de déclaration anticipée.
« Nous allons être en charge d’un acte irréversible et imperfectible,
et c’est nous qui allons créer ce nouveau lien juridique entre parent et enfant
(…), c’est dire la confiance que l’État nous confère » a-t-il ajouté.
Cette reconnaissance de filiation conjointe anticipée sera ainsi
valable pour les deux femmes.
Afin d’établir cette reconnaissance, le notaire devra d’abord vérifier
la liberté du consentement et sa plénitude. Il devra également mettre au
courant les deux mères sur tout ce que cette reconnaissance implique au niveau
patrimonial, mais aussi par rapport aux autres enfants, s’il y en a eu avant
cette union. Les enfants issus de la PMA du couple lesbien aura en effet les
mêmes droits que les autres, et sa reconnaissance sera irréversible. Ainsi au
niveau patrimonial, le lien de filiation créé avec la déclaration anticipée
devant notaire va également engendrer un lien de filiation avec les parents des
deux femmes. L’enfant deviendra ainsi de plein droit le petit-fils ou la
petite-fille des grands-parents.
Ce qui n’est pas le cas par exemple d’un enfant adopté en adoption
simple (type d’adoption utilisée quand l’enfant a plus de 15 ans). Dans le
cas d’une adoption simple en effet, contrairement à l’adoption plénière,
l’enfant conserve tous ses liens avec ses parents d’origine ; il n’acquiert
pas de nouvelle filiation, ses grands-parents peuvent donc le déshériter, et
son adoption peut même être révoquée pour motifs graves.
En outre, avant la nouvelle loi bioéthique, dans le cas des couples de
femmes qui recouraient en secret à la PMA à l’étranger, il y avait parfois des
membres de la famille qui n’acceptaient pas l’enfant et demandaient à le
déshériter. Désormais, cela ne sera plus possible.
La reconnaissance de filiation conjointe anticipée est un acte très
important puisqu’irrévocable. En théorie en tout cas, car, comme dit
précédemment, rien ne garantit qu’il n’y aura pas un jour des pressions pour
revenir sur cette irréversibilité.
Pour établir cette reconnaissance de filiation conjointe anticipée, les
couples de femmes devront débourser une somme minime : 250 euros,
dont 88 euros pour le notaire, le reste étant réservé à l’enregistrement
et à la conservation de l’acte. « Ce sera vraiment un service
social » a assuré Maître Bertrand Savouré.
Une question demeure toutefois : le notaire peut-il refuser de
signer la déclaration de reconnaissance de filiation conjointe anticipée ?
« Oui, quand il a un doute extrême sur la sincérité des futurs parents. »
« C’est là que réside la difficulté, a estimé Pierre Dauptain,
nous sommes chargés de signer, mais on a aussi un devoir d’alerte ».
En tout cas, la reconnaissance de filiation devant notaire dans le cas
d’une PMA d’un couple de femmes est un pas de plus vers la déjudiciarisation
des actes touchant au droit de la famille. Une déjudiciarisation qui ne cesse
de s’intensifier depuis les années 60, a expliqué Maître Pierre Dauptain.
En France, en effet, la tendance est à la déjudiciarisation de tout ce qui ne
suscite pas de conflits (divorce par consentement mutuel, PMA de couples
lesbiens...).
La prochaine étape de ce mouvement de déjudiciarisation concernera
peut-être l’adoption, ont estimé les intervenants. « Un jour,
l’adoption se fera sans doute chez le notaire », ont-ils prédit.
Enfin, les notaires se sont penchés sur la question de l’accès à ses
origines pour les enfants issus de PMA, accès que permet la nouvelle loi
bioéthique.
L’ACCÈS AUX
ORIGINES, BONNE OU MAUVAISE IDÉE ?
La loi
bioéthique du 15 octobre 2019 prévoit en effet un système garantissant aux enfants conçus par la
technique de PMA d’accéder à leurs origines à leur majorité, s’ils en font la
demande. Le futur adulte pourra ainsi avoir accès aux informations personnelles
de son donneur (âge, physique, voire identité). Cet accès à ses origines ne lui
donnera pas pour autant des droits, a assuré Maître Pierre Dauptain.
Quoi qu’il
en soit, tous les futurs donneurs de gamètes devront accepter cette
transmission d’informations pour pouvoir donner.
Les notaires
se sont donc inquiétés de l’impact de cette mesure : ne viendra-t-elle pas
raréfier les dons (certains donneurs ne souhaitant tout simplement pas être
retrouvés), au moment même où les demandes sont plus importantes, les personnes
éligibles aux dons étant désormais plus nombreuses ?
La ministre
de la Santé, Agnès Buzyn, a certes assuré que tous les gamètes donnés avant la
loi ne seraient pas détruits, et que l’anonymat sur ces derniers sera conservé,
en tout cas jusqu’à la mise en place du nouveau processus.
Cela
signifie tout de même qu’avant la destruction des anciens gamètes, deux enfants
conçus au même moment dans un laboratoire, l’un avec des gamètes antérieurs à
la loi et l’autre avec des gamètes postérieurs, n’auront pas les mêmes droits
par la suite. L’un pourra en effet avoir accès à ses origines, l’autre non.
En outre,
avec la levée partielle de l’anonymat des donneurs, il existe un risque que
certains donneurs partent à l’étranger pour donner, car ils refuseront que
leurs gamètes soient utilisés à des fins de projet homoparental.
À l’inverse,
il peut y avoir des donneurs militants qui voudront que justement, leurs
gamètes servent à un projet homoparental, ont estimé les intervenants.
Or, en
France, la loi interdit le « don dirigé » (je donne mes
gamètes à condition...), tout comme elle interdit à quiconque de choisir son
donneur.
Mais, ont
soulevé les notaires, si le pays connaît une raréfaction de dons, ne
finira-t-on
pas par tolérer en dernier recours le don dirigé ? Et donc, par extension,
pour ne pas faire de discrimination, la possibilité de choisir son donneur,
avec tout ce que cela implique ?
Enfin, s’est
interrogé un des participants à la conférence, l’accès aux origines ne va-t-il
pas engendrer par la suite des demandes d’établissement de liens de
filiation ?
Pour ceux
qui défendent la levée de l’anonymat des donneurs, cela n’arrivera pas, car
celle-ci aura pour fonction, uniquement, de permettre aux enfants issus de PMA
de se construire psychologiquement.
Même si cela
n’est pas prévu dans la loi, certains juristes estiment cependant que les demandes
d’établissement de liens de filiation risquent de se multiplier, notamment pour
des questions d’héritage.
En outre,
pour certaines associations, les justifications que donnent les défenseurs du
droit à l’accès à ses origines pour les enfants issus de PMA sont
contradictoires avec la position qu’ils défendent en parallèle, c’est-à-dire
que la PMA n’est pas contraire à l’intérêt de l’enfant à venir. Pour légitimer
la levée de l’anonymat des donneurs de gamètes, ces derniers avancent en effet
que les enfants issus de PMA pourraient développer des déséquilibres dans leur
construction psychologique en grandissant. Ils reconnaissent donc implicitement
que la PMA n’est pas sans conséquences…
Pour une des
intervenantes enfin, le droit à l’accès à ses origines peut être remis en cause
pour une tout autre raison.
À l’heure
actuelle, un grand nombre d’enfants adoptés demandent à avoir accès à leurs
origines. Ce qui est extrêmement compliqué. Avec la loi bioéthique, l’accès aux
origines sera facilité pour les enfants issus de PMA, mais pas pour les enfants
adoptés. Ce qui peut paraître injuste, en effet dans la mesure où le don
n’implique pas d’histoire entre le donneur et l’enfant qui bénéficie du don,
contrairement à l’enfant adopté qui, très souvent, a eu une histoire avant son
adoption.
Ainsi, on peut se demander s’il y aura autant de demandes d’accès à ses
origines de la part des enfants issus de gamètes, qu’il en existe actuellement
de la part des enfants adoptés. « Faire la comparaison entre le don et
l’adoption, ce n’est pas judicieux. Psychologiquement ce n’est pas pareil »,
a estimé la notaire.
Par conséquent, la levée de l’anonymat des donneurs est-elle légitime ?
Dernier argument des défenseurs du droit à l’accès aux origines pour
les enfants issus de PMA : empêcher des unions entre « frères et
sœurs biologiques », ou pour le dire plus clairement, éviter la
consanguinité.
Demain en effet, avec la multiplication des recours à la PMA, ce risque
sera beaucoup plus important qu’aujourd’hui. À partir d’un donneur, on peut
concevoir jusqu’à dix enfants… Les enfants issus de PMA ne risquent-ils
donc pas un jour de s’accoupler avec un membre de leur famille biologique sans
même s’en rendre compte ? Quelles conséquences alors sur la société ?
Bref, que l’on soit pour ou contre certains articles de la loi
bioéthique, ou au moins inquiet sur leurs retombées futures, il faut
reconnaître que ceux-ci nous conduit à nous pencher sur l’évolution de notre
société, et sur des questionnements éthiques auxquels nous prêtons peu
d’attention en général.
Maria-Angélica Bailly