Le 17
avril dernier, l’institution est allé dans le sens de l'Office de l'Union
européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) qui refusait l'enregistrement
d’une marque « contraire à l'ordre public et aux bonnes mœurs » portant
le nom du célèbre narcotrafiquant colombien, « symbole d’une
criminalité organisée ».
Le Tribunal
de l'Union européenne a tranché : non, l'utilisation du nom « Pablo
Escobar » ne peut pas être autorisée comme marque commerciale dans l'Union
européenne, puisque « contraire à l'ordre public et aux bonnes
mœurs », peut-on lire dans l’arrêt du 17 avril 2024 (affaire
T-255/23).
A l’origine
de cette décision, une demande atypique, en date du 30 septembre 2021, émanant
de la société Escobar Inc., basée à Porto Rico (États-Unis), qui souhaitait
obtenir l'enregistrement de la marque en Europe afin de pouvoir commercialiser
une gamme de produits et services.
Le
mot final du Tribunal de l’Union conclut une saga qui a débuté le 1er juin
2022, lorsque l'examinateur de l'Office de l'Union européenne pour la propriété
intellectuelle (EUIPO) avait refusé la demande d'enregistrement de la marque
dans l’Union européenne. Ce rejet se fondait sur le règlement (UE) 2017/1001, qui
prévoit que si une marque est jugée contraire à l'ordre public ou aux bonnes
mœurs dans l'un des États membres de l'Union européenne, elle peut être refusée
en tant que marque de l'Union européenne. En l’occurrence, l’agence européenne
s’était basée sur la perception négative du nom Escobar par l’Espagne, Etat
membre de l’UE le plus susceptible de le connaître.
À la
suite de cela, Escobar Inc. avait donc contesté la décision de l'examinateur en
formant un recours auprès de l'EUIPO.
Une
marque à l’effigie du « Robin des Bois de Colombie » ?
Dans
le cadre de son recours, la requérante avait notamment avancé que les noms de
personnages devenus mythiques, symboliques ou archétypaux dans la culture
populaire dominante, ne relevaient plus du règlement de 2017 pré-cité.
Pour
étayer cet argument, elle soulignait que « Bonnie et Clyde », « Al
Capone » ou encore « Che Guevara » auraient déjà été enregistrés
en tant que marques de l'Union européenne. La requérante soutenait que le cas
de Pablo Escobar était similaire, arguant qu'il était devenu un personnage
mythique de la culture populaire dominante en raison de ses bonnes actions en
faveur des pauvres en Colombie.
Elle
estimait aussi que cette affirmation pouvait être confirmée notamment par le
succès mondial de la série « Narcos », diffusée dans de nombreux pays, y
compris en Espagne, ainsi que le fait qu'il aurait été considéré de son vivant
comme une sorte de « Robin des Bois de Colombie ».
Pas
de quoi convaincre toutefois l'UEIPO ni le Tribunal de l'Union. L'UEIPO avait souligné que l'approbation de la
marque « Escobar Inc. » serait contraire à la dignité humaine, à l'État de
droit et aux principes démocratiques sur lesquels est fondée l’Union européenne,
« banalisant les souffrances causées aux milliers de personnes tuées ou
blessées par le cartel de Medellín, dont Pablo Escobar était le chef présumé ».
Le Tribunal de l'Union confirme : impossible de dissocier Pablo Escobar de
son implication dans le trafic de drogue et le narcoterrorisme.
Pablo
Escobar, symbole de la criminalité organisée en Espagne
Autre
point intéressant, la requérante reprochait à l'UEIPO de ne pas avoir pris en
compte la perception immorale ou non de la marque « Escobar Inc. »
par la majorité du public espagnol, le plus à même de se sentir concerné en UE,
puisque partageant notamment la même langue que les Colombiens.
Mais
dans sa décision, l'institution avance que « même s’il n’a jamais été
pénalement condamné, abattu par les forces de l’ordre, Pablo Escobar est
publiquement perçu, en Espagne, comme un symbole d’une criminalité organisée,
responsable de nombreux crimes », à l’instar de l'attentat à la bombe
du vol Avianca 203, le 27 novembre 1989.
DansHaut du formulaireDansd les pas de EEEeeDans ll’EUIPO, le Tribunal de l’Union
confirme donc que la marque « Escobar Inc. » est contraire aux valeurs et aux
normes morales fondamentales de la société espagnole. Les prochains commerçants
audacieux qui souhaiteraient utiliser le nom du célèbre narcotrafiquant sont
prévenus : gare à Escobar !
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Romain Tardino