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Privation des allocations, durée d'indemnisation... focus sur les mesures phares de la réforme de l’assurance-chômage

Privation des allocations, durée d'indemnisation... focus sur les mesures phares de la réforme de l’assurance-chômage
Publié le 27/12/2022 à 17:30

Le texte du projet de loi « portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi », a été définitivement adopté par le Parlement. L’objectif assumé est d’inciter les actifs à retrouver un emploi plus rapidement, car de nombreuses opportunités existent dans un marché du travail favorable.

Ce texte permet au gouvernement de modifier par décret certaines règles. En ce sens, le ministre du Travail Olivier Dussopt a dévoilé ses arbitrages aux partenaires sociaux, lundi 21 novembre dernier, après une concertation débutée en octobre. Parmi les mesures qui seront précisées par décret ultérieurement, plusieurs sont détaillées ici.

La privation des allocations chômage en cas de refus de CDI

Le refus d’une proposition de CDI faite par l’employeur au terme d’un CDD ou d’une mission de travail temporaire privera le salarié du bénéfice des allocations chômage.

La proposition de CDI doit avoir été faite par écrit : pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, assortie d’une rémunération au moins équivalente, pour une durée de travail équivalente, relevant de la même classification, et sans changement du lieu de travail.

En cas de refus du salarié, l’employeur devra informer Pôle emploi en justifiant du caractère similaire de l’emploi proposé. Les modalités de cette information ne sont pas encore définies. Nous pouvons supposer que l’attestation de Pôle emploi à rédiger au terme de la relation sera modifiée pour que l’employeur puisse y mentionner cette information.

En outre, les demandeurs d’emploi ayant refusé, à deux reprises au cours des 12 mois précédents, une proposition de CDI dans ces conditions, ne pourront pas bénéficier de l’allocation d’assurance-chômage.

Ces dispositions ne s’appliquent pas lorsque la dernière proposition adressée au demandeur d’emploi n’est pas conforme aux critères prévus par le projet personnalisé d’accès à l’emploi si celui-ci a été élaboré antérieurement à la date du dernier refus pris en compte.

La privation des allocations chômage en cas d’abandon de poste

La loi instaure une présomption de démission en cas d’abandon de poste. Le salarié qui a abandonné son poste, qui ne reprend pas le travail ou ne justifie pas de son absence après une mise en demeure de son employeur dans un délai fixé par un décret à paraître, sera présumé avoir démissionné. À ce titre, il sera exclu du bénéfice des allocations chômage. Par précaution, l’employeur devra engager la procédure de licenciement pour faute.

Ici aussi, nous pouvons supposer que l’attestation de Pôle emploi à éditer au terme du contrat de travail sera modifiée pour que l’employeur puisse y mentionner cette information. Les salariés pourront contester cette présomption en saisissant directement le Bureau de jugement du Conseil de prud’hommes qui devra qualifier la nature de la rupture et définir les conséquences afférentes.

La modulation de la durée d’indemnisation en fonction de la conjoncture du marché du travail

Aujourd'hui, la durée d'indemnisation dépend de la durée entre le premier jour et le dernier jour sous contrat durant les 24 mois précédant le début de leur période de chômage (36 mois si le travailleur a 53 ans ou plus) et repose sur le principe « un jour travaillé, un jour indemnisé ». À compter du 1er février et jusqu’au 31 décembre 2023, la durée d'indemnisation variera en fonction de la situation favorable ou pas du marché du travail. Un décret à paraître en déterminera les modalités.

Le ministère a précisé que l’état du marché du travail devrait s’apprécier de la manière suivante : une situation favorable correspondrait à un taux de chômage inférieur à 9 % ; une situation défavorable correspondrait à un taux de chômage supérieur à 9 % ou en progression de 0,8 % au cours du dernier trimestre. Selon l’INSEE, actuellement, le taux de chômage est compris entre 7,3 % et 7,4 %.

Le ministre du Travail a déjà annoncé que lorsque la situation serait favorable, la durée d'indemnisation sera réduite de 25 %, en respectant une durée minimale de six mois. Si la situation devait se dégrader au terme de la prise en charge, le ministre envisage de verser un complément de fin de droit correspondant à ces 25 %. À l'inverse, en cas de situation défavorable, la durée de prise en charge ne serait pas amputée.

Pour que la situation soit de nouveau considérée comme favorable, le taux de chômage devra repasser sous les 9 % durant trois trimestres consécutifs. Cette modulation ne sera pas mise en place dans les départements d'Outre-mer ainsi que pour plusieurs métiers, qui n'étaient déjà pas concernés par la précédente réforme de l'assurance-chômage, à savoir : les marins, les pêcheurs, les dockers, les intermittents du spectacle et les expatriés.

Le gouvernent a refusé de modifier le niveau de l'indemnisation, qui avait déjà été revu à la baisse lors de la précédente réforme. Les conditions d'accès à l'assurance-chômage restent également inchangées : avoir travaillé six mois sur une période de référence de 24 mois ou de 36 mois pour les personnes âgées d'au moins 53 ans.

Ces mesures traduisent une promesse de campagne du président Emmanuel Macron pour que l'assurance-chômage soit « plus stricte quand trop d'emplois sont non pourvus, plus généreuse quand le chômage est élevé ». Elles tentent également de répondre aux urgences face aux difficultés de recrutement des entreprises (60 % d’entre elles se plaignent de difficultés à recruter et un tiers des entreprises de l’industrie ne peuvent assurer leur carnet de commandes). 

Le maintien des CDD « multi-remplacements »

La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a prévu la possibilité, à titre expérimental, de conclure un seul CDD pour remplacer plusieurs salariés.

Le texte de la loi récemment adopté prévoit de relancer l’expérimentation pendant deux ans, dans les mêmes termes : dans les secteurs définis par décret, un seul contrat à durée déterminée (ou un seul contrat de mission) peut être conclu pour remplacer plusieurs salariés ; l’expérimentation ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Pour mémoire, les secteurs d’activité définis sont le sanitaire, le social et médico-social, la propreté et le nettoyage, l’économie sociale et solidaire, le tourisme en zone de montagne, le commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire, la plasturgie, la restauration collective, le sport et les équipements de loisirs, le transport routier et activités auxiliaires, les industries alimentaires ainsi que le service à la personne.

L’élargissement de l’électorat aux élections professionnelles

Le projet de loi profite de redéfinir la qualité d’électeur aux élections professionnelles. En effet, la jurisprudence de la Cour de cassation avait privé du droit de vote, et par conséquent de celui d’être élu, les salariés assimilés au Chef d’entreprise, à savoir qui, « en raison des pouvoirs qu’ils détiennent, peuvent être assimilés au Chef d’entreprise » (Cass. soc., 1er avril 1997, n° 96-60.019), afin d’éviter de « placer les intéressés dans la position contradictoire de participer à la vie de telle ou telle institution ».

Ainsi, les salariés remplissant les conditions suivantes en étaient exclus : ceux disposant d’une délégation écrite particulière d’autorité leur permettant d’être assimilés au chef d’entreprise ; ceux représentant effectivement l’employeur devant les institutions représentatives du personnel (Cass. soc., 31 mars 2021, n° 19-25.233).

Le Conseil constitutionnel avait jugé en novembre 2021 que les règles relatives à l’électorat telles qu’appliquées par la Cour de cassation étaient contraires au principe constitutionnel de participation des travailleurs, en vertu duquel « tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises ». Les effets de l’abrogation des dispositions légales avaient été reportés au 31 octobre 2022 afin que la loi puisse être modifiée et pour ne pas affecter les opérations électorales en cours.

Le projet de loi garantit la participation de l’ensemble des salariés aux élections professionnelles, y compris ceux assimilés au chef d’entreprise. En revanche, conformément à une jurisprudence ancienne de la Cour de cassation, le projet de loi adopté confirme l’inéligibilité de ces derniers.

Ces dispositions seront rétroactivement applicables à partir du 31 octobre 2022.

Sébastien Monetto,

Avocat,

Cornillier Avocats

 

 

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