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Que peut la science pour la politique ? Le député Cédric Villani était l’invité du Cercle Turgot

Que peut la science pour la politique ? Le député Cédric Villani était l’invité du Cercle Turgot
Publié le 16/05/2019 à 17:04

Cédric Villani, député de l’Essonne (5e circonscription), a été présenté aux membres du Cercle Turgot par son président d’honneur et fondateur, Jean-Louis Chambon. Le célèbre lauréat de la médaille Fields (2010) a expliqué sa transformation d’enseignant chercheur à parlementaire.




Cédric Villani rappelle à l’occasion d’une réunion du Cercle Turgot, que Napoléon reste, de loin, le « meilleur mathématicien qui ait présidé aux destinées de l’État », membre de l’académie des sciences, capable de soutenir la conversation avec les esprits les plus brillants de l’époque. Il a apporté une contribution précieuse sur la façon dont il convenait d’organiser les sciences et leurs rapports avec la politique. Par la suite, certains professeurs investis dans la vie publique y ont laissé leur carrière, comme Frédéric Joliot-Curie, d’autres la vie. Lavoisier, Bailly (premier maire de Paris) ont connu des sorts tragiques. En résulte une forme de conviction dans le milieu scientifique selon laquelle la politique ne s’aborde pas sans danger. Cette réticence se comprend d’autant mieux aujourd‘hui, face à la communication surabondante, foisonnante, très violente, à la propagation incontrôlée de nouvelles non vérifiées reprises suivant un manque de rigueur consternant. De plus, la question de la confiance joue. Le monde scientifique jouit d’une aura de mystère et de la foi des concitoyens parce qu’il participe au progrès. La côte d’opinion favorable vis-à-vis du CNRS s’élève à 90 % contre 15 % pour tous les partis politiques confondus. Les citoyens s’imaginent que les élus se soucient d’abord de leurs propres intérêts. Passer d’un domaine à l’autre est quasiment une gageure.


Cédric Villani se revendique pro-européen, voire fédéraliste. Il a donc logiquement soutenu Emmanuel Macron. Mais de là à postuler lui-même pour un mandat, l’enseignant a longuement hésité. C’est une infox qui l’a décidé, à quelques semaines du premier tour des présidentielles ; une fausse information parue dans la presse qui lui apprenait qu’il était candidat !
Au lieu de faire publier un démenti et de suivre les conseils dissuasifs d’entrer en politique, Cédric Villani choisit de franchir le pas. Après une campagne menée tambour battant, il a la joie de se confronter à l’Assemblée nationale et à ses énigmes dont la plus complexe consiste peut-être à maîtriser l’emploi du temps. « Les horaires déments imposent un tel rythme de rendez-vous que les élus doivent se démultiplier pour rejoindre simultanément leur circonscription, l’hémicycle, un cabinet ministériel, etc. » Il découvre également la discipline des groupes parlementaires et l’obligation de donner son avis sur tout, d’être pris à partie en permanence, quel que soit le sujet, comme s’il en était responsable depuis toujours. Il lui faut par ailleurs apprendre à collaborer avec les services de l’Assemblée et à décrypter la langue juridique.


Il s’occupe de l’office parlementaire des choix scientifiques et technologiques.
Avec Philippe Dautry, conseiller à l’Assemblée nationale, il rénove la structure pour la rendre plus réactive, plus ouverte, plus experte et lui donner plus de poids. Par ailleurs, au niveau de la circonscription, le projet de construction Paris-Saclay constitue son principal dossier en termes d’enjeux scientifiques. Aujourd’hui, les développements doivent se mener dans la concertation entre politiques, spécialistes et citoyens. Le député est formel, oublier un des interlocuteurs, c’est aller dans le mur.


« Avoir eu la médaille Fields, quand vous arrivez au Parlement, c’est un avantage et une gêne au début. Vous faites partie de 5 ou 6 personnes très identifiées dans l’hémicycle dès la rentrée. Vous jouissez d’une certaine déférence, mais aussi d’une forme de distance. » Après un an, s’opère une transition, et les échanges se font facilement entre collègues.


Le parlementaire constate que la France est une des rares Nations où le respect pour l’intellectuel reste considérable. Comparativement à d’autres pays, nous faisons figure de privilégiés. Néanmoins,
le sachant, tout respecté qu’il soit, doit toujours aborder les dialogues avec empathie et chercher les points rassembleurs. S’il maîtrise la logique et les statistiques, il lui faut argumenter avec un langage humain. Du reste, une carrière internationale d’enseignant chercheur se construit à travers une foule de rencontres dans le monde. Cela apporte un sens du contact affuté.


Cédric Villani se montre particulièrement vigilant à éviter tout revirement et à ce que ses paroles soient bien en phase avec sa pensée. En accord avec son profil rigoureux de mathématicien, il se refuse à faire volte-face. Il considère le manque de souplesse, l’inadaptabilité comme une exigence, et prend le pari qu’avec le temps, ce sera finalement un avantage.


 


C2M




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