Le 2 mai dernier, le
Conseil national des barreaux (CNB), présidé par Maître Christiane
Féral-Schuhl, a publié son rapport annuel 2018. Celui-ci rend compte entre
autres des actions, événements organisés et documents publiés par le CNB, pour
les avocats, le justiciable, l’égalité d’accès à la justice, et la défense de
l’État de droit, tout au long de l’année écoulée. Nous exposons ci-dessous les
points importants de ce rapport.
« Faire rayonner notre profession, en France
et à l’international et défendre les intérêts de tous les avocats à l’heure où
notre exercice professionnel connaît des évolutions profondes » telles sont
les ambitions du Conseil national des barreaux, annoncées dans l’avant-propos
du rapport d’activité 2018?de l’Institution.
Dans ce document d’environ 70 pages, le CNB retrace 365 jours
d’actions au quotidien, de chartes et de rapports publiés, et d’événements
organisés. Autant de projets menés par les 80 élus du CNB et ses
75 permanents salariés.
Pour le
Conseil national des barreaux, 2018?a d’abord été une année charnière pour la profession d’avocat, car
pour la première fois, les avocats se sont exprimés d’une seule voix, notamment
au sujet du projet de loi de programmation pour la Justice. Une unité qui a
permis « d’éviter le pire, d’obtenir de trop courtes avancées, mais
surtout de démontrer aux pouvoirs publics que les avocats [savent] négocier et
se mobiliser et qu’il fallait compter avec eux », indique le rapport.
Les instances représentatives des avocats (CNB, barreau de Paris,
Conférence des bâtonniersn Syndicat des Avocats de France, etc.) se sont en
outre entendues sur des sujets fondamentaux comme la défense des avocats en
danger, les droits de la défense, l’avenir de la justice… Une cohésion
indispensable pour défendre au mieux les intérêts de tous les confrères et
consœurs.
UNE UNITÉ NÉCESSAIRE POUR LA PROFESSION
« Je tiens au nom de notre
Conférence régionale des bâtonniers de Normandie à saluer et féliciter
l’ensemble des institutions représentatives de la profession qui se sont unies
pour parvenir à ce résultat attendu depuis des mois » a déclaré Maître
Arnaud de Saint Rémy, interrogé par les rédacteurs du rapport annuel à propos
de l’obtention de certaines revendications suite à la mobilisation du CNB, de
la Conférence des bâtonniers, et du barreau de Paris contre le projet de loi
justice porté par la garde des Sceaux, Nicole Belloubet.
Pour le CNB, cette unité retrouvée, « plus qu’une simple posture (…), est la condition nécessaire, bien
que non suffisante, pour porter l’avenir de la profession ».
Ainsi, lors de ses premiers vœux à la presse en janvier 2018, en tant
que présidente du Conseil national des barreaux, Christiane Féral-Schuhl s’est
exclamée : « Si nous restons unis, l’avocat ne sortira pas
de l’Histoire. Il y jouera même un rôle majeur. »
Cette unité des avocats s’est retrouvée au cours des Assemblées
générales du CNB lors desquelles ont été votées à l’unanimité pas moins de
90 décisions. Par exemple :
• concernant le budget 2018, un effort
collectif a été voté par l’ensemble des membres du CNB, soit une hausse des
cotisations de 50 euros par an pour les avocats en exercice depuis plus de
deux ans et de 20 euros par an pour ceux qui exercent depuis moins de
deux ans. Cette augmentation sera la seule de la mandature (2018-2020) et
sera essentiellement destinée au financement du plan d’investissement numérique ;
• les 16?et 17?février 2018, l’Assemblé générale a voté le plan d’investissement
numérique pour les avocats avec une amélioration et une modernisation des
Systèmes d’Informations, et du système e-barreau/RPVA.
De même, l’opinion publique a assisté à une mobilisation générale et
unitaire de la profession en réponse au projet de loi justice. En effet, de
mars 2018?à février 2019, « les élus du CNB ont participé
à de multiples réunions et ont rencontré des parlementaires, la garde
des Sceaux ainsi que des membres de son cabinet, et ont déposé 124 propositions
d’amendements », précise le rapport annuel.
En outre, le CNB a appelé à de nombreuses mobilisations nationales
unitaires tout au long de l’année écoulée : Journée « Justice morte » du 21?mars, durant laquelle les avocats de plus de 70 barreaux de France ont
cessé totalement leurs activités pour protester contre le projet de réforme de
la Justice ; marche du 11 avril « Nous marchons pour vos
droits », une mobilisation historique de toute la
profession ; rassemblement en robe devant l’Assemblée nationale le
15 novembre, etc.
Grâce à ces mobilisations et négociations, les avocats ont obtenu gain
de cause sur certains points de la réforme. Concernant la révision du montant
des pensions alimentaires par les CAF (article 6?du projet de loi), celles-ci ne peuvent que constater les évolutions
permettant de justifier la modification du montant de la pension alimentaire,
mais elles ne disposent d’aucun pouvoir d’appréciation de la situation.
•
Concernant la visioconférence, pour les
majeurs, celle-ci ne peut être utilisée sans l’accord de la personne pour les
débats contradictoires relatifs au placement initial en détention provisoire, à
moins que son transport paraît devoir être évité en raison de risques graves de
trouble à l’ordre public ou d’évasion.
• Sur la fusion des TGI/TI, en matière civile, la spécialisation des tribunaux
judiciaires devra prendre en compte le volume des affaires concernées et la
technicité de ces matières…
La profession a cependant annoncé qu’elle restait mobilisée sur un
grand nombre de points de la réforme, notamment sur :
• L’introduction
de la force exécutoire de l’acte d’avocats en initiant une expérimentation limitée dans les domaines du divorce
par consentement mutuel, la médiation et la procédure participative.
• Sur la
suppression de l’expérimentation de la cour criminelle départementale.
• Sur la
préservation des juridictions de proximité de qualité et de plein exercice en
limitant la spécialisation des contentieux et en garantissant l’équilibre des
contentieux transférés entre juridictions, etc.
Enfin, concernant l’unité des professions du droit, la profession
travaille de concert avec les autres métiers du droit – magistrats, notaires,
greffiers, huissiers, experts judiciaires… – « pour faire
avancer les sujets communs, développer une compréhension mutuelle et partager
ses préoccupations et convictions » indique le rapport annuel du CNB. Par exemple, le 28 août 2018, pour la première fois, le Conseil
national des barreaux et le Conseil supérieur du notariat ont organisé une
réunion commune à leurs bureaux respectifs ; en mars dernier, le Conseil
national des compagnies d’experts de justice s’est réuni avec la profession
d’avocat lors de son 8e colloque
annuel, sous l’égide de Bertrand Louvel, Premier président de la Cour de
cassation ; le 20 septembre 2018, Sophie Jonval, la présidente du
Conseil national des greffiers, a rencontré Christiane Féral-Schuhl. Un
rendez-vous qui a permis d’échanger sur la digitalisation des formalités, les
actes électroniques et l’open data des décisions de justice.
Tout au long de l’année, le Conseil s’est aussi fortement engagé sur
des enjeux sociétaux majeurs comme la défense des avocats en danger, le droit
des étrangers et toutes formes d’inégalités.
Christiane Féral-Schuhl,
Jérôme Gavaudan et Marie-Aimée Peyron, lors de l’Assemblée générale de la
Conférence des Bâtonniers, le 26 janvier 2018.
AVENIR DE LA PROFESSION ET ENJEUX SOCIÉTAUX
D’abord,
pour défendre au mieux les intérêts de toute
la profession, le CNB, porte-parole des 68 000 avocats de France, est allé sur
le terrain à la rencontre des avocats afin d’écouter leurs attentes et
inquiétudes sur l’avenir. Par exemple, les 6?et 7 avril 2018,?a eu lieu la première Assemblée générale décentralisée à Nîmes. En
outre, dans le cadre des États généraux de l’avenir de la profession d’avocat,
le CNB a invité les avocats et les élèves-avocats à prendre part à une grande
consultation nationale en ligne, en novembre et décembre 2018. De nombreux
événements ont également été organisés en province.
La défense
de la défense
En 2018?comme en 2017, le CNB a exigé le
démontage des cages de verre, installées lors de l’été 2017?dans les salles d’audience, pour
des raisons sécuritaires, selon le ministère de la Justice. « Ces cages de verre sont une
insulte aux droits de la défense et une honte pour notre République »
avait alors déclaré la présidente du CNB, avant d’engager une procédure pour le
retrait de l’ensemble des dispositifs, puis d’adresser une lettre ouverte à la
ministre de la Justice.
Concernant
la question du droit d’asile et de l’accueil des réfugiés, le CNB a dénoncé,
lors de son Assemblée générale de septembre, la circulaire « Collomb »
sur l’examen des situations administratives dans l’hébergement d’urgence. Le
Conseil national des barreaux a également soutenu le mouvement de grève des
audiences engagé par les avocats intervenants près de la Cour nationale du
droit d’asile (CNDA).
« Le projet de loi visait, notamment, à
réduire drastiquement les délais de traitement et de recours des demandeurs et
à généraliser le recours à des formes numériques de convocation et à la
vidéoaudience éloignant encore plus l’étranger demandeur de la possibilité
d’accéder à ses droits fondamentaux et à la justice » peut-on lire dans le
rapport annuel.
Pour soutenir les avocats en danger, le CNB, partenaire fondateur de
l’Observatoire international des avocats en danger (OIAD), organise chaque
année une journée internationale des avocats en danger. La 8e journée s’est déroulée le 24 janvier 2018, l’occasion pour
l’institution et les membres du barreau de Paris de se réunir aux abords
de l’ambassade d’Égypte et de demander officiellement la libération de leurs
confrères égyptiens emprisonnés. Autres exemples, le 13 juin 2018, le CNB s’est
mobilisé contre l’arrestation d’une consœur iranienne Nasrin Sotoudeh, laquelle
avait défendu des femmes opposées au port obligatoire du voile. En outre, le
CNB apporte son soutien aux avocats menacés de mort par leurs clients ou
victimes de violences partout dans l’Hexagone.
L’avenir de
la profession
Enfin, le CNB est sur tous les fronts quand il s’agit de
s’engager pour l’avenir de la profession. En premier lieu, l’institution est
convaincue qu’il faut faire évoluer la formation des avocats : « La bonne orientation des candidats est
garante d’une bonne formation et d’une saine gestion financière de la
profession », indique le rapport à ce sujet. Le CNB préconise en outre de
suivre les étudiants en droit dès leur première année. Quant aux épreuves de l’examen
d’accès au CRFPA, elles ont été modifiées pour la session de 2019. Ainsi, le
droit fiscal est désormais une matière de spécialité. D’autres changements sont
en cours de discussion avec le gouvernement.
Dans
un autre domaine, le CNB se bat également pour le respect de l’exercice du
droit. L’institution n’hésite ainsi pas à poursuivre pénalement les éditeurs de
plateformes numériques qui référencent de manière abusive les noms et
coordonnées des avocats (cf. affaire Doctrine.fr). En outre, en 2018, le CNB a
obtenu gain de cause dans plusieurs affaires, notamment : par arrêt du 9 mars
2018, la chambre correctionnelle de la cour d’appel de Versailles a confirmé la
condamnation de l’exploitant de sites Internet de conseils et d’intermédiation
en droit routier ; par un arrêt du 16 janvier 2018, la cour d’appel de
Versailles a fait droit à la demande du CNB qui demandait l’annulation d’une
convention dite de « conseil et
d’économie de charges sociales » qui prévoyait la délivrance de prestations
de consultations juridiques à titre principal et confiait à la société
contrevenante un mandat illicite de représentation devant les juridictions,
etc.
Les avocats
du CNB ont aussi démontré tout au long de l’année 2018?leur engagement en faveur d’une
société plus juste, à travers l’organisation de nombreuses manifestations et
journées de sensibilisation.
Pour une
société plus juste
Le 4?octobre 2018, le CNB a ainsi organisé, avec le
ministère de l’Éducation nationale, la première édition de « La journée du droit dans les collèges ». Objectif : sensibiliser
les jeunes aux droits et devoirs de chacun sur les réseaux sociaux, une manière
de lutter contre le cyber-harcèlement.
Le CNB s’est aussi engagé contre toute forme d’inégalité. Via la
rédaction d’un guide, l’institution a mené une réflexion sur le vécu des
avocats en situation de handicap. Elle envisage également de réunir en 2019?tous les acteurs du droit et du handicap lors du Grenelle Droit et
Handicap.
L’instance représentative des avocats lutte aussi contre les
discriminations que subissent certaines catégories de personne dans l’exercice
de leurs fonctions. Le CNB a notamment élaboré une Charte de responsabilité
sociétale des cabinets (RSCA) qui a pour but d’accompagner et sensibiliser les
cabinets qui souhaitent s’engager dans cette démarche. Les cabinets disposent
d’outils d’auto-évaluation pour s’évaluer. De plus, le 27 juin 2018, un
colloque sur le thème des discriminations et du harcèlement dans la
profession d’avocat a été organisé.
La commission Égalité du Conseil national des barreaux fait aussi
de l’égalité femmes-hommes son cheval de bataille. Freins à l’évolution des
carrières des avocates, disparités salariales, meilleur équilibre vie privée et
vie professionnelle, tels sont les sujets qui préoccupent la profession.
En outre, à l’occasion de la journée internationale les droits des
femmes le 8 mars 2018,
Christiane Féral-Schuhl a annoncé plusieurs initiatives : signature d’une
convention d’engagement pour une communication publique sans stéréotype de
sexe ; fin de l’impunité pour les avocats auteurs de harcèlement,
d’outrages sexuels et sexistes ; remise à l’État d’une proposition de
création d’un fonds d’accès au droit pour les victimes d’agressions sexuelles…
« Je souhaite que les sanctions ordinales
concernant les comportements les plus graves en matière de harcèlement sexuel,
moral ou discriminations soient rendues publiques » avait déclaré
Christiane Féral-Schuhl.
Quant à la journée internationale de lutte contre les violences faites
aux femmes, celle-ci a été l’occasion, entre autres, de présenter
une feuille de route de lutte contre les mariages forcés. Cet événement s’est
réalisé autour de la projection du film «
Moi Nojoom, 10?ans divorcée » de la réalisatrice yéménite Khadija Al
Salami.
Tout au long de l’année 2018, le Conseil national des barreaux a été un
interlocuteur privilégié des autorités publiques nationales, locales et des
grandes institutions représentatives. Au-delà de la France, comme l’indique le
rapport annuel, la profession agit également pour « créer et défendre une société de droits à
travers le monde ».
FAIRE ENTENDRE LA VOIX DES
AVOCATS EN FRANCE ET à L’INTERNATIONAL
En 2018, le Conseil national des barreaux, qui se veut le porte-parole
des territoires et de la justice de proximité, a rencontré des
élus nationaux et locaux, des maires, des députés et des sénateurs de (presque)
tous les bords politiques (Bruno Retailleau, sénateur LR de la Vendée et
président du groupe LR du Sénat ; Marie-Pierre de la Gontrie sénatrice PS de
Paris ; Ugo Bernalicis, député La France Insoumise du Nord ; Raphaël Gauvain,
député LREM de Saône-et-Loire et rapporteur de la proposition de loi relative à
la protection du secret des affaires…), mais aussi des représentants de
nombreuses instances, organismes, juridictions, etc.
Au-delà de
la France, « force de propositions, le Conseil
national des barreaux étend son influence à l’international » peut-on
lire dans le rapport d’activité. Quelques exemples viennent illustrer cela.
En effet, en
janvier 2018, la présidente du CNB a fait partie de la délégation officielle du
président de la République lors de son voyage en Chine. L’institution a évoqué
à cette occasion la situation très préoccupante des avocats chinois.
Lors d’un
déplacement au Luxembourg, en juillet, le CNB a rencontré Kœn Lenaerts, le
président de la Cour
de justice de l’Union européenne (CJUE), Marc Jaeger, le président du tribunal
de l’Union européenne, et les avocats français présents au Luxembourg.
Le
21?juin 2018, à Bruxelles, la commission prospective et innovation du CNB a
présenté les enjeux de l’open data dans les décisions de justice pour les
avocats.
En
avril 2018, une délégation du CNB s’est rendue au Vietnam, pays qui représente
un enjeu majeur en matière de promotion du droit continental.
De même, au cours d’une rencontre le 10 septembre 2018?entre le Christiane Féral-Schuhl et son homologue canadien, cette
dernière a souligné que la médiation devait être « la chose de tous au
service des citoyens ».
Enfin, comme l’indique le rapport annuel, l’influence
des avocats s’est « démultipliée » en
2018, en témoignent les nombreux articles de presse consacrés à la profession.
« En tant qu’acteurs de la société de
droit, les avocats (…) donnent à voir dans les médias, le rôle indispensable
d’une Justice moderne. »
Maria-Angélica Bailly