ACTUALITÉ

Rencontres business du Monde du Droit - Brexit : quelles conséquences pour les entreprises ?

Rencontres business du Monde du Droit  - Brexit : quelles conséquences pour les entreprises ?
Publié le 18/04/2019 à 14:06

Le 27 mars dernier s’est déroulée la 2e édition des Rencontres business organisées par le magazine Le Monde du droit. La rencontre plénière de cet évènement intitulée « Brexit : quelles conséquences pour les entreprises ? » a fait le point sur les problématiques et difficultés auxquelles vont devoir faire face les entreprises des deux côtés de la Manche. Quel est le cadre juridique dans lequel les entreprises vont devoir vivre ? Quelles mesures les entreprises peuvent-elles prendre pour se préparer au Brexit ? Les enjeux sont très nombreux, d’autant plus que la plupart des entreprises françaises ne sont pas prêtes.


 



Deux ans après l’activation de l’article 50 du traité européen qui permet de lancer les négociations de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, la situation est plus que confuse. Le 29 mars 2019, les parlementaires britanniques ont a de nouveau rejeté le traité de sortie qui leur était soumis. Pour éviter un Brexit sans accord (no deal Brexit), dans la nuit du 10 au 11 avril dernier, les dirigeants européens ont accordé au Royaume-Uni un délai supplémentaire de six mois pour sortir de l’Europe. La nouvelle date de sortie de la Grande-Bretagne est donc fixée au 31 octobre 2019. Cela laisse également plus de temps aux entreprises touchées par le Brexit pour se préparer. Un petit soulagement pour ces dernières, qui sont loin d’être au point.


C’est en tout cas l’avis des experts qui sont intervenus quelques jours avant tous ces revirements, lors de la conférence plénière des Rencontres business, animée par Arnaud Dumourier, directeur de la rédaction du Monde du Droit, le 27 mars dernier. Alexandre Holroyd, député LREM ; Hervé Jouanjean, Of Counsel, cabinet Fidal et ancien directeur général à la Commission européenne ; Anne-Claire Dubois, juriste experte en données personnelles (DPO) ; et Alain-Christian Monkam, avocat aux barreaux de Paris et de Londres et directeur de Monkam Solicitors Limited, cabinet d’avocats londonien, ont passé en revue les enjeux auxquels seront confrontées les entreprises avec l’arrivée du Brexit, que ce soit la mobilité des salariés et de leur famille, la fiscalité, la propriété intellectuelle ou encore les contrats commerciaux.


 


DES INCERTITUDES ANTE ET POST BREXIT


Pour Alexandre Holroyd, député LREM et rapporteur du projet de loi habilitant le gouvernement à prendre par ordonnances les mesures de préparation au Brexit, il est primordial, dans un premier temps, de faire prendre conscience aux interlocuteurs britanniques que leur avenir est incertain, ou en tout cas qu’il va être totalement bouleversé. À son avis, les Anglais se trompent quand ils pensent que les ordonnances prises par les Européens depuis le début du Brexit ont pour but « de faire en sorte qu’en théorie le Royaume-Uni sorte du marché commun, mais qu’il va y rester dans les faits ». « À partir du moment où vous sortez du marché commun, vous n’êtes plus dans le marché commun. Et tous les avantages que vous aviez disparaissent »,
a rappelé le député.


Les ordonnances qui ont été prises ont seulement pour objectif d’empêcher une vraie crise majeure, mais les conséquences néfastes sur les entreprises ne vont pas disparaître. Celles-ci vont voir la différence, d’autant plus qu’il y a quelques années seulement, les entreprises se posaient très peu la question d’une éventuelle sortie du marché unique : « C’est une dimension de risque qui était tellement éloignée de ce qui était dans le débat public, qu’on ne l’envisageait pas avec beaucoup de crédibilité », a déclaré Alexandre Holroyd, qui n’a pas caché sa déception de voir le Royaume-Uni sortir de l’Union européenne, son père étant lui-même anglais.


Aujourd’hui, a-t-il ajouté, les entreprises se rendent compte que cette stabilité juridique que l’Europe a créée depuis des décennies, « cette espèce de constance », est en train de s’évanouir.


Bref, a-t-il conclu, au Royaume-Uni, la situation est très critique. Pour lui, les députés sont en voie de créer une crise politique mettant la Grande-Bretagne dans une situation très difficile.


Parfaitement d’accord avec les propos de son prédécesseur, Hervé Jouanjean, Of Counsel au cabinet Fidal, a assuré que l’incertitude que nous vivons en ce moment sera toujours là une fois le Royaume-Uni définitivement sorti de l’Union européenne.


« Nous ne sommes qu’au début du Brexit, une fois le deal adopté, les conséquences seront nombreuses pour les entreprises », a-t-il affirmé.


Tout devra être adapté, notamment le droit des marques, la rédaction des contrats, le droit de la propriété intellectuelle, etc. « On va devoir reconstruire en moins bien ce qui existe déjà », a-t-il affirmé, assez inquiet.


Dans quel cadre juridique les entreprises vont donc devoir évoluer après le Brexit ? a demandé Arnaud Dumourier, directeur de la rédaction du Monde du Droit, à ses invités.


 


UN CADRE JURIDIQUE NOUVEAU POUR LES ENTREPRISES


Hervé Jouanjean a d’abord rappelé que la loi organisant le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, promulguée le 26 juin 2018, va permettre à la Grande-Bretagne de continuer à fonctionner normalement après le Brexit.


« Jusqu’à la fin 2020, s’il y a un deal, on pourrait être tranquille, le Royaume-Uni ne sera plus un État membre institutionnellement même s’il continuera à appliquer, s’il le souhaite, toutes les dispositions du droit communautaire » a-t-il rappelé.


En effet, les lois européennes que le pays souhaitera conserver (comme les lois sur la bioéthique par exemple) pourront être intégrées au droit britannique. Elles deviendront alors des textes de loi de la Nation. Il reste qu’il faudra nécessairement les adapter pour éliminer ce qui n’aura plus cours (contrôle par les institutions européennes, etc.).


À terme, a prédit Hervé Jouanjean, il y a un risque pour les entreprises de se retrouver avec des dispositions sur des sujets spécifiques – en matière d’environnement, en matière sociale particulièrement – qui seront différentes de celles de l’Union européenne du fait de la volonté du législateur britannique.


Actuellement, les entreprises françaises au Royaume-Uni s’interrogent donc sur les conséquences pratiques que ce nouveau cadre juridique va engendrer.


L’ancien directeur général de la Commission européenne a évoqué l’exemple d’entreprises qui vendent des dispositifs médicaux en Grande-Bretagne et qui déposent sur leurs produits la marque CE. Puisque l’organisme accrédité se situe au Royaume-Uni, en cas de no deal, ces sociétés ne pourront plus, du jour au lendemain, apposer cette marque sur leurs dispositifs.


Il y aura en tout cas plus de « paperasse et plus de contrôles », a affirmé Hervé Jouanjean.


Anne-Claire Dubois, juriste experte en données personnelles (DPO) qui travaille à Londres depuis plusieurs années, a donné son sentiment sur ce que vivent les Britanniques aujourd’hui. Au départ, a-t-elle raconté, à la perspective du Brexit, une certaine euphorie était palpable, un très grand enthousiasme animait les gens, mais celui-ci s’est peu à peu essoufflé. « Aujourd’hui, il y a même un sentiment de lassitude » a-t-elle confessé. Ce qui explique, selon elle, pourquoi la pétition pour rester dans l’Union européenne lancée le 21 mars 2019 sur le site du Parlement anglais a rencontré un tel succès.


Du côté des entreprises, l’exaltation est également retombée, car si l’on se retrouve avec un no deal, s’agissant de la protection des données par exemple, « cela va vraiment ébranler le monde de l’économie digitale, les services en ligne… » a affirmé l’experte en DPO (Data Protection Officer).


En effet, actuellement, environ 15 % des données personnelles de l’Union européenne transitent par la Grande-Bretagne.


Le plus étonnant, a fait remarquer Anne-Claire Dubois, est que sur la page Internet du gouvernement britannique, dans la rubrique « Que faut-il faire pour vous assurer que le flux des données au 12 avril pourra continuer de s’opérer entre vos activités basées en Union européenne vers la Grande-Bretagne et inversement de la Grande-Bretagne vers l’Union européenne », les explications sont assez laconiques. En fait, le droit britannique prévoit tout simplement de conserver le RGPD et d’effectuer quelques aménagements dans les textes.


Tout cela paraît simple du Royaume-Uni vers l’UE. Néanmoins, a averti la juriste, le passage des données personnelles de la communauté européenne vers le Royaume-Uni sera lui plus compliqué à effectuer.


« Il faudra pouvoir mettre en place certains mécanismes de transfert », a-t-elle expliqué, et en cas de no deal, les mécanismes seront beaucoup plus contraignants, et les entreprises basées dans l’Union européenne devront revoir tous leurs flux de données.


« La totalité des contrats sera à revoir, avec les partis tiers, les sous-traitants de données, les fournisseurs de service basés en dehors de l’Union européenne, etc. », a prévenu Anne-Claire Dubois. Cette procédure pourrait prendre trois à cinq ans.


Quel sera l’impact du Brexit sur les salariés ? Le droit du travail peut en effet être fortement impacté en fonction des évolutions économiques.


 


L’IMPACT DU BREXIT SUR LES EXPATRIÉS


Plutôt optimiste, Alain-Christian Monkam, avocat aux barreaux de Paris et de Londres et directeur de Monkam Solicitors Limited, a d’abord tenu à souligner qu’à l’heure actuelle « l’Angleterre se porte bien », et même « mieux que la France à bien des égards » a-t-il affirmé. En effet, en Grande-Bretagne, le taux de chômage est de seulement 3,9 %, « du jamais vu depuis 1975 », alors qu’en France, on était à 8,5 % au trimestre dernier.


Quant au déficit budgétaire, celui-ci est quasiment réduit à 0 en Angleterre, a rappelé l’avocat, tandis qu’en France, on est encore à 17 milliards…


C’est pourquoi, selon lui, malgré le vote du Brexit, en Grande-Bretagne, les choses se passent tout de même très bien.


Sur le droit du travail à proprement parler, les conséquences seront juridiques et économiques, a déclaré le directeur de Monkam Solicitors Limited.


Le 26 juin 2018, le Parlement britannique, après signature de la reine Elizabeth II, a promulgué la loi sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Le texte prévoit qu’au moment du Brexit, l’ensemble de la législation qui était prévue en Union européenne pourra être adapté en droit interne, et par conséquent, le droit du travail également (notamment en ce qui concerne le temps de travail, les congés maternité, les discriminations…).


Selon l’avocat, les Anglais ne verront donc pas beaucoup de différences après le Brexit. Par contre, pour les Européens qui travaillent ou voudront travailler en Angleterre, la situation ne sera pas en revanche aussi simple qu’auparavant. Des difficultés se posent réellement, puisqu’au Royaume-Uni sont actuellement installées 3 000 filiales françaises qui embauchent 350 000 personnes, a rappelé Maître Monkam. Parmi elles, on compte un grand nombre de salariés français et de l’Union en général. Pour ces derniers, le Royaume-Uni s’est engagé, de manière unilatérale, à accorder le droit de rester à tous ceux qui résident en Angleterre depuis au moins cinq ans.


Quant à ceux qui sont arrivés justes avant le vote du Brexit, der derniers ont un délai pour acquérir les cinq années nécessaires afin de prétendre à ce « stable status ».


Pour les entreprises qui voudront employer de nouveaux salariés de l’Union européenne après le Brexit, il faudra respecter des procédures très différentes (demande de visas, douanes, etc.).


Il sera toutefois possible d’aller en Angleterre sans visa si l’on reste moins de trois mois.


Une entreprise qui souhaitera délocaliser ses locaux de la Grande-Bretagne vers le continent, ce qui de nos jours ne se produit que très rarement (seulement 7 000 emplois sont actuellement délocalisés en Union européenne), devra suivre les procédures classiques en matière de visa, a expliqué Alain-Christian Monkam.


À propos des conséquences économiques, aujourd’hui, près de 30 000 entreprises françaises exportent en Angleterre. Notre balance est excédentaire d’environ 4 milliards d’euros avec ce pays, a rappelé Maître Monkam. De ce fait, « ni la France, ni l’Angleterre n’ont intérêt à ce que les choses se passent mal » a déclaré l’avocat.


Selon lui, trois scénarios sont envisageables à l’heure actuelle : soit le Brexit est repoussé, et il ne se passera pas grand-chose ; soit l’UE et le Royaume-Uni parviennent à un deal il y aura peut-être quelques désaccords, mais rien de très inquiétant ; ou alors les négociations aboutiront à un no deal et dans ce cas, on peut s’attendre à plusieurs perturbations (droit de douane), notamment sur les entreprises.


Pour l’instant, puisque rien n’est très clair, le Brexit est selon lui « une hystérie politique », qui n’a pas encore de réalité économique.


Rebondissant sur ces propos, Alexandre Holroyd a rétorqué que « certes le chômage est très bas en Angleterre, mais avec des zero-hour contracts (Contrat à la tâche ndlr.), des choix politiques qu’en France, on n’a pas voulu prendre. »


En outre, à son avis, les inégalités au Royaume-Uni sont beaucoup plus flagrantes qu’en France.


Estimant Maître Monkam un peu trop optimiste, Alexandre Holroyd a de son côté affirmé qu’en cas de Brexit dur, pas moins de 500 000 emplois risquaient de disparaître.


Cependant, a-t-il concédé, « il est vrai que les Britanniques ont pris une série d’engagements qui va très loin pour clarifier le statut des Européens qui travaillent chez eux ».


Le problème, a-t-il relevé, est que le « stable status » doit être mis en place par l’équivalent de décrets, pas encore sortis à ce jour. « Même s’il y a des engagements, nous on veut voir de la législation, on veut le voir dans la loi » a-t-il déclaré.


Sans détour, le député LREM a affirmé que sa priorité est uniquement de protéger les intérêts européens. « S’il y a un Brexit dur, il y aura un impact très négatif sur l’industrie. Et si on met à mal le marché commun, l’impact sera démultiplié » a-t-il averti.


Ainsi, « même ceux qui sont proches idéologiquement des Britanniques, – les Suédois et les Danois –, sont prêts à accepter qu’il y ait un dommage économique à court terme, s’il s’agit de protéger le cadre juridique du marché commun dans lequel ils conçoivent leur avenir économique » a-t-il affirmé. Enfin, pour lui, « nous ne sommes pas dans une hystérie politique, mais dans une réflexion qui repose sur du long terme ». Une réflexion qui interroge l’avenir sur de très nombreuses années.


Dans ce nouveau cadre économique et juridique, quelles bonnes pratiques pourraient adopter dès à présent les entreprises ?


 


LES BONNES PRATIQUES À ADOPTER


Alexandre Holroyd invite les entreprises françaises à entreprendre un audit de tout ce qui va impacter leur activité. « La première chose à faire est de mener un audit très clair pour trouver les points de tensions (frontières, cadre juridique, chaine de production, etc.) » a-t-il avancé. À partir de là, on peut trouver des solutions. Certaines d’entre elles devront sans doute se demander comment moins dépendre du Royaume-Uni, a affirmé le député LREM.


Anne-Claire Dubois a acquiescé à ces propos. Du point de vue de la protection des données personnelles, il est indispensable selon elle de « continuer ces audits, ces bonnes pratiques mises en place pour le RGPD ».


Certes, il ne faut pas paniquer puisque le gouvernement britannique a confirmé que les données pourront être aisément transférées de la Grande-Bretagne à l’Union européenne, mais s’agissant du chemin inverse, « il faudra être créatif dans les contrats », a-t-elle assuré. La liste sera longue de tous les aspects à vérifier : étude des fournisseurs principaux, identification des flux de données, révision de la cartographie mise en place pour l’article 30 du RGPD, examen de la situation du DPO. Si ce dernier est basé au Royaume-Uni, il faudra aussi se poser la question de son accessibilité pour les employés et les clients, a suggéré la juriste.


Cette dernière a également incité les chefs d’entreprise à consulter la page de l’ICO (Information Commissioner’s Office, équivalent de la CNIL pour la Grande-Bretagne) qui a mis en ligne de nombreuses fiches techniques pour aider les employeurs à définir les pratiques à mettre en place.


De son côté, Hervé Jouanjean a été très clair. La priorité est de regarder la structure des exportations de l’Union européenne et protéger le marché commun.


Pour l’ancien directeur général à la Commission européenne, il faut appliquer à l’Union européenne ce que l’Allemagne a fait tout au début des négociations : « Madame Merkel a fait un choix très clair qui a été de protéger le marché intérieur contre toute tentative de démantèlement pour protéger les intérêts à court terme de l’Allemagne. »


« C’était un signal très fort », a-t-il estimé. Dans les négociations à venir, la structure du marché devra absolument être protégée.


« Aujourd’hui les Britanniques sortent, demain c’est un pays tiers », a-t-il rappelé. « Les entreprises doivent comprendre qu’à Bruxelles ce que nous défendons, c’est l’Union européenne à 27, les activités des entreprises des 27, les emplois des salariés de l’Union » a-t-il ajouté.


C’est pourquoi, à son avis, les entreprises devront être très vigilantes et suivre de près les négociations commerciales afin de voir si du côté britannique, il n’y a pas une détermination à gagner des avantages. « Les gouvernements auront besoin du soutien des entreprises », a-t-il affirmé.


Concernant l’attitude à adopter pour ces dernières, l’avocat estime lui aussi qu’il faut qu’elles procèdent à un audit interne et étudient ce qu’elles importent et exportent en Grande-Bretagne.


En outre, puisque « le no deal est tout à fait possible », selon lui, les entreprises doivent donc « continuer à s’y préparer, continuer ou commencer leurs audits ».


Quoi qu’il en soit, l’avocat est certain que « les Britanniques vont vouloir récupérer le terrain perdu ». Et pourquoi pas tourner le Brexit à leur avantage ?


 


QUEL AVENIR POUR LA Grande-Bretagne APRÈS LE BREXIT ?


S’exprimant à ce sujet, Alain-Christian Monkam a fait remarquer que derrière tous ces pourparlers, il y a sans doute pour les Anglais l’idée de construire un droit plus concurrentiel. Pour le bien de leur économie, ils pourraient opter pour un droit plus flexible en matière du droit du travail, en matière de représentants du personnel par exemple.


En réalité, pour l’avocat, le plus grand risque post Brexit est peut-être que les Anglais s’en sortent mieux qu’avant, car si cela arrive, d’autres ne vont-ils pas être tentés ? L’avenir sera-t-il meilleur ou pire pour eux ? s’est-il demandé en toute franchise.


De son côté, Hervé Jouanjean a qualifié le Brexit de processus « totalement irrationnel ». Pour lui, au contraire, c’est cette sortie va contre l’intérêt national : « si les Britanniques avaient été rationnels, jamais ils n’auraient voté le Brexit », a-t-il scandé.


Le fait que les députés du Parlement se soient opposés au deal de Madame May – lequel est tout à fait bénéfique pour l’économie britannique, et qui a été très bien négocié par la ministre, selon Hervé Jouanjean – démontre à son avis l’incohérence des négociations.


Pour Alexandre Holroyd, une autre question se pose : au lendemain du Brexit, une fois l’étape des négociations terminée, qu’est-ce que les Britanniques voudront être ? Plus libéraux, plus conservateurs ?


« Actuellement, l’incertitude vient aussi de la liberté que le Royaume-Uni va reprendre en sortant de l’Union européenne. »


En effet, le législateur pourra choisir ou non d’appliquer les textes du droit communautaire, avec les conséquences sur le fonctionnement de l’économie britannique et sur la compétitivité de leurs produits.


Le Royaume-Uni sera dans une situation d’indépendance totale. Le pays « [devra] reformuler des décisions qui depuis 40 ans sont formulées au niveau européen. Il s’agit d’une incertitude conséquente » a-t-il assuré.


Les intervenants se sont enfin demandé si le départ de la Grande-Bretagne n’allait pas entraîner un effet domino. Dans ce cas, quel sera l’avenir de l’Union européenne ?


 


QUID DE L’AVENIR DE L’EUROPE ?


Tout d’abord, Alexandre Holroyd a rappelé que tous les pays de l’Union ne sont pas comparables. Aujourd’hui, a-t-il précisé, le Royaume-Uni sort de l’Union européenne, et cette dernière s’en trouve très affaiblie. Pourquoi ? Car la Grande-Bretagne est une puissance politique et commerciale de premier ordre. Aussi, a-t-il ajouté, « Si Theresa May a pu négocier un accord comme celui-ci, c’est parce qu’elle a des éléments importants à faire valoir. »


Le pouvoir de négociation est très différent selon les états qui veulent sortir, a-t-il rappelé. Ainsi, si d’autres pays veulent quitter l’Union européenne, ils ne sortiront certainement pas dans les mêmes conditions que le Royaume-Uni.


D’ailleurs, a-t-il ajouté, « ceux qui parlaient autrefois de sortir de l’Union européenne n’en parlent plus du tout aujourd’hui ». Au contraire, les pays veulent y adhérer, a-t-il indiqué.


Pour Alexandre Holroyd, le plus grand danger pour l’Europe n’est donc pas d’ordre économique, mais bien plus géopolitique.


« La perte des Britanniques est une immense perte dans le combat contre l’anti terrorisme, dans l’influence internationale, dans le développement de l’Afrique… », a souligné le député LREM.


Ce dernier a ainsi rappelé que la Grande-Bretagne est un des cinq pays a posséder le droit de veto au Conseil de sécurité, qu’elle possède des services de renseignements très efficaces, et est dotée d’une très grande force nucléaire.


Tous ces éléments sont, certes, peu quantifiables, « mais ils sont beaucoup plus graves que le fait de devoir restructurer des chaines de production, ou même de savoir si les Britanniques vont s’en sortir mieux ou non après le Brexit » a-t-il déclaré.


Pour finir, Hervé Jouanjean a tout de même incité l’assistance – composée de chefs d’entreprise, d’avocats, de juristes, de fiscalistes – à ne pas s’alarmer, mais plutôt « à adopter une attitude constructive ». En d’autres termes, à utiliser le Brexit pour réfléchir à la structure européenne. « N’y aurait-il pas la possibilité de faire advenir quelque chose de différent au sein de cette architecture qui nous permettra de garder des bons liens avec nos amis britanniques ? » a-t-il suggéré en guise de conclusion.



Maria-Angélica Bailly


 


0 commentaire
Poster

Nos derniers articles