Dans le
cadre de l’édition digitale du Salon international du Patrimoine culturel, du
29 au 31 octobre derniers, un Forum du patrimoine a été organisé par Ateliers
d’Art de France et le magazine Atrium, avec le
soutien de la Fondation France Bois Forêt pour notre Patrimoine. Lors de
ce forum, des conférences en ligne ont été animées par des acteurs phares du
secteur qui ont abordé de multiples sujets au cœur de l’actualité du
patrimoine. L’une d’entre elles était intitulée « Impact de la crise
sanitaire sur le patrimoine français ».
La 26e édition
du Salon international du Patrimoine culturel
devait initialement se dérouler au Carrousel du Louvre. 315 exposants et
partenaires s’y étaient inscrits. C’est finalement autour d’une version
numérique que les acteurs du patrimoine se sont retrouvés, du 29 au 31 octobre, à la Cité de l’architecture et du patrimoine, au Palais de Chaillot, à
Paris.
« Cette alternative a
pour objectif de soutenir, valoriser et rendre visibles les acteurs du
patrimoine et la richesse de leurs savoir-faire. Une visibilité qui fait défaut
aujourd’hui, dans un contexte où les annulations en chaîne de nombreux
événements et foires privent le secteur de la rencontre avec les acheteurs,
partenaires et passionnés », soulignent les organisateurs sur le site Internet de l’évènement.
L’Édition digitale du Salon international du Patrimoine culturel s’est
articulée autour de quatre axes :
•
rencontre des exposants : le salon a fait découvrir le savoir-faire de nombreux
artisans d’art, professionnels des métiers du patrimoine, collectivités,
institutions, associations ou organismes de formation via une sélection
de portraits et de visites d’ateliers, enrichie par des contenus vidéos ;
• visites
de chantiers et de monuments : l’occasion de découvrir, au travers de
vidéos, divers projets autour du patrimoine, bâti ou non bâti, portés par des
exposants, ainsi que des visites virtuelles de monuments ;
• forum
du patrimoine : l’édition digitale a proposé une série de conférences en
ligne animées par les acteurs nationaux liés au secteur. Plusieurs webinaires
organisés par l’association Sites et Cités sont également venus enrichir la
réflexion autour des enjeux liés au secteur du patrimoine ;
• remises
de prix : au terme de l’évènement, les lauréats des prix habituellement
remis lors du salon ont été dévoilés, parmi lesquels : le Prix du Patrimoine
paysager et écologique de la Fondation Etrillard, une des quatre lauréates du
Prix de la Jeune Création Métiers d’Art Ateliers d’Art de France, le lauréat
national catégorie «
Patrimoine » du concours Ateliers d’Art de
France, le Prix VMF/AAF « Métiers d’art et patrimoine bâti », etc.
Nous revenons ci-dessous sur une des conférences qui a eu lieu lors du
Forum du Patrimoine :
« Impact
de la crise sanitaire sur le patrimoine français ». Le débat a réuni sept associations reconnues
d’utilité publique, un syndicat professionnel et une fondation. Chaque
intervenant a livré son expérience de la crise, a fait des propositions ou
donné des conseils pour affronter cette période très difficile que vivent les
acteurs du patrimoine.
DES INSTITUTIONS TRÈS
DYNAMIQUES POUR LA SAUVEGARDE DE NOTRE PATRIMOINE
Comme l’a rappelé Alexandre Giuglaris, directeur des Affaires publiques à
la Fondation du Patrimoine, lors de son intervention, le patrimoine représente
500 000 emplois en France. Et si l’on élargit le spectre au
tourisme, c’est deux millions d’emplois. Le secteur est donc très dynamique
en France. Quant aux associations, elles jouent un rôle de premier plan dans la
sauvegarde du patrimoine.
Président de Vieilles Maisons Françaises (VMH), Philippe Toussaint est
ainsi à la tête d’une association qui regroupe plus de 17 000 personnes dont la moitié est propriétaire de bâtiments, protégés ou non par le statut Monuments historiques.
L’autre moitié est constituée de passionnés de patrimoine.
Olivier de Lorgevil est lui président de l’association Demeure Historique.
Il s’agit d’une association, créée en 1924, qui accompagne et conseille les
gestionnaires et propriétaires de monuments historiques. Reconnue d’utilité
publique en 1965, elle compte 3 000 adhérents.
Une des occupations essentielles de Demeure Historique consiste à
organiser des activités touristiques et économiques (ATE) pour les monuments
ouverts.
L’association relaie aussi
régulièrement les grandes campagnes de
communication institutionnelles. Cet été, par exemple, dans les départements et
les régions, Demeure Historique a soutenu le hashtag
#CetEtetJeVisiteLaFrance.
Présidente d’Ateliers d’Art de France qui regroupe 6 000
ateliers sur l’ensemble du territoire, à travers un réseau de 130 associations,
Aude Tahon précise : « Nous sommes des
acteurs de la vie locale et territoriale, nous travaillons avec un ensemble de
régions. Nous possédons des savoir-faire spécifiques et des techniques précises
longues à acquérir. » Ateliers d’Art de France couvre en effet les 16
domaines d’activité reconnus dans les textes législatifs (céramique, textile, broderie, soufflage de verre…).
Pour Aude Tahon, les métiers d’art sont attractifs et correspondent à des
valeurs de la société que la crise a révélées. Des valeurs de durabilité et de
proximité.
Julien Lacaze est lui président de Sites & Monuments. Créée en 1901,
et reconnue d’utilité publique, l’association est également agréée pour la
protection de l’environnement. Son objectif est de protéger le patrimoine
paysager, le patrimoine bâti et le patrimoine mobilier.
Olivier Lenoir, délégué général de l’Union Rempart, a ensuite présenté son
association qui, en plus d’être une institution de patrimoine, est également une association d’éducation populaire.
Union Rempart est en effet constituée d’un réseau de 180 associations locales qui ont pour ambition de faire
du patrimoine la sphère de tous, de rendre les citoyens acteurs de la
restauration, de la mise en valeur
et de la transmission du patrimoine.
« Le patrimoine est un fait de société. Un fait qui
concerne l’ensemble des citoyens »
a-t-il assuré.
Vice-présidente de Patrimoine Environnement, Christine Bru-Malgras a
expliqué que sa Fédération était issue de la fusion de deux associations : la ligue urbaine et rurale et la Fnassem (Fédération
nationale des
associations de sauvegarde et des sites et des ensembles monumentaux).
« Nous fédérons des associations locales, régionales, départementales,
mais aussi des particuliers confrontés à différentes atteintes au patrimoine »
a-t-elle précisé.
Olivier de Rohan est pour sa part président de La Sauvegarde de l’Art
Français. L’association, fêtera ses 100 ans
l’an prochain, a été créée pour faire face à la crise qui touchait le
patrimoine au lendemain de la Première Guerre mondiale. « Donc dès l’origine, nous avons existé pour répondre à des crises » a déclaré le président de l’institution. Celle-ci
est également devenue une fondation il y a deux ans.
L’association gère ainsi des patrimoines immobiliers et mobiliers, et
organise également des actions
éducatives. Sa préoccupation quotidienne
consiste à préserver l’histoire des territoires : « chaque village de France, chacune de ses églises, de ses lavoirs, de
ses calvaires… toutes ces pierres racontent l’histoire d’un peuple, d’un lieu.
Nous nous devons de les faire vivre, si nous voulons que notre histoire ne
disparaissent pas et nous avec, car un peuple sans histoire n’existe plus » a-t-il
proclamé.
L’autre préoccupation de la fondation, c’est celle de la
beauté, a ajouté Olivier de Rohan : «
qu’est-ce qui peut attirer les gens plus que de vivre dans de beaux lieux ?
»
Président de Maisons Paysannes de France, Gilles Alglaves dirige une
association qui va fêter ses 55 ans. Reconnue d’utilité publique, celle-ci
agit sur le terrain du patrimoine rural, en tentant de sensibiliser à la qualité
de ce patrimoine qui doit être transmis dans de bonnes conditions.
Pour le président, en effet, le patrimoine rural, s’il est bien géré, est
une source de développement et d’avenir.
L’association comprend 80 délégations dans chaque département. Celles-ci
militent, organisent des ateliers, des sorties découvertes, des lectures, etc.,
et essaient de tisser des partenariats avec des institutions d’importance.
L’association gère aussi un centre de formation. Les formateurs sont des
experts et des professionnels qui ont mis au point un catalogue de formations
(que l’association va essayer de vendre) consacrées à la transmission des
savoir-faire.
Enfin, Alexandre Giuglaris est directeur des Affaires publiques au sein de
la Fondation du Patrimoine.
Comme ce dernier l’a rappelé, la Fondation du Patrimoine est un organisme
particulier, car il a été créé à l’initiative du législateur. Depuis
25 ans, celle-ci se mobilise et essaie d’en faire de même avec les acteurs
du patrimoine pour financer la restauration et la valorisation du patrimoine,
en particulier le patrimoine non protégé, de proximité, ou rural.
Durant toute son existence, la Fondation a accompagné plus de 30 000
projets, grâce à l’importance du bénévolat. 80 % de ses actions concernent des communes de
moins de 2 000 habitants.
« Le patrimoine,
c’est toute une histoire, des valeurs qui forment le corps d’un pays – et Dieu
sait qu’on a besoin de ce genre de valeur en ce moment –, mais c’est aussi un
outil économique très important » a affirmé Philippe Toussaint lors de son
intervention.
La crise de la Covid-19 a cependant porté un coup rude à notre patrimoine,
à cet ensemble que des millions de touristes viennent normalement visiter
chaque année.
L’animatrice,
Philippe Toussaint (Vieilles Maisons Françaises), Aude Tahon (Ateliers d’art de
France)
et Olivier Lenoir (Union Rempart)
UN SECTEUR MIS A MAL PAR LA CRISE SANITAIRE
Durant toute la période de confinement aux mois de mars et avril, a
rappelé le président de Vieilles Maisons Françaises, il a été impossible d’ouvrir les
maisons. Les métiers d’art ont eux aussi été très sévèrement touchés, ainsi que les entreprises de restauration de monuments
historiques, qui ont dû suspendre tous leurs chantiers.
Même constat du côté d’Olivier de Lorgevil: « Le 15 mars
dernier, nous avons dû faire face à une situation totalement insolite. Les
monuments historiques privés ont été tout simplement fermés. »
Après le confinement, Demeure Historique a cependant travaillé sur un
protocole sanitaire très strict pour que les préfets autorisent la réouverture
des monuments. L’association a également relayé de nombreuses campagnes auprès
du grand public.
Pour Aude Tahon, la principale difficulté de son association est d’être
identifiée avec ses spécificités. Par conséquent, Ateliers d’Art de France
revendique une branche professionnelle de métiers d’art et des codes
d’activité.
Le confinement a été une étape difficile pour l’association, relevée grâce
à des dispositifs d’aide. Celle-ci est actuellement, cependant confrontée à une
nouvelle épreuve, puisque le monde de l’événementiel vit des heures difficiles.
Près de 200 manifestations ont été annulées cette année, or « il s’agit d’évènements commerciaux dont les ateliers dépendent en
grande partie » a déploré la présidente de l’association.
« Aujourd’hui, avec
un retour en arrière, sans codes d’activité, les ateliers n’accèdent pas aux
nouvelles aides » a-t-elle
ajouté.
Le président de Sites & Monuments, Julien Lacaze, a également signalé
que les propriétaires de monuments historiques étaient actuellement en grande
difficulté.
En outre, quand une entreprise du patrimoine fait faillite, c’est une accumulation
de savoir-faire qui disparaît. C’est extrêmement préoccupant, a-t-il souligné.
Certes il y a le plan de relance du patrimoine, mais celui-ci le qualifie de « plan en trompe-l’oeil ».
Le chiffre paraît important en effet : 614 millions
d’euros. Cependant, a-t-il révélé, 330 millions vont être consacrés à éponger
le manque à gagner des grands établissements publics dans (ou autour de) Paris
(ces établissements sont d’ailleurs fondés sur le tourisme international, qui
est loin d’être le modèle idéal, pour Julien Lacaze) ; 80 millions seront
réservés à la sécurité des cathédrales (ce qui est excellent en soi, a-t-il
reconnu) ; 100 millions iront à la restauration du château de Villers-Cotterêts
(« c’est bien aussi, mais on pensait que c’était déjà acté ») ; « donc en réalité, il reste 40 millions
seulement pour les 45 000 monuments historiques français qui sont partagés à
parts égales entre les communes et les propriétaires privés » a-t-il
terminé son énumération. « C’est l’équivalent d’un loto du patrimoine
supplémentaire » a-t-il conclu, un peu dépité.
Le confinement a également obligé Union Rempart à suspendre
l’ensemble de ses activités de restauration et ses chantiers de bénévoles
programmés pour le printemps. Et même après le confinement, les chantiers ont
été moins nombreux.
Il était en outre extrêmement difficile d’envoyer des bénévoles à
l’étranger (une proposition que l’Union a faite les autres années).
« La Covid nous a
ralentis dans notre action, nous a fait travailler différemment que ce que nous
avions prévu, mais en même temps, elle nous a obligés à réfléchir, à nous
remobiliser, à trouver d’autres pistes » a cependant tempéré Olivier
Lenoir.
Christine Bru-Malgras
n’a pas été aussi complaisante : « Durant
la période de confinement, le patrimoine a été quelque peu oublié, surtout le
patrimoine rural, mais aussi les paysages. Or, le patrimoine et les paysages
doivent être une des grandes causes nationales, parce que le patrimoine est
fédérateur. Ce n’est plus possible que des pans entiers de notre territoire
puissent être délaissés, sacrifiés, banalisés au risque de perdre
définitivement toute attractivité » a-t-elle dénoncé.
Concernant la Fédération Patrimoine Environnement, celle-ci
a dû se résoudre à annuler les Entretiens qu’elle a l’habitude d’organiser au
printemps, ainsi que la Journée du patrimoine des pays et des moulins.
Le fameux concours scolaire de l’association a pu cependant être maintenu, deux
classes ont ainsi été récompensées. En outre, juste avant le confinement,
la Fédération a été entendue, avec beaucoup d’autres institutions, par deux
sénateurs sur le sujet des maires face au patrimoine historique architectural. « Un sujet extrêmement important
», selon Christine Bru-Malgras.
La vice-présidente a toutefois regretté que pendant le
confinement, le plan pluriannuel de l’énergie ait été signé rapidement, malgré
toutes les précautions d’usage qui avaient été prises, selon elle.
De son côté, Olivier de Rohan a semblé beaucoup plus serein
: « celle qui arrive aujourd’hui n’est
qu’une [crise] de plus ! Il va sans doute y en avoir d’autres ! » a-t-il
affirmé.
Son association est cependant touchée par la Covid dans les projets organisés avec les étudiants et
les élèves. « La mobilisation des jeunes
est très compliquée » a-t-il reconnu.
Quant aux legs que l’association reçoit (pour des projets bien définis),
provenant de particuliers et d’entreprises, ils n’ont pas été
particulièrement affectés par la crise. À cause de la crise, ces dernières donnent globalement moins
d’argent pour le patrimoine, mais certaines d’entre elles font exception
(Michelin, par exemple).
Le président de
Maisons Paysannes de France, Gilles Alglave, a lui aussi décidé de rester
positif malgré la crise. « Avant la
Covid, on avait l’impression qu’on était tous des urbains, a-t-il déclaré. Or,
maintenant, il y a une remontée en flèche de l’attrait de la campagne (…). La
campagne a le vent en poupe. Or, c’est un réservoir de potentialités et de
développement durable » a-t-il affirmé avec enthousiasme.
Pour Alexandre Giuglaris, enfin, l’importance économique du
patrimoine doit être rappelée, parce qu’ «
il y a des décisions à prendre et des solutions à mettre en place ».
LES SOLUTIONS À
METTRE EN PLACE
En général, comme l’a expliqué Philippe Toussaint dans son intervention,
l’État s’occupe plus
spécifiquement des monuments protégés, laissant le patrimoine privé de côté.
Mais pour une fois, le plan de relance a identifié les propriétaires privés,
s’est réjoui le président de VMH. Ce plan est donc une bonne nouvelle pour lui.
Il est en tout cas essentiel que les
propriétaires saisissent cette occasion («
qui ne se renouvellera pas de sitôt ») pour bénéficier d’aides pour leurs
chantiers urgents. L’association a ainsi appelé ses adhérents à se mobiliser
pour identifier leurs projets, les faire connaître auprès des Directions
régionales des affaires culturelles, et leur donner un chiffrage pour qu’ils
puissent être pris en compte.
Les crédits alloués en 2020 vont en outre libérer en 2021
des possibilités de financement qui n’existaient pas auparavant, a prédit
Philippe Toussaint.
La Demeure Historique a quant à elle élaboré dix propositions pendant le
premier confinement pour que les monuments historiques puissent bénéficier d’un
certain nombre de dispositifs d’urgence. Cinq d’entre elles concernent un
accompagnement très rapide à la gestion du monument, et notamment à sa
réouverture, et cinq autres concernent davantage la relance de la filière
patrimoine.
L’association a également sollicité l’aide de la Direction générale des
patrimoines pour créer une année «
force majeure » pour ceux qui ne
peuvent pas rouvrir, et tenté de faire en sorte que les monuments historiques
puissent bénéficier de PGE (prêt garanti par l’État). « On a fait un gros travail, à la fois de lobbying et un travail
parlementaire, pour permettre et faire expliquer à nos interlocuteurs, le mode
de détention très spécifique des monuments historiques » a expliqué Olivier
de Lorgevil.
Ce dernier a enfin essayé de faire reconnaître les monuments historiques
comme des acteurs à part entière de la filière touristique (les monuments
historiques ne sont en effet pas reconnu au niveau du ministère du Tourisme,
mais seulement par le ministère de la Culture).
L’animatrice,
Olivier de Rohan (La Sauvegarde de l’art français), Alexandre Giuglaris
(Fondation du Patrimoine)
Aude Tahon a pour sa part invité les acteurs du patrimoine à devenir des acteurs d’outils
digitaux. Les salons s’organisent aujourd’hui par ces moyens-là, il faut donc
saisir cette opportunité pour se rendre visible. « Nos ateliers réfléchissent déjà à des rencontres en ateliers, à travers
des vidéos, pour continuer de garder ce lien avec nos clients » a précisé
la présidente d’Ateliers d’Art de France.
Julien Lacaze reste de son côté assez pessimiste. Selon lui, certains
remèdes à la crise sont en réalité très nuisibles au patrimoine. Notamment en ce qui concerne la
dérégulation de l’éolien (« pour l’éolien en mer, on va supprimer deux
juridictions, pour se défendre, on ne pourra plus aller qu’au Conseil d’État »)
et la rénovation énergétique des bâtiments (« on est dans la massification, et ça peut être terrible pour les
paysages et pour le patrimoine bâti »).
Quelles seraient les solutions à mettre en œuvre selon
lui ?
D’abord, il faut de toute urgence cesser les subventions pour l’éolien.
Ensuite, il faut supprimer l’Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI) sur
des bâtiments ouverts au public,
« parce qu’un monument historique, c’est
un gouffre. On ne gagne jamais de l’argent en faisant des travaux » a-t-il
assuré. « La moindre des choses, au moins
pendant deux ans, serait d’exonérer de l’IFI les propriétaires de monuments
ouverts au public, pour les inciter à rouvrir et à compenser les charges
supplémentaires liées à la Covid » a-t-il insisté.
Il faut également que les propriétaires puissent payer
leurs impôts en attachant des collections de meubles à perpétuelle demeure
(cela existe pour les musées. On peut par exemple payer ses impôts en donnant
un tableau à un musée). Or, aujourd’hui, quand un propriétaire le fait,
lorsqu’il vend sa propriété (immeuble), il perd la quasi-totalité de la valeur
du meuble. Julien Lacaze préconise donc que l’on valorise les 80 % de la valeur
perdue « pour maintenir des ensembles
patrimoniaux ».
Enfin, avec les 40 millions d’euros restants du plan de relance, il aurait
été judicieux, selon lui, de créer une plateforme de géolocalisation des
patrimoines ouverts au public en France. Les propriétaires auraient pu y inscrire les
informations pratiques pour s’y rendre, les horaires… : « Cela pourrait relancer le tourisme de proximité. C’est un projet
global qui aurait profité à tout le monde » a-t-il assuré.
Dès le déconfinement, le 11 mai dernier, le conseil
d’administration de l’association Union Rempart – et l’ensemble de son réseau
associatif – a réfléchi à une sorte de vade-mecum de la reprise d’activités
associatives et collectives pour la restauration et la mise en valeur du
patrimoine.
« Nous avons édicté
des recommandations à destination de nos associations, des animateurs de nos
chantiers, pour qu’ils puissent mener à bien des actions qui permettent de
regrouper des personnes, en toute sécurité, autour de la restauration du
patrimoine, mais aussi pour porter une action sociale éducative » a raconté
Olivier Lenoir.
Les bénévoles ont répondu à l’appel. Certains chantiers ont
donc pu reprendre. Les associations ont dû cependant adapter leurs processus de
recrutement : plutôt que de recruter des bénévoles étrangers, qui ne pouvaient
pas se rendre en France pour participer aux chantiers, elles ont organisé des
recrutements plus locaux.
C’est le point positif de la crise, selon le président de
l’Union : les populations de proximité se sont mobilisées plus fortement autour
de leur propre patrimoine. « C’est un
enjeu important pour nous, faire société autour de l’élément du patrimoine qui
fait sens dans notre territoire, dans notre village, dans notre région »
a-t-il déclaré.
La vice-présidente de Patrimoine-Environnement a quant à elle profité de
la tenue de ce Salon virtuel pour annoncer le lancement de la 16e édition du concours national des
entrées
de ville, preuve que l’avenir n’est pas totalement sombre.
Elle a également promis que les associations allaient « plus que jamais
se mobiliser aux côtés des élus pour revitaliser les territoires, pour faire
revivre les savoir-faire, pour permettre aux métiers d’art de continuer à vivre
et de nous enchanter ».
Olivier de Rohan a acquiescé. Pour lui cependant, cela ne pourra se faire
qu’avec l’aide de nombreux bénévoles : « Nous avons désespérément
besoin de bénévoles, parce que plus nous serons nombreux, mieux nous saurons ce
nous voudrons faire, et plus nous serons aidés à le faire bien » a-t-il
assuré.
Pour Gilles Alglave, la crise sanitaire n’a pas que des aspects négatifs.
Ce dernier se réjouit du fait que beaucoup de citadins envisagent aujourd’hui
de quitter la ville pour aller travailler dans des zones rurales où le cadre de
vie est plus propice.
« La ruralité aujourd’hui c’est un capital qu’il faut faire fructifier,
qu’il faut faire vivre » a-t-il soutenu.
Évidemment des choses sont à améliorer, notamment du côté du
patrimoine immatériel et des savoir-faire.
« L’Éducation
nationale ne considère pas comme une priorité de mettre sur pied, dans les
lycées du bâtiment, des formations aux métiers du bâti ancien, ou de la
restauration du bâti ancien » a-t-il regretté. Les savoir-faire pourraient
à terme disparaître. Maisons Paysannes de France souhaitent donc que les
formations qu’elle propose soient relayées par les élus.
De son côté, Alexandre Gluglaris s’est félicité de ce que la Fondation
du Patrimoine ait été entendue par le gouvernement cet été, dans le cadre d’un
projet de loi de finances rectificative. Cela a abouti à élargir le champ du
label de la Fondation. Comme le directeur des Affaires publiques l’a expliqué,
ce label est un dispositif qui permet aux propriétaires privés d’entreprendre
des travaux de restauration de leurs biens patrimoniaux (façades, toitures).
Avec l’élargissement de ce label, il est désormais possible d’appliquer
ce dispositif dans des communes jusqu’à 20 000 habitants, alors qu’il était
auparavant réservé aux communes de 2 000 à 20 000 habitants.
Pour Alexandre Gluglaris, ce label est un levier qui permet d’accélérer
la relance économique. Il faut donc inciter les collectivités territoriales à
le soutenir. Ces dernières peuvent le faire via des subventions.
Pour faire face à la crise, la Fondation du Patrimoine souhaite
également accélérer les chantiers publics. Pour cela, la Fondation collecte des
dons en faveur de projets publics ou associatifs, et lance régulièrement des
appels aux collectivités pour que celles-ci signent un partenariat avec elle.
Le directeur des Affaires publiques de la Fondation du Patrimoine a
aussi évoqué les actions que chaque citoyen peut faire au quotidien, à son
niveau, pour soutenir le patrimoine. Faire un don par exemple ou s’engager en
tant que bénévole : « toutes les bonnes
volontés sont les bienvenues, a-t-il certifié, il n’y a pas besoin d’être un spécialiste du patrimoine pour s’engager,
parce que ce que nous faisons c’est identifier des sites, c’est les
accompagner, c’est les valoriser, c’est faire de la communication ».
Enfin, Alexandre Giuglaris a rappelé que la Fondation du Patrimoine
soutenait la mission patrimoine en péril de Stéphane Bern. Cette mission
constitue une activité importante pour la Fondation, elle mobilise en effet de
nombreux salariés et bénévoles. Cette mission va continuer à se poursuivre,
mais pour qu’elle soit une réussite, il faut signaler des lieux en perdition :
« Vous pouvez vous rendre sur les sites
de la Fondation et de la mission pour identifier des sites et prévenir de leur
état de péril. Ce serait faire œuvre utile en faveur du patrimoine que de se
mobiliser dans le cadre de cette mission » a-t-il conclu.
Maria-Angélica Bailly