Qui n’a jamais secoué
une boule à neige pour voir ses flocons blancs tomber mollement sur la tour
Eiffel ou sur son lieu de vacances préféré ? Certains brevets d’invention
déposés au 19e siècle permettent de découvrir les origines de cet
objet passé du kitch au culte.
Selon la légende, un maître-verrier de Bayeux aurait créé le fameux objet-souvenir
pour soigner le mal du pays d’une belle lituanienne en enfermant de la neige
dans un globe en verre. Capturer les flocons devait rappeler à l’exilée les
paysages de son pays natal. Fantaisiste mais poétique, l’histoire laisse place
à une fiction qui nourrit l’imaginaire.
Quoi qu’il en soit, c’est en 1878 que la boule à neige est évoquée pour
la première fois. Le terme apparaît dans un rapport d’émissaires américains
venus visiter l’Exposition universelle de Paris. Ils y décrivent un « presse-papier
en verre soufflé abritant un bonhomme sous un parapluie. Retournez l’objet, et
il tombe à l’intérieur une poudre blanche imitant une tempête de neige ».
En revanche, pas un mot sur l’inventeur. Aucun brevet n’a été déposé.
Pourtant, les chionosphérophiles, collectionneurs de boules à neige, indiquent
que c’est l’œuvre d’un verrier parisien, un certain Pierre Boirre, directeur
d’une verrerie et cristallerie aux Lilas, près de Paris. L’objet serait donc
inspiré de ces fameux presse-papiers en verre contenant des inclusions
colorées.
Quelques unes des planches issues des brevets d’invention illustrant l’évolution
de la boule à neige depuis le milieu du 19e siècle
Un verrier
parisien à l’origine des deux premiers brevets
Pierre Boirre
dépose en effet deux brevets d’invention, en 1864 et 1867, dans lesquels il est
question non pas de boule à neige, mais de boule panoramique. Dans l’un d’eux,
il se déclare d’ailleurs « fabricant de boule panoramique ». à la lecture des
dossiers, il semble que ces boules, dites aussi « miroirs de jardins », soient
des sphères décoratives, en verre ou en cristal, contenant des fleurs ou des
fruits artificiels. N’y aurait-il qu’un pas entre la boule panoramique et la
boule à neige ?
Un autre
brevet d’invention, déposé en 1889 par un certain Pierre-Marie Dréville, fait
le lien avec les presse-papiers. Dréville se déclare « fabricant de presse-papier, boules de neige et autres » et son
invention porte sur un « perfectionnement
au presse-papier boule à effet de neige ». La même année, lors de
l’Exposition universelle de 1889, un autre verrier a l’idée d’insérer une tour
Eiffel dans l’une de ces boules, transformant l’objet en souvenir de
l’événement. L’idée géniale d’englober une scénette dans une boule en verre
enneigée donne ensuite une multitude de déclinaison.
Tout comme la
tour Eiffel, tout est prétexte à être enflaconné : monuments, paysages, sites
touristiques, personnages. Jusque dans les années 50, la mode ne faiblit pas :
chaque ville, chaque monument, chaque événement possède sa boule à son effigie.
Le développement des matières plastiques lui confère l’aspect qu’on lui connaît
aujourd’hui. La production devient abondante et diversifiée, mais de plus en
plus industrialisée et mondiale, au détriment d’une production locale et
artisanale.
À partir des
années 90, la boule intéresse les marques et les agences publicitaires pour
devenir un emblème institutionnel, un objet promotionnel voire même « collector
». Devenues intemporelles, les boules à neige séduisent aujourd’hui les plus
grands et deviennent ainsi un média de communication à part entière.
Steeve Gallizia,
Chargé de la valorisation des
archives patrimoniales de l’INPI