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Tous à l’eau !

Tous à l’eau !
Publié le 21/08/2020 à 17:26

En cette période estivale, l’INPI propose un tour d’horizon des matériels et appareils brevetés pour apprendre à nager au XIXe siècle.

Nager est une pratique commune et naturelle pour beaucoup de Français. Dès le premier âge, les enfants apprennent à nager avec leurs parents, à l’école, à la piscine ou à l’occasion de vacances à la mer. Mais la nage récréative ou sportive était peu pratiquée avant la création, au XIXe siècle, des premiers clubs de natation. Parmi près de 200 brevets d’invention déposés sur le sujet durant cette période, l’Institut national de la propriété industrielle a retrouvé d’ingénieux et novateurs exemples d’appareils et de systèmes inventés pour apprendre ou parfaire « l’art de nager ».

Au XIXe siècle, les fonctions allouées à la natation sont principalement utilitaires : militaire, hygiénique, thérapeutique mais aussi éducative. Il s’agit surtout à cette époque de former un physique de soldat. La nage chien, la nage grenouille, la planche et la nage sur le dos sont alors des techniques qui participent à la formation des militaires. Pour les aider, Paul Skipor dépose en 1847 des gants-nageoires : « Au moyen de cet auxiliaire multiple, un soldat tout équipé peut, sans danger de se noyer, traverser une rivière à la nage quand l’urgence du cas l’ordonne ». « Ce genre de sauve-conduit peut rendre d’imminents services au militaire en général et à la marine ». L’inventeur explique en quoi son innovation marque un tournant : « Tous les appareils inventés jusqu’ici pour soutenir l’homme à la surface de l’eau présentaient deux graves inconvénients : celui d’être fixés au corps et celui d’être trop volumineux. J’ai longtemps songé au moyen de les éviter et pour cet effet, je n’ai consulté que la nature des êtres palmipèdes. La faculté qu’ont ces oiseaux de se mouvoir sur les eaux fut le point de départ de mes observations et me suggéra l’heureuse idée d’en faire l’application à l’homme. Mes gants-nageoires, lorsque la main est ouverte et les doigts écartés, offrent exactement l’aspect des pattes d’oies [et] la séparation des doigts présente une surface plus que double de celle qu’ont les mains nues de l’homme. La capacité et les ressources de ces gants-nageoires sont encore palpables aux yeux des amateurs et des plongeurs car, à l’aide d’un tour de main conforme à l’idée de l’homme, il peut d’emblée se précipiter vers le fond de l’eau et avec la vitesse d’un trait remonter vers sa surface ». « La fabrication des gants se fait avec une substance dite kaoutchouk, laquelle par sa nature dispensant de toute couture […] rend l’objet comme fait d’une pièce ».

Quelques années plus tard, Alexandre-François Allain reprend l’idée de ces gants de natation et complète l’équipement de deux nageoires s’adaptant aux bras, d’une ceinture et de deux jambières faites de bois et de liège. Au vu de cet attirail, c’est à se demander s’il n’entrave pas plus le nageur qu’il ne l’aide... Il en est de même avec « la Syrène », un appareil de natation breveté par Paul-Ivanovitch Osokin en 1894. Il est composé d’un « appareil dorsal rétroactif, d’un parachute nageoire et d’un disque d’accélération » ! Le tout en double et fixé sur les bras et les jambes, à droite et à gauche. En y regardant de plus près, le système consiste à faire aller et venir un parachute, « en soie, en toile, ou tout autre tissu », le long du corps, en fonction des mouvements exercés par le nageur. Le parachute se ferme lorsqu’il replie les jambes, et la résistance de l’eau le fait se gonfler lorsqu’il les déplie. L’inventeur indique que le parachute « présente un point d’appui suffisant, non seulement pour le soutenir, les bras libres, à la surface de l’eau, mais encore pour l’avancer avec une vitesse relativement considérable ». Un « disque d’accélération » complète le système en « s’attachant au pied du nageur et [en] servant à augmenter la course et la vitesse du parachute ».

La pratique de la natation se développe peu à peu au cours du XIXe siècle. Sa diffusion se fait surtout dans les pays anglo-saxons, notamment en Angleterre qui possède déjà des piscines couvertes et chauffées à Londres. Dès 1837, les premières compétitions sportives sont organisées par la « National Swimming Association ». Ce n’est toutefois pas en Angleterre, mais en Australie, qu’est organisé le premier championnat moderne. Mais nager n’est pas donné à tout le monde, et en 1899, Charles de Tricornot de Rose rappelle la dangerosité d’une telle pratique : « La natation, naturelle chez la plupart des animaux, est, chez l’homme, l’objet d’un apprentissage long et dangereux. Cet exercice est cependant des plus hygiéniques et possède au plus haut degré le don de développer les muscles du nageur. Malheureusement, la constitution physique de l’homme ne lui permet pas de se maintenir longtemps sur l’eau ni d’y effectuer de longs parcours. En outre, à la moindre défaillance, la vie du nageur est en danger ». Tricornot de Rose brevète alors « l’amphibie », un appareil immergé et articulé auquel le nageur s’attache à l’aide de sangles. Ainsi harnaché et muni d’un gilet de liège lui entourant le thorax, il peut manœuvrer en effectuant ses mouvements sans danger de se noyer.

Aux premiers Jeux olympiques de l’ère moderne, à Athènes, en 1896, trois épreuves de natation sont au programme et se déroulent en mer : 100, 500et 1200 mètres. En France, c’est au Havre que le premier club spécialisé dans la pratique de la natation sportive est créé : la Société des Nageurs du Havre. D’autres suivent, à Lille puis à Paris, en 1898. La Fédération française de natation est créée en 1920. Aujourd’hui, l’école prend également en charge l’enseignement de la natation, devenu obligatoire : apprendre à nager à tous les élèves est une priorité nationale, inscrite dans le socle commun de connaissances et de compétences, précise une circulaire de l’Éducation nationale. Depuis 2015, une attestation « savoir-nager » est même délivrée aux élèves, une fois le passage de plusieurs acquis. Mais heureusement, une planche et une frite suffissent désormais à apprendre à nager en toute sécurité.

Steeve Gallizia,

Chargé de la valorisation des archives patrimoniales de l’INPI

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