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Entretien avec Jean-Luc Flabeau, président de la CRCC de Paris - « Ce n’est pas la réforme dont la profession a besoin »

Entretien avec Jean-Luc Flabeau, président de la CRCC de Paris - « Ce n’est pas la réforme dont la profession a besoin »
Publié le 27/09/2016 à 11:24

Avec 3 000 CAC (soit plus de 20 % environ des 13 500 auditeurs de France), 26 élus et une dizaine de permanents, la Compagnie Régionale des Commissaires aux Comptes de Paris, dont le ressort correspond à celui de la Cour d’appel de Paris, est la plus importante de France. Pour les lecteurs du Journal Spécial des Sociétés, Jean-Luc Flabeau, qui est aussi président de Fideliance, revient sur les Universités d’été de la profession comptable francilienne et sur la réforme européenne de l’audit.


Depuis quand la profession de CAC n’avait pas été réformée ?

La dernière réforme de cette ampleur date de 2003, elle intervient deux ans après le scandale Enron : c’est la Loi de Sécurité Financière (LSF). Elle a introduit le régulateur H3C, c’est l’acte 1 en quelque sorte. L’acte 2 c’est la réforme de l’audit, avec un régulateur encore plus fort au détriment de la compagnie nationale et des compagnies régionales. Avant 2003, il y avait une autorégulation de la profession, entre 2003 et maintenant il y avait une régulation partagée entre le H3C, les compagnies régionales et la compagnie nationale. Après la réforme, on va avoir une régulation quasiment complète du H3C de la profession. Il n’y aura même plus de CAC en exercice dans le collège du H3C. Parmi les douze membres qu’il compte, seuls deux seront d’anciens professionnels qui devront avoir quitté la profession depuis au moins 3 ans.


En quoi la modernisation de la profession est-elle nécessaire ?

Aujourd’hui, au niveau des entreprises et de l’économie en général, on a des business model, qui ont énormément changé. Cela a complexifié le rôle de l’auditeur, parce que la matière est plus difficile à analyser et comprendre. On a donc besoin d’une réforme pour que les CAC soient mieux adaptés. Le problème c’est que jusqu’alors les réformes naissent après des crises. Elles naissent donc de la défiance. Le meilleur exemple est celui des subprimes en 2008. Finalement, c’est par une crise de confiance que la réforme de l’audit est née dans l’esprit de certains. Avoir un contrôle des commissaires aux comptes ce n’est pas là l’essentiel. Il n’y a pas eu de réflexion sur la modernisation de la mission, c’est dommage. Il nous fallait davantage une réforme au service des entreprises et pour les commissaires aux comptes que celle qu’on connaît aujourd’hui.

À chaque fois qu’il y a une crise majeure, il y a un tour de vis. Ça va devenir compliqué parce qu’on sait que des crises il y en aura d’autres…


 La rotation des cabinets, dont l’objectif est de déconcentrer le marché, sera-t-elle efficace d’après vous ?

L’effet va être complètement inverse. La rotation des cabinets ne concerne que les mandats EIP, sur lesquels, en France, il y avait déjà la rotation des associés. Donc demain, il va y avoir la rotation des associés et la rotation des cabinets. Le problème c’est que les seuls qui auront la structuration nécessaire pour pouvoir accepter ce type de mandat, ce sont les cabinets de taille importante. Dans la sphère EIP, il y aura une concentration très forte et même une accélération de la concentration. C’est certain, tout le monde est d’accord là-dessus. En revanche, la concentration du marché sera moins rapide en ce qui concerne les mandats non EIP, mais le mouvement sera là.


Y-a-t-il des éléments que la réforme de l’audit aurait dû traiter mais qu’elle n’a pas fait ?

Là où la réforme n’a pas été assez loin, mais où elle ouvre une porte, c’est sur toute la partie proportionnalité de l’audit. Il faut distinguer ce qui a été décidé au niveau européen et ce qui a été appliqué en France. Au niveau européen, la réforme ne comporte pas que des points négatifs. À mon sens deux sont positifs : la reconnaissance du co-commissariat aux comptes qui est une spécialité française et la notion de proportionnalité. Concrètement, ça veut dire que pour le mandat d’une société importante et pour celui d’une PME, règles et démarches d’audit ne doivent pas être les mêmes. C’est très important parce que plus nous adapterons nos missions, plus elles seront utiles aux entreprises et comprises par leurs dirigeants. C’est par ce moyen là que l’on pourra mieux défendre l’audit légal dans les PME en France. Parce qu’aujourd’hui, dans notre pays, l’audit légal a des seuils plus bas que dans beaucoup de pays européens. Si nous n’avançons pas assez vite sur la proportionnalité de nos missions, avec l’écriture d’une véritable norme PME, les seuils d’intervention des commissaires aux comptes dans ces PME pourraient être revus à la hausse. On pourrait perdre beaucoup d’audits légaux dans les PME.


Que va changer la réforme européenne de l’audit sur les compétences des CRCC et de la CNCC ?

Le H3C va contrôler quasiment tous les domaines de la profession. Il restera, aux CRCC et à la CNCC, seulement trois conventions de délégation (possibilité pour la compagnie nationale d’agir pour le compte du H3C) : l’inscription des CAC, le contrôle qualité et la formation. Sur la partie enquête et sanction, les modifications vont être importantes. Les nouvelles sanctions financières inquiètent les professionnels. Ces conventions sont en cours d’écriture. On ne connaît pas encore exactement leur contenu.


Vous avez fait le choix, pour la plénière de vos Universités d’été, du thème de la confiance. Comment les CAC peuvent-il aider les entreprises à la développer alors que le conseil est interdit ?

Les CAC sont des fournisseurs de confiance c’est inhérent à notre profession. Mais de la part des pouvoirs publics on connaît une véritable défiance. C’est d’autant plus incompréhensible que la France est un bon élève européen en matière d’audit et qu’il n’y a pas eu de scandale financier récent. Il faut que les pouvoirs publics redonnent de la confiance à la profession. (...)

 Propos recueillis par Victor Bretonnier



Retrouvez la suite de cet entretien dans le Journal Spécial des Sociétés n° 72 du 24 septembre 2016

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