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« Le souci majeur des années à venir réside dans le remboursement des dettes contractées au cours de cette crise » - 3 questions à Thierry Bacquet, président du CIP Île-de-France

« Le souci majeur des années à venir réside dans le remboursement des dettes contractées au cours de cette crise » - 3 questions à Thierry Bacquet, président du CIP Île-de-France
Publié le 22/06/2021 à 15:06

Afin de mieux accompagner les entreprises dans la reprise de leur activité, les Centres d’Information sur la Prévention des difficultés des entreprises (CIP) 75, 77, 78, 91, 92, 93 et 94 se sont réunis pour former le CIP Île-de-France. Rencontre avec son président, l’expert-comptable Thierry Bacquet.

 

 

Les CIP 75, 77, 78, 91, 92, 93 et 94 se sont réunis pour former le CIP Île-de-France. Pourquoi cette création régionale ?

La création du Centre d’Information sur la Prévention des difficultés des entreprises d’Île-de-France est surtout née d’une association stratégique : en nous ralliant sous une même entité, cela nous permet de communiquer de manière plus efficace et de présenter un interlocuteur unique à nos partenaires. Cette union facilite également les échanges auprès de la Région, qui a mis en place une plateforme de données et de services publics et privés, Smart Services, sur laquelle nous figurons. En parallèle, nous développons des partenariats avec le Medef, ou encore avec l’Urssaf. Le but de cette communication et de ce positionnement unique auprès de partenaires vise à nous permettre de mieux accompagner les chefs d’entreprise, notamment face aux difficultés à venir avec la reprise de l’activité et la relance de l’économie.

 

 

Comment les dirigeants d’IDF supportent-ils la crise sanitaire ? Et quel est le rôle spécifique du CIP dans ce contexte ?

Depuis le début de la crise sanitaire, c’est près d’un millier de chefs d’entreprise qui se sont adressés à nous et ont fait appel aux différents CIP de la région Île-de-France. Ce chiffre est cependant relativement bas par rapport à notre activité habituelle. Les entreprises sont aujourd’hui surtout en attente : avec les aides de l’État, il est compliqué pour un chef d’entreprise de faire seul le point sur les difficultés à venir. Certaines ont déjà consommé leur Prêt Garanti par l’État (PGE), elles se sont appuyées sur le fonds de solidarité, le chômage partiel… La plupart des demandes que nous avons reçues depuis un an maintenant portaient d’ailleurs sur les aides publiques et privées. Aujourd’hui, les dirigeants d’entreprises sont en attente, ils tentent d’évaluer la situation, en espérant que la reprise sera au rendez-vous.


 

 

"L’ensemble des aides de l’État auront permis de préserver le tissu économique français, mais les changements au sein des entreprises doivent se poursuivre, ou une vague de faillites serait inévitable dans les années à venir."

 

 


 

Le rôle du CIP, essentiel face à la crise, est de proposer un rendez-vous gratuit et confidentiel avec un trio d’experts (avocat, expert-comptable ou commissaire aux comptes et ancien juge du tribunal de commerce). Lors de ces « Entretiens du Jeudi » comme on les appelle, nous les accompagnons en apportant un regard externe sur leur santé financière, en les aidant à faire le point sur leur situation, pour mieux les orienter en fonction de leurs difficultés. Nous avons également un rôle d’accompagnement psychologique : nos bénévoles sont formés, avec APESA (Aide Psychologique pour les Entrepreneurs en Souffrance psychologique Aigüe), à la détection de la détresse psychologique. Nous sommes ainsi en mesure de les orienter ensuite pour prendre rendez-vous avec un psychologue, là-aussi, de façon gratuite.

 

 

Les chiffres laissent craindre un éclatement de la « bulle » dans laquelle ont été placées jusqu’ici les entreprises, avec l’arrivée d’une vague de faillites. Qu’en pensez-vous ?  

Malgré des résultats plutôt bénéficiaires dans les secteurs les plus affectés par la crise, nous relevons une hausse très significative et générale du niveau d’endettement des entreprises. Cela n’affecte pas la performance immédiate, mais affectera les performances à venir. C’est pourquoi les dirigeants doivent impérativement prendre les mesures nécessaires à la continuité de leur exploitation sur le moyen terme. Le souci majeur des années à venir réside dans le remboursement des dettes contractées au cours de cette crise, ce que nous pouvons appeler la « bulle ». Pour cela, l’accompagnement des dirigeants par leurs conseils, que sont les avocats et les experts-comptables, sera primordial.

Nous constatons une réelle transition dans les méthodes d’échanges, de travail et de déplacement, ce qui va bouleverser une majorité des modèles économiques. Il est essentiel que l’ensemble des dirigeants et salariés œuvrent à la transformation de leur structure et organisation afin de s’adapter au nouvel environnement économique qui se dessine. Par ailleurs, les habitudes prises au cours de cette crise sanitaire, notamment avec la mise en place du télétravail généralisé, ont conduit certains salariés à revoir leur mode de vie. De cela, découle la création de petites structures qui auront besoin d’un accompagnement plus individualisé.

L’ensemble des aides de l’État auront permis de préserver le tissu économique français, mais les changements au sein des entreprises doivent se poursuivre, ou une vague de faillites serait inévitable dans les années à venir.  Si les entreprises ne réagissent pas au changement des modes de travail et de la société, l’intensité de cette vague de faillites n’en sera qu’accentuée. Concernant les Prêts Garantis par l’État et les reports de charges, nous pensons qu’ils affecteront la structure financière des entreprises, ce qui limitera le niveau d’investissement nécessaire au redémarrage de l’activité. Les banques devront jouer un rôle clé dans le financement des années à venir pour ces entreprises. Les modèles d’évaluation actuellement utilisés par l’ensemble des acteurs financiers devront alors être profondément révisés.

 

Propos recueillis par Constance Périn

 

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