Afin de mieux accompagner les entreprises dans la reprise de leur
activité, les Centres d’Information sur la Prévention des difficultés des
entreprises (CIP) 75, 77, 78, 91, 92, 93 et 94 se sont réunis pour former le
CIP Île-de-France. Rencontre avec son président, l’expert-comptable Thierry
Bacquet.
Les CIP 75,
77, 78, 91, 92, 93 et 94 se sont réunis pour former le CIP Île-de-France.
Pourquoi cette création régionale ?
La création du Centre
d’Information sur la Prévention des difficultés des entreprises d’Île-de-France
est surtout née d’une association stratégique : en nous ralliant sous une
même entité, cela nous permet de communiquer de manière plus efficace et de
présenter un interlocuteur unique à nos partenaires. Cette union facilite
également les échanges auprès de la Région, qui a mis en place une plateforme
de données et de services publics et privés, Smart Services, sur laquelle nous
figurons. En parallèle, nous développons des partenariats avec le Medef, ou
encore avec l’Urssaf. Le but de cette communication et de ce positionnement
unique auprès de partenaires vise à nous permettre de mieux accompagner les
chefs d’entreprise, notamment face aux difficultés à venir avec la reprise de
l’activité et la relance de l’économie.
Comment les
dirigeants d’IDF supportent-ils la crise sanitaire ? Et quel est le rôle
spécifique du CIP dans ce contexte ?
Depuis le
début de la crise sanitaire, c’est près d’un millier de chefs d’entreprise qui
se sont adressés à nous et ont fait appel aux différents CIP de la région
Île-de-France. Ce chiffre est cependant relativement bas par rapport à notre
activité habituelle. Les entreprises sont aujourd’hui surtout en attente :
avec les aides de l’État, il est compliqué pour un chef d’entreprise de faire
seul le point sur les difficultés à venir. Certaines ont déjà consommé leur
Prêt Garanti par l’État (PGE), elles se sont appuyées sur le fonds de
solidarité, le chômage partiel… La plupart des demandes que nous avons reçues
depuis un an maintenant portaient d’ailleurs sur les aides publiques et
privées. Aujourd’hui, les dirigeants d’entreprises sont en attente, ils tentent
d’évaluer la situation, en espérant que la reprise sera au rendez-vous.
"L’ensemble des aides de l’État auront permis de préserver
le tissu économique français, mais les changements au sein des entreprises
doivent se poursuivre, ou une vague de faillites serait inévitable dans les
années à venir."
Le rôle du CIP, essentiel face à
la crise, est de proposer un rendez-vous gratuit et confidentiel avec un trio
d’experts (avocat, expert-comptable ou commissaire aux comptes et ancien juge
du tribunal de commerce). Lors de ces « Entretiens du Jeudi » comme
on les appelle, nous les accompagnons en apportant un regard externe sur leur
santé financière, en les aidant à faire le point sur leur situation, pour mieux
les orienter en fonction de leurs difficultés. Nous avons également un rôle
d’accompagnement psychologique : nos bénévoles sont formés, avec APESA
(Aide Psychologique pour les Entrepreneurs en Souffrance psychologique Aigüe),
à la détection de la détresse psychologique. Nous sommes ainsi en mesure de les
orienter ensuite pour prendre rendez-vous avec un psychologue, là-aussi, de
façon gratuite.
Les chiffres
laissent craindre un éclatement de la « bulle » dans laquelle ont été
placées jusqu’ici les entreprises, avec l’arrivée d’une vague de faillites.
Qu’en pensez-vous ?
Malgré des
résultats plutôt bénéficiaires dans les secteurs les plus affectés par la
crise, nous relevons une hausse très significative et générale du niveau
d’endettement des entreprises. Cela n’affecte pas la performance immédiate,
mais affectera les performances à venir. C’est pourquoi les dirigeants doivent
impérativement prendre les mesures nécessaires à la continuité de leur
exploitation sur le moyen terme. Le souci majeur des années à venir réside dans
le remboursement des dettes contractées au cours de cette crise, ce que nous
pouvons appeler la « bulle ». Pour cela, l’accompagnement des
dirigeants par leurs conseils, que sont les avocats et les experts-comptables,
sera primordial.
Nous
constatons une réelle transition dans les méthodes d’échanges, de travail et de
déplacement, ce qui va bouleverser une majorité des modèles économiques. Il est
essentiel que l’ensemble des dirigeants et salariés œuvrent à la transformation
de leur structure et organisation afin de s’adapter au nouvel environnement
économique qui se dessine. Par ailleurs, les habitudes prises au cours de cette
crise sanitaire, notamment avec la mise en place du télétravail généralisé, ont
conduit certains salariés à revoir leur mode de vie. De cela, découle la
création de petites structures qui auront besoin d’un accompagnement plus
individualisé.
L’ensemble
des aides de l’État auront permis de préserver le tissu économique français,
mais les changements au sein des entreprises doivent se poursuivre, ou une
vague de faillites serait inévitable dans les années à venir. Si les entreprises ne réagissent pas au
changement des modes de travail et de la société, l’intensité de cette vague de
faillites n’en sera qu’accentuée. Concernant les Prêts Garantis par l’État et
les reports de charges, nous pensons qu’ils affecteront la structure financière
des entreprises, ce qui limitera le niveau d’investissement nécessaire au
redémarrage de l’activité. Les banques devront jouer un rôle clé dans le
financement des années à venir pour ces entreprises. Les modèles d’évaluation
actuellement utilisés par l’ensemble des acteurs financiers devront alors être
profondément révisés.
Propos
recueillis par Constance Périn