Une résolution adoptée le 30
avril par le conseil de l’Ordre recommande de ne pas porter de rubans de
couleurs de la Légion d’honneur ou du Mérite national hors audience solennelle,
afin de conserver une égalité et une neutralité entre confrères et consœurs.
Au barreau de Paris, les
décorations sur les robes d’avocats pourraient bien se faire plus rares. Si
« la robe est un symbole d’égalité entre tous ceux qui ont prêté
serment », et que son « unicité n’est discutée par personne »,
le Conseil de l’ordre parisien estime pourtant que « les décorations
viennent la mettre à mal ».
C’est pourquoi le 30 avril
dernier, lors de sa séance, le conseil a adopté une résolution recommandant de
ne pas porter de décorations (Légion d’honneur ou Mérite national) sur la robe
hors audience solennelle, et ce « dans un soucis d’égalité et de
neutralité » est-il résumé en début de rapport portant cette
recommandation.
Une préconisation et « non
une interdiction »
Il est néanmoins précisé qu’il
s’agit bien là que d’une préconisation et « non d’une interdiction
d’affichage de ces rubans de couleurs au plastron de la robe noire des avocats
parisiens », la Cour de cassation ayant déjà statué auparavant et autorisant
de fait le port de telles distinctions.
En effet, saisie après l’annulation
par la cour d’appel de Toulouse d’une
prohibition par le conseil ordinal de porter des décorations sur la robe, la
plus haute juridiction de l’ordre judiciaire avait décidé, dans un arrêt du 24
octobre 2018, de donner raison à ladite cour d’appel.
Au regard du
Code de la légion d’honneur et de la médaille militaire, la Cour de cassation avait
jugé que
« lorsqu’un avocat porte sur sa robe professionnelle les insignes
des distinctions qu’il a reçues, aucune rupture d’égalité entre les avocats
n’est constituée, non plus qu’aucune violation des principes essentiels de la
profession ».
Les avocats partagés sur
cette recommandation ordinale
Bien que non obligatoire,
cette préconisation du conseil ordinal n’est toutefois pas au goût de tous, à l’instar
de l’ancien membre du Conseil de l’Ordre Rémi-Pierre Drai, qui a
sarcastiquement réagi sur LinkedIn : « Supprimons alors aussi
l’épitoge herminée qui distingue les avocats de base parisiens de leurs
confrères de province, des membres du conseil de l’ordre et des secrétaires de
la conférence. Personnellement je trouve cela ridicule. Comme s’il fallait
faire table rase du passé. »
Certains suggèrent par provocation
que cette restriction s’impose également aux magistrats, quand d’autres encore regrettent
la disparition de Jacques Verger qui se « serait peut-être battu pour
pouvoir continuer à porter au quotidien sa médaille de l’ordre du Mono »,
se demandent si les membres du conseil ordinal n’ont « rien de mieux à
faire », ou estiment cette recommandation « tout simplement
infondée ».
Mais face aux détracteurs se
dressent aussi ceux qui voient là une « belle initiative », à
l’instar d’une avocate du barreau de Brest : « Symbole d'égalité,
certes, mais surtout symbole d'humilité, qui devrait nous habiter un peu plus
souvent », et d’un avocat pénaliste selon qui cette décision devrait
concerner l’intégralité des acteurs judicaires.
Loin de plaire à tous ces
professionnels, la recommandation rejoint tout de même l’obligation introduite par le barreau de Paris en
2015 dans son règlement intérieur d’interdire le port de
« signes manifestant ostensiblement une appartenance religieuse,
communautaire ou politique ». Une obligation généralisée à l’ensemble
de la profession par le Conseil national des barreaux en
septembre 2023, interdisant strictement le port de tout signe distinctif, et
venant modifier le Règlement intérieur national de la profession d’avocat avec
l’ajout d’un article 1.3 bis intitulé « Port du costume de la
profession ».
Allison
Vaslin