Alors que des discussions
devaient s’engager en faveur d’un débat sur la gouvernance du Conseil national
des barreaux, un sondage de dernière minute au sein du bureau a fini d’enterrer
le sujet. La « goutte de trop » pour Pierre Hoffman.
C’est décidé, désormais, ce
sera sans lui. Dans une interview exclusive publiée jeudi dernier par Le
Point, le bâtonnier de Paris Pierre Hoffman pèse ses mots : il ne
remettra plus les pieds au Conseil national des barreaux.
Une décision radicale qui
résiderait dans une succession de déconvenues et de déceptions, confirme le
barreau, contacté par le JSS.
La gouvernance du CNB en
question
Tout commence avec une
volonté du bâtonnier fraichement installé, le 1er janvier 2024, et
avec l’appui d’anciens bâtonniers et de certains avocats, de mettre sur la
table le sujet de la gouvernance du CNB.
Objectif : discuter de
la représentativité au sein de l’institution, alors que le barreau de Paris,
qui regroupe près de la moitié des avocats français, réaliserait 70 % du
chiffre d’affaires de la profession et contribuerait à près de la moitié du
budget annuel du CNB, estime que ses intérêts ne sont pas suffisamment pris en
compte lors des assemblées générales de l’institution. Mais aussi redéfinir les
contours de l’organisation nationale et recentrer ses missions sur les
préoccupations jugées « quotidiennes » de la profession.
Dans la foulée, en mars 2024,
le professeur Christophe Jamin est mandaté par le Conseil de l’ordre de Paris
pour dresser un état des lieux de la gouvernance du CNB, sorte d’audit de ses
missions.
Des espoirs du côté du
barreau
Le rapport choc est présenté
au Conseil de l’Ordre en novembre 2024. Selon cet état des lieux, l’institution
se serait transformée en « prestataire de services » et porterait « l’essentiel
de son attention sur les questions d’accès au droit et de promotion d’une
certaine conception de l’État de droit ». Une « mutation » du rôle
exercé par le Conseil national des barreaux qui aurait « tendance à
privilégier (...) les intérêts d’un barreau social, au détriment d’une
conception plus libérale de la profession ».
Le professeur Jamin y formule
une série de mesures, parmi lesquelles insuffler plus de démocratie directe, et
privilégier le sujet des avocats. Des mesures que le barreau estimait alors « concrètes
et réalistes, applicables rapidement ».
Dans une interview, la
présidente du CNB Julie Couturier se dit alors favorable pour engager des
discussions sur ces sujets. D’autant que quelques mois plus tôt, en juin 2024,
une Grande consultation a été lancée pour demander aux avocats quels étaient,
selon eux, les chantiers prioritaires. Au sein du barreau de Paris, l’espoir est
permis.
Le bureau du CNB propose
également au Conseil de l’ordre parisien, qui a voté en décembre une série de
propositions pour réformer le CNB, de débattre de ces mesures, avant de voter
le 23 mai 2025 en AG le principe de discussion de la gouvernance.
« Le sujet a été
enterré »
Mais le 3 juin, à l’issue
d’une réunion, le bureau prend la décision de réaliser un sondage, au sein des
membres de l’AG, sur les chantiers prioritaires repris de la Grande
consultation ; ce, « malgré le vote du 23 mai ». Au terme
de ce vote, il ressort que la gouvernance n’est finalement pas au titre des
priorités et ne sera donc jamais discutée.
Pour le bâtonnier de Paris,
c’est la douche froide. « On a attendu tout ce temps pour pouvoir au
moins discuter du sujet, même si l’issue n’était pas favorable. Et au final, le
sujet a été enterré », fustige-t-on du côté du barreau.
De quoi motiver Pierre
Hoffmann à boycotter, à l’avenir, les assemblées générales de l’organisation
nationale. Une décision qui, toutefois, n’engage que lui, les autres membres
ordinaux parisiens étant libres de s’y rendre, aucune contre-indication n’ayant
été donnée de sa part.
Si pour le bâtonnier c’est « la
goutte de trop » - après le sujet du legal privilege, notamment
-, il poursuivra tout de même l’ensemble des travaux pour la profession, assure le
barreau.
Allison
Vaslin