Le conseil départemental a
adopté, lundi 3 février, son budget primitif pour l’année à venir. Face à une
baisse de recettes importante, la majorité prône des économies indispensables,
qu’elle est allée chercher dans toutes les strates de ses compétences. Ce
budget, qualifié de « tsunami » par l’opposition de gauche, suscite
de vifs débats, alors que la situation financière des départements français
continue de se fragiliser.
Des choix drastiques. Cette
année, l’élaboration du budget primitif 2025 a été contrainte par des « difficultés
budgétaires majeures liées à la structure même de financement de tous les départements
et des chocs externes particulièrement forts en Essonne », justifie
François Durovray, président (LR) du Département, en amont de l’assemblée de ce
3 février 2025.
« 40 millions d’euros
d’économies à réaliser » : c’est ce chiffre qui a guidé les élus
dans l’élaboration de leurs choix budgétaires. Un montant qui devrait permettre
de « préserver un service public de qualité tout en continuant de
préparer l’avenir. Le conseil départemental assume ainsi sa responsabilité
envers le territoire et ses partenaires, en leur donnant la visibilité
nécessaire pour leur action au quotidien ».
Collèges, petite enfance,
prévention spécialisée, seniors, culture, sport… De nombreux dispositifs, services
publics et compétences du département ont vu leur enveloppe diminuer, voire
disparaître pour les facultatives. Citons la disparition du festival RTL 2
Essonne en scène, la fermeture de l’agence Essonne développement, la fin de la prise
en charge de la téléassistance pour les personnes âgées ou encore la réduction
de moitié des subventions aux associations les plus importantes du territoire.
Les chantiers des collèges ont
été reportés : à 2026 pour celui de Fleury-Mérogis et sine die pour
celui de Gif-sur-Yvette. En bref, le conseil départemental a voté 35 « mesures
fortes » qui doivent permettre à la collectivité de « préserver
l’essentiel » et de ne garder que les dépenses obligatoires,
appliquées au strict minimum. Un « sursaut » en 2025 pour
« s’en sortir » en 2026, défendent les élus essonniens.
Des difficultés budgétaires
liées à des chocs externes
Comme tous les départements
et plus particulièrement ceux d’Ile-de-France, l’Essonne traverse des
difficultés financières « sans précédent », déplore la
majorité : en première ligne, la crise de l’immobilier et la baisse des
recettes liées aux droits de mutation à titre onéreux (DMTO), qui a participé,
depuis 2022, à la chute de 200 millions d’euros de recettes.
« Plus durement
frappée » que ses voisins, l’Essonne est aussi confrontée à une « très forte
hausse de ses dépenses sociales obligatoires, de l’ordre de 150 millions
d’euros entre 2022 et 2025 » ; d’autre part, l’Etat a plus
fortement réduit ses dotations – 50 % pour la dotation générale de
fonctionnement entre 2015 et 2023, soit, à l’heure actuelle, 60 euros par
habitant.
En 2015, la majorité nouvellement
élue avait fortement communiqué sur la dette « très élevée »
dont elle disait avoir hérité de la précédente ; dette qui a depuis été « réduite
de 200 millions d’euros, tout en augmentant considérablement l’investissement
au service du territoire – mais qui contraint toujours ». François
Durovray poursuit : « Les marges de manœuvre sont très faibles,
puisque la part des dépenses (…) a déjà été considérablement réduite, de 8 % en
2015, elle ne s’élève plus qu’à 4 % de son budget total – contre 20 % dans un département
comme les Yvelines – et que les départements ne disposent plus de fiscalité ».
Des efforts compensés par les
communes ?
« Auparavant, des
leviers étaient possibles. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, lance Nicolas
Samsoen (UDI), vice-président du conseil départemental en charge des finances
et de l’efficacité des politiques publiques. Nous faisons toujours partie
des départements les plus endettés et nous ne pouvons pas, juridiquement,
dépenser plus ».
Modulation des dépenses
obligatoires, baisse de l’investissement (de 100 millions d’euros), coupes dans
la gestion du quotidien (certains départs à la retraite ne seront pas
remplacés, des postes supprimés, par exemple) : ce n’est « pas de
gaieté de cœur » que ces choix ont été faits, assure-t-on. Mais
« plus de 80 % de nos engagements pris devant les Essonniens aux
dernières élections départementales sont déjà tenus ou en cours de réalisation.
Nous continuerons de les mettre en œuvre », fait valoir François Durovray,
décrivant un budget « contraint » mais « utile aux
habitants », tout en balayant les « postures » des opposants.
Avec cet argument comme exemple
phare, avancé par Nicolas Samsoen : « La priorité, ce sont les
dépenses sociales, l’aide aux personnes âgées, aux personnes en situation de
handicap, à l’enfance en danger… Nous augmentons ces dépenses de 32
millions d’euros, alors qu’au total, nos dépenses n’augmentent que de
15 millions d’euros. » Par ailleurs, la majorité dit réaffirmer
« son soutien » au SDIS, aux communes et EPCI, et à
l’apprentissage de la citoyenneté.
Tous dans le même
bateau ? Lors d’une séance très tendue (conclue par le brusque départ de
plusieurs élus de gauche, en réaction aux propos du vice-président Alexandre
Touzet, comparant leurs interventions à « un débat entre racailles »),
l’opposition départementale a regretté le manque de transparence de la
majorité, « seule à la barre » d’un vaisseau dont elle aurait
pris les commandes sans l’avis des Essonniens et sans prendre en compte les
amendements et les propositions d’en face pour répondre à ce besoin d’efforts
budgétaires.
Des mesures qui « auraient
évité de faire de nos politiques de solidarités la variable d’ajustement du
budget départemental qui ubérise des pans entiers de la politique sociale ».
« Si c’est vrai que l’Etat fait porter aux collectivités des efforts
qui se reportent sur les habitants, argumente Olivier Thomas, conseiller
départemental (DVG) du canton des Ulis, vous faites la même chose vis-à-vis
des communes ! » Communes qui vont devoir prendre à leur charge
la prévention spécialisée, les manquements de la protection de l’enfance et
l’aménagement du territoire, déplore le groupe Naturellement Essonne (14 élus).
« Face à cette casse
des services publics, notre département sera moins attractif ;
ne vous plaignez pas ensuite de la baisse des DMTO ! Vous sciez la branche
sur laquelle tous les Essonniens sont assis », se désole Olivier
Thomas. « Vous assumerez les colères et les mobilisations que votre
budget ne manquera pas de susciter », rebondit Marie-Claire Arasa,
élue du canton de Sainte-Geneviève-des-Bois. Déjà, un rassemblement est
organisé à Sainte-Geneviève-des-Bois, lundi 10 février, contre la « destruction
de nos services publics ».
Un contexte national tendu
Ce débat budgétaire n’est pas
propre à l’Essonne. Partout en France, les départements font face à des
contraintes financières croissantes, exacerbées par l’inflation et la réduction
des dotations de l’État. Selon l’Assemblée des départements de France (ADF),
près de 70 % des départements s’attendent à devoir réduire leurs
investissements en 2025 pour maintenir leur capacité à financer les dépenses
sociales.
Certains départements, comme
ceux de la Seine-Saint-Denis ou du Pas-de-Calais, envisagent ces mêmes mesures
drastiques, telles que la fermeture de services publics ou la réduction de
leurs aides, pour faire face à cette situation. « Les départements sont au
bord du gouffre financier », alertait récemment sur X Christophe Ramond,
président du Tarn et membre de l’ADF. L’association déplore aussi, dans un
communiqué, que « le soutien aux départements les plus en difficulté
par le biais du fonds de sauvegarde [soit] absent du projet de loi de finances ».
Mylène
Hassany