En déplacement à La Courneuve le 29
avril, le président du réseau Initiative France, Guillaume Pépy, est venu présenter
aux entrepreneurs et à la presse ce dispositif visant à soutenir les quartiers
prioritaires de la ville, dont 35 sont situés en Seine-Saint-Denis. Les acteurs
du département comptent sur ce plan pour faire reculer les difficultés sociales
et économiques qui minent le territoire.
Faire des quartiers prioritaires des « territoires
d’opportunités ». C’est
l’une des principales ambitions du
programme national « Entrepreneuriat quartiers 2030 » lancé le 28 mars par
BpiFrance avec le soutien de l’État et de
la Caisse des dépôts. Dans ce contexte, la branche séquano-dionysienne du réseau
national Initiative France, spécialisé dans le soutien et l’accompagnement
de créateurs et repreneurs d’entreprises,
organisait à la Courneuve le 29 avril une rencontre dédiée à l'entrepreneuriat
dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Implantée depuis 2005 au cœur de la cité des
4000, la pépinière d’entreprises de la
Courneuve, gérée par la Maison économique de l’initiative locale (Miel), est la
vitrine de cette dynamique entrepreneuriale qui se tisse progressivement dans
cette zone, en pleine rénovation urbaine. C’est là que
tout a commencé pour Madame la présidente, Quelle crèche, Le beau thé ou encore
Leviathan Dynamics. Ces quatre structures ont toutes été financées et accompagnées
par le réseau national Initiative France, en particulier sa branche locale,
Initiative Seine-Saint-Denis. Les six entrepreneurs à l’origine
de ces sociétés ont reçu la visite de plusieurs acteurs et partenaires locaux
du réseau associatif – Guillaume Pépy, président d’Initiative France a fait le
déplacement.
Le réseau accompagne les créateurs et
repreneurs d’entreprises tout au long de leur
projet, mais leur apporte surtout un soutien financier, via des prêts d’honneur. Une enveloppe de 150 millions d’euros sera dédiée à ce dipositif dans le
cadre du plan Entrepreneuriat quartiers 2030. Entre 2019 et 2023, le
précédent projet de stimulation de l’entrepreneuriat de BpiFrance, intitulé « Entrepreneuriat
pour tous », a permis la création de plus de 32 000 entreprises grâce
à un budget de 500 millions d’euros.
« On accompagne absolument tout le
monde, peu importe le secteur, la formule juridique, la taille de l’entreprise ou le cursus de l’entrepreneur,
assure Baptiste Journet, directeur d’Initiative France Seine-Saint-Denis.
On suit les personnes qui viennent de quartiers prioritaires de la politique de
la ville ou qui sont éloignés
de l’emploi. Ce fameux prêt à taux
zéro que nous distribuons apporte un complément d’apport
personnel, que les entrepreneurs des quartiers prioritaires ont un petit peu
moins par rapport à d’autres
endroits. »
« Notre boussole, c’est
créer de l’emploi »
Amis d’enfance, Souheil Ben El Fekih et
Joan Lelong ont fondé Quelle crèche en 2020, une plateforme qui simplifie l’accès aux crèches privées pour les familles et accompagne
également les entreprises à la mise en place d’un
mode de garde pour leurs collaborateurs. « Aujourd’hui,
on dispose d’une équipe d’une
dizaine de personnes, dont on est fier », se félicite Souheil Ben El Fekih. Les
deux entrepreneurs qui « connaissaient le monde de l’entreprise
mais pas celui de l'entrepreneuriat » ont su tirer un avantage de l’accompagnement apporté par Initiative Seine-Saint-Denis.
« Le maillage s’est bien fait. Il y a
vraiment de l’entraide. »
Avec Madame la présidente, gamme de
produits capillaires élaborés avec des produits naturels, Meriem Khali-Malone,
maman de trois enfants, a pu se verser un salaire au bout de deux ans d’activité. Et la société a été « rentable au bout de
six mois », a précisé l’entrepreneure,
qui a embauché 20 salariés depuis son arrivée dans la pépinière il y a six ans.
« Le
réseau Initiative France s’inscrit
dans une dynamique de création d’emplois et
aussi d’impact social, détaille Baptiste
Journet. On a par exemple créé le label Initiative remarquable qui vient
labelliser ces entreprises engagées dans cette typologie de recrutement. Si on
accompagne les entreprises, c’est avant
tout pour créer de l’emploi, c’est notre boussole. Si une entreprise du territoire nous
prouve qu’elle va créer plus d’emplois,
on sera capable d’intervenir et de
mettre plus de prêts d’honneur
sur la table. »
Le réseau est aussi attentif à l’ancrage
pérenne des entrepreneurs sur le territoire. « La Seine-Saint-Denis est une
terre d’accueil avec des talents qui
viennent de partout. Et à Plaine Commune [établissement public territorial
qui regroupe neuf villes de Seine-Saint-Denis, ndlr], on est ouverts à tout
le monde, assure Shems El Khalfaoui, président de la Miel et second adjoint
au maire de Saint-Denis. Peu importe d’où viennent
les créateurs, du moment qu’ils amènent
dans la pépinière une activité qui serait capable de créer de l’emploi,
une dynamique, ainsi qu’une
attractivité territoriale, car c’est un
enjeu important. Un de nos combats est d’être dans un équilibre. »
Comment attirer les investisseurs de l’autre côté du périph ?
À l’aune des
Jeux olympiques, attirer les investisseurs dans ce
territoire demeure un défi. Avec 35 quartiers prioritaires de la ville recensés
dans le département, la Seine-Saint-Denis reste l’un
des territoires de l’Hexagone qui
concentre le plus de difficultés économiques et sociales, selon la dernière cartographie
de l'État, actualisée en décembre dernier. D’après une enquête de la Cour des
comptes datée de 2022, la diversité des dispositifs mis en place pour favoriser
l’emploi dans les quartiers
prioritaires de la ville - emplois francs, garanties jeunes, etc. - ne permet
pas de réduire les inégalités avec les autres quartiers. Ou avec la capitale
adjacente.
Le directeur d’initiative
Seine-Saint-Denis, Baptiste Journet, reconnaît que la dernière étape de
financement est celle où il constate une « énorme différence entre ce qui se
fait à Paris intra-muros et de l’autre côté
du périphérique, en particulier dans le 93 ». « Pour les
banques, il n’y a pas de problème,
précise-t-il. Mais il y a cette problématique de levée de fonds, sur
laquelle on travaille. Le chemin est long mais en tant qu’acteur
local, on essaie de faire changer les mentalités en montrant qu’ici
on a de très belles boîtes, qui créent de l’emploi,
qui font du chiffre d’affaires
et qui sont rentables. » L’horizon
pourrait bientôt s’éclaircir. Sans préciser lesquels, Shems Al
Khalfaoui, président de la Miel, annonce travailler en ce moment sur des
partenariats de levée de fonds avec des grands noms.
Yslande
Bossé