L’entrepreneur
Mouloud Bezzouh, absent à son procès, a été reconnu coupable par le tribunal
correctionnel de Bobigny d’avoir commandité le tabassage de la 6e
adjointe au maire de la ville.
La
peine est exemplaire. Le tribunal correctionnel de Bobigny a condamné, le 27
juin, l’entrepreneur dyonisien Mouloud
Bezzouh à cinq ans de prison dont deux avec sursis pour avoir commandité l’agression en fin d’année
dernière de la 6e adjointe au maire de la ville. Une peine
supérieure aux réquisitions du parquet.
Dans
un contexte de hausse des violences contre les élus, l’affaire
avait provoqué un vif émoi au sein du milieu politique local. Le 20 décembre
2023 au soir, Oriane Filhol, 6e adjointe au maire de Saint-Denis chargée des
solidarités et des droits des femmes, est violemment attaquée par deux hommes
alors qu’elle rentre chez elle après une réunion
du conseil d’administration du bailleur social
de la ville. L'élue, qui se sent suivie, tente de fuir mais est rouée de coups
dans le hall d’un immeuble où elle s’est réfugiée.
Lors
du procès du 11 juin, le procureur avait requis quatre ans de prison dont un de
sursis probatoire. Le tribunal de Bobigny est allé au-delà de ces réquisitions.
Absent le jour du délibéré comme tout au long des audiences, Mouloud Bezzouh,
57 ans, a donc été reconnu coupable d’avoir
envoyé des jeunes, contre une promesse de rémunération, passer à tabac l’élue
alors qu’elle se rendait à son domicile. Arrêté
début mars par les policiers de la Sûreté territoriale puis placé sous contrôle
judiciaire, la justice a émis un mandat de dépôt à l’encontre
du chef d’entreprise.
« Un
moment important » et un « soulagement »
« Une
condamnation à la hauteur de l’agression
d’une femme élue locale dans l’exercice de son mandat », a posté sur son compte
X (ex-Twitter) dans la matinée, Katy Bontinck, première adjointe (PS) au maire
de Saint-Denis et vice-présidente de l’Établissement public territorial Plaine Commune. Pour celle
qui était présente à la sortie de l’audience,
ce jugement « marque un moment important sur la question de l’agression
des élus locaux en France, c’est
vraiment un soulagement », a-t-elle exprimé auprès de
l’AFP.
« Cette
réponse ferme vient marquer cette nécessité d’ouvrir
les yeux sur le fait que demain la démocratie représentative n’aura
plus de représentants, notamment à l’échelon local », a-t-elle rajouté. Après
cette attaque, sans motif clairement établi, l’ensemble
des élus de Saint-Denis ont apporté leur soutien à leur collègue Oriane Filhol. « L’engagement
des élus de Saint-Denis pour mener à bien leur mandat est total. Rien ne fera
reculer leur détermination. Les auteurs de cette agression lâche doivent être
appréhendés le plus rapidement possible et sanctionnés par la justice »
mentionne un communiqué délivré le lendemain de l’agression
de l’élue.
Cette
dernière, fortement marquée psychologiquement, n'aura pas eu durant le procès
toutes les réponses à ses questions quant aux motivations premières du commanditaire
de l’agression. « J’ai
perdu une partie de ma liberté, de mon indépendance, auxquelles je tiens
beaucoup. Je ne peux plus me déplacer après une certaine heure seule, j’ai
besoin que des collègues me raccompagnent jusqu’à mon domicile », avait-t-elle confié au tribunal lors de l’audience
du 11 juin.
Trois
jeunes hommes déjà condamnés
Dans un message transmis
à l’AFP, Oriane Filhol se dit « particulièrement soulagée que les
violences envers les élu(es) soient reconnues, jugées et condamnées. Je suis
soulagée pour tout(es) mes collègues et pour que l’investissement de chacun(e)
dans nos mandats ne soit jamais entravé. C’est un enjeu de bon fonctionnement
de la démocratie. »
En janvier, trois jeunes
hommes originaires de Saint-Denis ont été arrêtés et condamnés à des peines allant
de 8 mois de prison avec sursis probatoire à 18 mois de prison dont six avec
sursis probatoire. Agés de 18 à 22 ans, ils ont expliqué à leur procès qu’une
mystérieuse personne - qualifiée parfois de « daron » ou « blédard
» - leur a promis la somme de 2500 euros pour frapper quelqu’un qu’ils ne
connaissaient pas. Lors de sa garde à vue en mars, Mouloud Bezzouh a reconnu
avoir été présent sur les lieux de la réunion de travail à laquelle a assisté
Oriane Filhol mais a toujours démenti tout lien avec l’agression.
Yslande Bossé