Acteur de l’économie à impact, INCO a lancé la
troisième édition de son programme dédié au soutien des TPE et PME de
Seine-Saint-Denis. Objectif : accompagner gratuitement les entreprises dans leur développement en les aidant à répondre aux marchés publics et privés. L'occasion notamment de leur permettre de profiter des retombées économiques des grands chantiers et événements, à l’instar des JO 2024, nous explique le vice-président France du groupe, Guilhem Pradalié.
JSS : Comment INCO a eu l’idée de lancer
Résilience 93 ?
Guilhem Pradalié : Tout
d’abord, je dois préciser que le 93 est l’un des territoires historiques d’INCO ;
nous y sommes présents depuis une dizaine d’années et y avons implanté de
nombreux incubateurs. De l’extérieur, c’est l’une des régions les plus en
difficulté et pauvres de France, avec une population très jeune. Cependant, un territoire
jeune est synonyme de créativité et de dynamisme : c’est notamment pour
cette raison que nous avons toujours obtenu d’excellents résultats avec nos
incubateurs en Seine-Saint-Denis.
Nous avons construit
Résilience en réaction à un constat simple mais sans appel : les tissus
économiques, notamment ceux des jeunes entreprises à impact, sont dynamiques et
en plein essor. Malheureusement, ces entreprises rencontrent toujours des
difficultés pour se financer ou accéder à des contrats. En particulier celles
du 93, qui, lorsqu’elles cherchent à accélérer, se retrouvent souvent limitées,
notamment dans l’accès aux marchés plus grands, qu'ils soient publics ou
privés.
Nous avons donc créé un incubateur
spécifiquement destiné à renforcer les capacités des acteurs pour accéder à la
commande publique ou privée. Nous essayons de renforcer la résilience
économique de ces zones en diversifiant leur économie grâce à l'économie de
l'impact. L’objectif est de rendre les acteurs de l'impact plus résilients en
leur apportant de nouvelles compétences, notamment en matière de commande
publique.
JSS : Résilience 93 est notamment soutenu
par la banque américaine JP Morgan. Comment expliquer l’intérêt d’un tel partenaire
privé, et accessoirement l’une des plus grandes banques du monde, pour ce
dispositif local ?
G.P. : En l’occurrence,
c’est assez particulier, car JP Morgan était déjà engagée dans le département.
Pour résumer, la banque a
lancé le programme mondial AdvancingCities (qui prévoyait en 2018 d'injecter
500 millions de dollars sur 5 ans dans des communautés urbaines défavorisées afin
de favoriser leur croissance, ndlr), inspiré de la mission que la banque
avait menée en philanthropie pour Détroit, aux États-Unis. En 2013, la ville avait
traversé de graves problèmes industriels et JP Morgan avait beaucoup aidé à financer
sa relance économique.
Après d’autres initiatives
similaires outre-Atlantique, JP Morgan a souhaité essaimer avec ce programme, à
commencer par l’hexagone. Mais le président France de la banque ne souhaitait
pas rester à l’échelle d’une ville. C'est finalement le département du 93 qui,
le premier, a été sélectionné pour son potentiel et ses caractéristiques
uniques.
C’est donc dans la continuité
d’AdvancingCities que JP Morgan s’est investie auprès d’INCO, en faveur de Résilience
93.
JSS : Quels sont les critères
pour qu’une entreprise puisse obtenir le soutien de Résilience 93 ?
G.P. : : Nous commençons
chaque édition par une phase d'appel à candidatures. Les entrepreneurs doivent
évidemment travailler ou vivre en Seine-Saint-Denis. Nous ciblons des PME avec
un certain nombre de salariés, et les secteurs d'activité sont également pris
en compte. Chaque appel à projet est très précis et publié en détail.
Ensuite, nos équipes, souvent
avec l'aide de nos partenaires, effectuent une première sélection pour
s'assurer que les candidatures répondent bien aux critères et correspondent à
la cible de l'incubateur. Si nous devons sélectionner 25 projets, nous présélectionnons
généralement un nombre légèrement plus élevé pour pouvoir les évaluer en jury.
« Lorsqu’elles
cherchent à accélérer, les entreprises du 93 ont difficilement accès aux
marchés plus grands »
Guilhem Pradalié,
vice-président du groupe INCO
Les jurys sont composés de
professionnels, de partenaires, d'acteurs de l'incubation et de représentants
du territoire. Ils choisissent les 25 projets qui semblent les plus
prometteurs. Une particularité de notre sélection est que nous accordons une
importance égale aux critères économiques et à l'impact. Les projets doivent
avoir un modèle économique crédible, qu'il s'agisse d'une entreprise ou d'une
association, et un modèle d'impact qui nous paraît viable et amplifiable.
JSS : De quelle façon
accompagnez-vous les TPE/PME ?
G.P. : Nous
proposons des parcours d'accompagnement assez longs, bien que relativement
courts pour l'incubation chez nous, car ils durent généralement entre 9 mois et
1 an. Cela demande un engagement important de la part des entrepreneurs, car
ils passent beaucoup de temps en collectif, que ce soit à distance ou en
présentiel.
Nous aimons les réunir
régulièrement : cela renforce l'esprit de groupe, ce qui est
particulièrement important dans le 93. Il y a également beaucoup de temps
consacré à des entretiens individuels. Sur un programme, les entrepreneurs
peuvent facilement passer plus de 20 heures, voire plus, en entretiens
individuels avec nos équipes d'accompagnement, des experts, des mentors ou des
entrepreneurs plus expérimentés.
Ces temps-là sont extrêmement
importants. Après la sélection des projets par le jury, nous débutons par un
diagnostic d'entrée dans lequel nous réalisons une analyse approfondie de
l'entreprise, de ses enjeux de croissance, de son modèle financier et de son
modèle d'impact. Cela nous permet non seulement d'avoir une vision claire et un
premier élément de mesure pour évaluer l'évolution à la fin du programme, mais
surtout de ne pas rester figés sur le contenu du programme.
En effet, si nous constatons
que les besoins des entreprises diffèrent de ce que nous avions anticipé, nous
ajustons le programme pour le rendre aussi pertinent que possible. L'objectif
est que le programme soit véritablement efficace et réponde aux attentes des
entreprises que nous accompagnons.
JSS : Vous offrez un
accompagnement gratuit…
G.P. : Oui,
effectivement, pendant toute la durée du programme, l'accompagnement est
entièrement gratuit. INCO est une association, et nous avons fait le choix de
proposer des programmes d'accompagnement gratuits, tout comme les formations
que nous dispensons. Les personnes que nous accompagnons ont d'autres priorités
que de payer pour des programmes, je pense. Elles ont d'autres contraintes
budgétaires et des aspects liés au développement de leur entreprise sur
lesquels nous nous concentrons.
Notre objectif n'est pas de
générer des revenus à travers ces programmes. C'est pourquoi nous nous
chargeons de financer les accompagnements en trouvant des partenaires publics
et privés pour couvrir les coûts liés aux ressources humaines, aux locaux et à
tous les autres frais associés. Ainsi, pour les entreprises que nous
accompagnons, tout est entièrement gratuit.
JSS : Comment cela se
passe-t-il au terme de l’accompagnement ?
G.P. : Après
la fin du programme, nous proposons différentes options aux entrepreneurs que
nous avons accompagnés. Certains choisissent même de participer à un autre
programme que nous proposons. Par exemple, ceux axés sur l'émergence de
projets, comme nous l'avons fait à Marseille dans les quartiers nord, où nous accompagnons
les entrepreneurs dès l'idée jusqu'au projet concret.
Pour ceux qui décident de
poursuivre leur parcours entrepreneurial de manière autonome, nous les laissons
partir après la fin de notre programme d'accompagnement. Cependant, nous ne les
abandonnons pas pour autant. Ils peuvent toujours compter sur notre communauté,
l'INCO Club, qui réunit tous les entrepreneurs que nous avons accompagnés. Ils
ont accès à cette communauté et peuvent solliciter son aide ou participer aux
événements que nous organisons, comme nos réunions annuelles ou nos événements.
En outre, nos chargés de
programmes tissent des liens avec les entreprises même après la fin du
programme, et nous restons attentifs à leur évolution et à leurs besoins.
JSS : Combien
d’entreprises ont rejoint votre programme ? Combien d’entre elles maintiennent
le cap après avoir été accompagnées ?
G.P. : Cette
année, qui marque la 3e édition du programme, nous avons accueilli
25 entreprises dans notre promotion. En plus de cela, nous avons mis en place
un dispositif parallèle, appelé Go Incub', où nous incubons également des incubateurs à
impact du 93. Cela nous a permis de soutenir un grand
nombre de structures. Au total, nous avons accompagné près d'une centaine de
structures, y compris quelques incubateurs.
Pour ce qui est de la
pérennité des entreprises, bien que je ne dispose pas des chiffres exacts pour
Résilience 93, nous observons que sur l'ensemble de nos incubateurs en France,
environ 75 % à 80 % des entreprises accompagnées par nos soins sont toujours
viables au bout de trois ans. Les résultats en termes de levées de fonds sont
également très encourageants. Par exemple, en six ans, les startups des
incubateurs spécialisés en prévention santé ont levé plus de 110 millions
d'euros.
Et puis, des success stories
émergent de nos programmes, comme celle de l’entreprise Le Pavé, emmenée par
Résilience 93, qui fabrique des matériaux d'éco-construction à partir de
déchets plastiques. La société a notamment fabriqué les 11 000 sièges de la
piscine olympique.
Par ailleurs, nous nous
efforçons de préserver les emplois des entreprises que nous accompagnons. Avec
chaque promotion de 25 entreprises, notre objectif est de préserver 25 emplois.
C’est crucial, même si parfois, certaines entreprises peuvent rencontrer des
difficultés pendant leur accompagnement et disparaître. C’est la vie de
l’entreprise.
JSS : Sentez-vous une
ébullition entrepreneuriale avec les Jeux olympiques de Paris 2024 ?
G.P. :
Absolument !
À travers Résilience 93, nous avons pu observer l'émergence de nombreuses
opportunités tant dans le domaine de la commande publique que dans celui des
grands contrats privés liés aux Jeux olympiques. Ces grands contrats ont
ensuite ouvert la voie à des opportunités pour des sous-traitants, des
co-traitants et des petites entreprises locales, leur permettant ainsi de participer à cet événement
d'envergure.
Il est indéniable que les
Jeux olympiques génèrent une activité économique significative. Cependant,
notre objectif a été de veiller à ce que cette économie ne profite pas
uniquement aux grands groupes, mais qu'elle soit également accessible, au moins
en partie, aux entrepreneurs à impact.
JSS : Quels objectifs
poursuivez-vous à moyen et long termes ?
G.P. :
En réalité, nous ne nous
fixons pas de limites précises. Notre philosophie repose sur une idée simple :
plus nous accompagnons d'entreprises, et mieux nous le faisons, plus il y aura
d’entreprises à impact, et donc plus grand sera l'impact social et
environnemental que nous produirons collectivement.
Notre objectif est donc
d'accroître l'impact des entreprises du territoire chaque année, de manière
croissante. Cela signifie qu'il y aura de plus en plus d'entrepreneurs qui se
lanceront et qui persévéreront dans cette voie, contribuant ainsi à une
économie qui a du sens et qui est responsable pour la planète.
Propos
recueillis par Romain Tardino