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(93) INTERVIEW. Résilience 93 : « Notre objectif est d’accroître l’impact des entreprises du territoire »

(93) INTERVIEW. Résilience 93 : « Notre objectif est d’accroître l’impact des entreprises du territoire »
Publié le 08/06/2024 à 08:45

Acteur de l’économie à impact, INCO a lancé la troisième édition de son programme dédié au soutien des TPE et PME de Seine-Saint-Denis. Objectif : accompagner gratuitement les entreprises dans leur développement en les aidant à répondre aux marchés publics et privés. L'occasion notamment de leur permettre de profiter des retombées économiques des grands chantiers et événements, à l’instar des JO 2024, nous explique le vice-président France du groupe, Guilhem Pradalié.

JSS : Comment INCO a eu l’idée de lancer Résilience 93 ?

Guilhem Pradalié : Tout d’abord, je dois préciser que le 93 est l’un des territoires historiques d’INCO ; nous y sommes présents depuis une dizaine d’années et y avons implanté de nombreux incubateurs. De l’extérieur, c’est l’une des régions les plus en difficulté et pauvres de France, avec une population très jeune. Cependant, un territoire jeune est synonyme de créativité et de dynamisme : c’est notamment pour cette raison que nous avons toujours obtenu d’excellents résultats avec nos incubateurs en Seine-Saint-Denis.

Nous avons construit Résilience en réaction à un constat simple mais sans appel : les tissus économiques, notamment ceux des jeunes entreprises à impact, sont dynamiques et en plein essor. Malheureusement, ces entreprises rencontrent toujours des difficultés pour se financer ou accéder à des contrats. En particulier celles du 93, qui, lorsqu’elles cherchent à accélérer, se retrouvent souvent limitées, notamment dans l’accès aux marchés plus grands, qu'ils soient publics ou privés.

Nous avons donc créé un incubateur spécifiquement destiné à renforcer les capacités des acteurs pour accéder à la commande publique ou privée. Nous essayons de renforcer la résilience économique de ces zones en diversifiant leur économie grâce à l'économie de l'impact. L’objectif est de rendre les acteurs de l'impact plus résilients en leur apportant de nouvelles compétences, notamment en matière de commande publique.

JSS : Résilience 93 est notamment soutenu par la banque américaine JP Morgan. Comment expliquer l’intérêt d’un tel partenaire privé, et accessoirement l’une des plus grandes banques du monde, pour ce dispositif local ?

G.P. : En l’occurrence, c’est assez particulier, car JP Morgan était déjà engagée dans le département.

Pour résumer, la banque a lancé le programme mondial AdvancingCities (qui prévoyait en 2018 d'injecter 500 millions de dollars sur 5 ans dans des communautés urbaines défavorisées afin de favoriser leur croissance, ndlr), inspiré de la mission que la banque avait menée en philanthropie pour Détroit, aux États-Unis. En 2013, la ville avait traversé de graves problèmes industriels et JP Morgan avait beaucoup aidé à financer sa relance économique.

Après d’autres initiatives similaires outre-Atlantique, JP Morgan a souhaité essaimer avec ce programme, à commencer par l’hexagone. Mais le président France de la banque ne souhaitait pas rester à l’échelle d’une ville. C'est finalement le département du 93 qui, le premier, a été sélectionné pour son potentiel et ses caractéristiques uniques.

C’est donc dans la continuité d’AdvancingCities que JP Morgan s’est investie auprès d’INCO, en faveur de Résilience 93.

JSS : Quels sont les critères pour qu’une entreprise puisse obtenir le soutien de Résilience 93 ?

G.P. : : Nous commençons chaque édition par une phase d'appel à candidatures. Les entrepreneurs doivent évidemment travailler ou vivre en Seine-Saint-Denis. Nous ciblons des PME avec un certain nombre de salariés, et les secteurs d'activité sont également pris en compte. Chaque appel à projet est très précis et publié en détail.

Ensuite, nos équipes, souvent avec l'aide de nos partenaires, effectuent une première sélection pour s'assurer que les candidatures répondent bien aux critères et correspondent à la cible de l'incubateur. Si nous devons sélectionner 25 projets, nous présélectionnons généralement un nombre légèrement plus élevé pour pouvoir les évaluer en jury.

« Lorsqu’elles cherchent à accélérer, les entreprises du 93 ont difficilement accès aux marchés plus grands »

                      Guilhem Pradalié, vice-président du groupe INCO

Les jurys sont composés de professionnels, de partenaires, d'acteurs de l'incubation et de représentants du territoire. Ils choisissent les 25 projets qui semblent les plus prometteurs. Une particularité de notre sélection est que nous accordons une importance égale aux critères économiques et à l'impact. Les projets doivent avoir un modèle économique crédible, qu'il s'agisse d'une entreprise ou d'une association, et un modèle d'impact qui nous paraît viable et amplifiable.

JSS : De quelle façon accompagnez-vous les TPE/PME ?

G.P. : Nous proposons des parcours d'accompagnement assez longs, bien que relativement courts pour l'incubation chez nous, car ils durent généralement entre 9 mois et 1 an. Cela demande un engagement important de la part des entrepreneurs, car ils passent beaucoup de temps en collectif, que ce soit à distance ou en présentiel.

Nous aimons les réunir régulièrement : cela renforce l'esprit de groupe, ce qui est particulièrement important dans le 93. Il y a également beaucoup de temps consacré à des entretiens individuels. Sur un programme, les entrepreneurs peuvent facilement passer plus de 20 heures, voire plus, en entretiens individuels avec nos équipes d'accompagnement, des experts, des mentors ou des entrepreneurs plus expérimentés.

Ces temps-là sont extrêmement importants. Après la sélection des projets par le jury, nous débutons par un diagnostic d'entrée dans lequel nous réalisons une analyse approfondie de l'entreprise, de ses enjeux de croissance, de son modèle financier et de son modèle d'impact. Cela nous permet non seulement d'avoir une vision claire et un premier élément de mesure pour évaluer l'évolution à la fin du programme, mais surtout de ne pas rester figés sur le contenu du programme.

En effet, si nous constatons que les besoins des entreprises diffèrent de ce que nous avions anticipé, nous ajustons le programme pour le rendre aussi pertinent que possible. L'objectif est que le programme soit véritablement efficace et réponde aux attentes des entreprises que nous accompagnons.

JSS : Vous offrez un accompagnement gratuit…

G.P. : Oui, effectivement, pendant toute la durée du programme, l'accompagnement est entièrement gratuit. INCO est une association, et nous avons fait le choix de proposer des programmes d'accompagnement gratuits, tout comme les formations que nous dispensons. Les personnes que nous accompagnons ont d'autres priorités que de payer pour des programmes, je pense. Elles ont d'autres contraintes budgétaires et des aspects liés au développement de leur entreprise sur lesquels nous nous concentrons.

Notre objectif n'est pas de générer des revenus à travers ces programmes. C'est pourquoi nous nous chargeons de financer les accompagnements en trouvant des partenaires publics et privés pour couvrir les coûts liés aux ressources humaines, aux locaux et à tous les autres frais associés. Ainsi, pour les entreprises que nous accompagnons, tout est entièrement gratuit.

JSS : Comment cela se passe-t-il au terme de l’accompagnement ?

G.P. : Après la fin du programme, nous proposons différentes options aux entrepreneurs que nous avons accompagnés. Certains choisissent même de participer à un autre programme que nous proposons. Par exemple, ceux axés sur l'émergence de projets, comme nous l'avons fait à Marseille dans les quartiers nord, où nous accompagnons les entrepreneurs dès l'idée jusqu'au projet concret.

Pour ceux qui décident de poursuivre leur parcours entrepreneurial de manière autonome, nous les laissons partir après la fin de notre programme d'accompagnement. Cependant, nous ne les abandonnons pas pour autant. Ils peuvent toujours compter sur notre communauté, l'INCO Club, qui réunit tous les entrepreneurs que nous avons accompagnés. Ils ont accès à cette communauté et peuvent solliciter son aide ou participer aux événements que nous organisons, comme nos réunions annuelles ou nos événements.

En outre, nos chargés de programmes tissent des liens avec les entreprises même après la fin du programme, et nous restons attentifs à leur évolution et à leurs besoins.

JSS : Combien d’entreprises ont rejoint votre programme ? Combien d’entre elles maintiennent le cap après avoir été accompagnées ?

G.P. : Cette année, qui marque la 3e édition du programme, nous avons accueilli 25 entreprises dans notre promotion. En plus de cela, nous avons mis en place un dispositif parallèle, appelé Go Incub', où nous incubons également des incubateurs à impact du 93. Cela nous a permis de soutenir un grand nombre de structures. Au total, nous avons accompagné près d'une centaine de structures, y compris quelques incubateurs.

Pour ce qui est de la pérennité des entreprises, bien que je ne dispose pas des chiffres exacts pour Résilience 93, nous observons que sur l'ensemble de nos incubateurs en France, environ 75 % à 80 % des entreprises accompagnées par nos soins sont toujours viables au bout de trois ans. Les résultats en termes de levées de fonds sont également très encourageants. Par exemple, en six ans, les startups des incubateurs spécialisés en prévention santé ont levé plus de 110 millions d'euros.

Et puis, des success stories émergent de nos programmes, comme celle de l’entreprise Le Pavé, emmenée par Résilience 93, qui fabrique des matériaux d'éco-construction à partir de déchets plastiques. La société a notamment fabriqué les 11 000 sièges de la piscine olympique.

Par ailleurs, nous nous efforçons de préserver les emplois des entreprises que nous accompagnons. Avec chaque promotion de 25 entreprises, notre objectif est de préserver 25 emplois. C’est crucial, même si parfois, certaines entreprises peuvent rencontrer des difficultés pendant leur accompagnement et disparaître. C’est la vie de l’entreprise.

JSS : Sentez-vous une ébullition entrepreneuriale avec les Jeux olympiques de Paris 2024 ?

G.P. : Absolument ! À travers Résilience 93, nous avons pu observer l'émergence de nombreuses opportunités tant dans le domaine de la commande publique que dans celui des grands contrats privés liés aux Jeux olympiques. Ces grands contrats ont ensuite ouvert la voie à des opportunités pour des sous-traitants, des co-traitants et des petites entreprises locales, leur permettant ainsi de participer à cet événement d'envergure.

Il est indéniable que les Jeux olympiques génèrent une activité économique significative. Cependant, notre objectif a été de veiller à ce que cette économie ne profite pas uniquement aux grands groupes, mais qu'elle soit également accessible, au moins en partie, aux entrepreneurs à impact.

JSS : Quels objectifs poursuivez-vous à moyen et long termes ?

G.P. :  En réalité, nous ne nous fixons pas de limites précises. Notre philosophie repose sur une idée simple : plus nous accompagnons d'entreprises, et mieux nous le faisons, plus il y aura d’entreprises à impact, et donc plus grand sera l'impact social et environnemental que nous produirons collectivement.

Notre objectif est donc d'accroître l'impact des entreprises du territoire chaque année, de manière croissante. Cela signifie qu'il y aura de plus en plus d'entrepreneurs qui se lanceront et qui persévéreront dans cette voie, contribuant ainsi à une économie qui a du sens et qui est responsable pour la planète.

Propos recueillis par Romain Tardino

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