Mode de résolution des
litiges alternatif au procès parfois méconnu du grand public, la médiation se
développe encore timidement en France. Caractère non-obligatoire,
confidentialité, implication totale des parties dans le processus… sont autant
d’arguments mis en avant pour inciter à y recourir. En marge de la semaine de
la médiation, l’association Constellation Médiation faisait le point, au cours d’un
webinaire organisé vendredi 18 octobre.
Judiciaire, conventionnelle,
administrative, intra-entreprise, de la consommation… La médiation est un mode alternatif
de résolution des différends au spectre large. Quel que soit son domaine
d’application, elle se caractérise par un objectif commun : offrir une
alternative au procès.
Vendredi 18 octobre,
l’association Constellation Médiation s’est saisie de la semaine de la
médiation – une opération de promotion auprès du grand public conduite à
l’échelle nationale comme internationale – pour organiser un webinaire visant à
sensibiliser aux enjeux de ce processus. Car un jour, « c’est le procès qui
deviendra alternatif à la médiation », assure Odile Obled-Dupeyré, avocate
associée et médiatrice chez Constellation Médiation.
En attendant, si la pratique
existe depuis 1995
en France, elle y reste très peu utilisée. « On est autour d’un taux
d’entrée de 1 % en matière administrative, regrette Hortense Moisand, avocate
associée et médiatrice chez Constellation Médiation. En matière judiciaire,
je ne sais pas ; justement, il n'existe pas d'outil de comptage. »
Le médiateur dans une «posture
de proposition »
La médiation s’inscrit plus
largement dans la justice amiable, qui comprend également l’audience
de règlement amiable (depuis
peu), la conciliation et la procédure participative – entre autres. Mais en
dépit de cette large palette, en France, 70 % des
différends en matière civile donnent encore lieu à une décision de justice,
contre 5 à 10 % des affaires en Angleterre et au Québec par exemple, où l’immense
majorité des litiges font l’objet d’une transaction. Cependant, « la justice
à l’amiable est en train de se développer avec le Conseil national de la
médiation », nuance Hortense Moisand.
Longtemps attendue par les
professionnels du droit, cette instance a été installée par le garde des Sceaux
Éric Dupond-Moretti en juin 2023. Concrètement, ses travaux devraient
contribuer à mieux structurer l’offre amiable, rendre la médiation plus lisible
et plus accessible, mais aussi harmoniser les pratiques, la formation, ainsi
que la déontologie des médiateurs. Car, au cœur de ce mode de résolution des
litiges, c’est le médiateur – appelé le tiers – qui permet aux parties de
trouver une solution satisfaisante.
Ensemble, ils discutent et
échangent dans le cadre de plusieurs entretiens. « On est sur la
constitution d'un dialogue qui doit être fructueux et constructif afin de
tenter d'aboutir à un accord dans un cadre qui n'est pas une procédure, mais un
processus structuré, explique Hortense Moisand. C’est extrêmement
important d'être sur une bonne posture de proposition, mais pas sur une prise
de position. »
Le juge, acteur clé dans
l’entrée en médiation
Possible à tout moment, la
médiation n’est jamais obligatoire. « Ce qui peut l’être, c'est
l'information à la médiation et la présentation d’un médiateur pour plus
d'efficacité », précise Odile Obled-Dupeyré. En matière contentieuse –
judiciaire ou administrative – si les parties peuvent saisir le juge
d’elles-mêmes pour demander l’entrée en médiation, c’est surtout au magistrat
qu’il incombe de faciliter l’accès au dispositif. En l’absence
de grille de référence pour la profession, certains juges ont développé « des
critères pour identifier les dossiers qui leur paraissent éligibles à la
médiation ou non », détaille l’avocate.
Un contentieux persistant
depuis très longtemps, un grand nombre de procédures, une complexité voire une
dimension humaine importante dans les relations… Autant de facteurs que le juge
peut considérer pour rendre une ordonnance dans laquelle il enjoint aux parties
de rencontrer un médiateur. « Il peut le désigner, étant donné que les
juridictions ont constitué des listes auprès des cours d'appel », indique
Hortense Moisand. L’ordonnance est ensuite transmise aux avocats. « Ce sont
les premiers interlocuteurs du médiateur, souligne l’experte. Donc, pour
entrer en médiation judiciaire ou administrative, il faut d’abord convaincre
les avocats. »
Une fois que ces derniers ont
communiqué l’ordonnance à leurs clients, les parties ont l'obligation de
rencontrer un médiateur, mais sans engagement. « On leur propose un
rendez-vous de 30 minutes en visioconférence pour leur présenter le processus
et répondre à leurs questions, développe Hortense Moisand. À ce stade,
on ne connaît absolument pas le contentieux pendant. » Car si le juge
désigne le médiateur, il ne lui transmet pas l’objet du litige, ni les
assignations ou les requêtes.
Un processus confidentiel
Les explications terminées,
les parties ont deux semaines pour réfléchir à la décision d’entrer en
médiation ou non. « On leur dit qu'il n'y aura aucune conséquence : que leur
réponse soit positive ou négative, elle sera entendue en tant que telle,
assure Hortense Moisand, en rappelant que la médiation est un processus
confidentiel. C'est ce qui fait toute sa force et sa vertu et qui permet à
la parole des parties d'être complètement libre. » Si une partie refuse la
médiation, ni le juge ni la Cour ne sauront de laquelle il s’agit : le
consentement total est la clé d’une résolution amiable réussie.
« Finalement, le plus
difficile, c'est d'entrer en médiation ; c’est-à-dire que les parties soient
d'accord pour dialoguer », souligne Hortense Moisand. Manque de
confiance, peur de prendre un risque, refus de retrouver l’autre partie en
présentiel, volonté que « la justice soit faite », échec des
premières tentatives de discussion… Les raisons pour ne pas entrer en médiation
sont nombreuses. « Je réponds toujours la même chose : les médiations qui
ont abouti sont des négociations qui avaient échoué préalablement »,
indique l’avocate.
S’engager à essayer
Autres arguments pour essayer
ce mode alternatif de résolution des litiges : la suspension de la procédure
judiciaire et la rapidité de la manœuvre. En effet, le juge donne généralement
un délai de trois mois à compter de l'accord des parties ou du versement de la
provision. « Puis, quoi qu'il arrive, on pourra toujours revenir à la
solution du procès. La médiation, c’est seulement se donner une autre chance de
résoudre le litige, avance Odile Obled-Dupeyré. C’est l’opportunité
d’être en maîtrise de la décision ».
« On chasse l'aléa,
surenchérit sa consœur. Le seul risque que l'on prend à entrer en médiation,
c'est de trouver un accord. On s’engage à essayer, mais on n'a pas l'obligation
de conclure un accord. » Ainsi, il est possible de quitter la table des
négociations à tout moment. « Avant d’être informés, beaucoup de mes
interlocuteurs pensaient que le médiateur allait agir comme un conciliateur
pour imposer ou inciter à une certaine solution ; en réalité, pas du tout »,
reprend Odile-Dupeyré.
« Un processus de responsabilisation »
Par ailleurs, pas la peine
d'entrer en médiation si l’une des parties ne souhaite pas rencontrer l'autre
pour trouver une solution ensemble. « C’est un processus de vérité et de
responsabilisation : il faut une certaine maturité pour pouvoir l’entreprendre
», martèle Hortense Moisand. Parfois, il s’agit de laisser le temps faire
son œuvre, car la médiation peut intervenir tardivement ; cinq, six, voire sept
années après le début de la procédure. « Chez Constellation Médiation, après
incitation du juge et information de notre part, 50 % des personnes entrent en
médiation », rapporte l’avocate.
Une fois cette première étape
franchie, l’experte estime le taux d’accord à 85 % sur des affaires d’urbanisme
ou de marché public, quand il s’agit de collectivités, de personnes publiques,
et d’entreprises. « En matière sociale, on est plutôt à 70 % », précise
Hortense Moisand. En cause : des dimensions personnelles, individuelles et
relationnelles plus importantes, ayant pu donner lieu à des traumatismes ou des
situations difficiles. « En matière contentieuse, le résultat d’une
médiation qui aboutit à un accord est le désistement de l'instance,
rappelle l’avocate. C’est génial de voir les parties tourner la page après
les avoir accompagnées. »
Floriane
Valdayron