Le nouveau ministre de
l’Économie et des Finances a pris la parole jeudi 28 novembre lors de la 5e édition du salon Impact PME, organisé par
BFM Business et la CPME. Les entrepreneurs attendaient des réponses, dans un
contexte de tensions générées par les débats autour de l’adoption du PLF 2025.
Entrepreneurs et dirigeants
d’entreprises étaient réunis ce jeudi à la Station F, à Paris, à l’occasion du
salon Impact PME, dans l’espoir d’obtenir des réponses concrètes. Notamment à
propos du projet de loi de finances 2025, qui alimente toujours de vifs débats.
L’événement a également été marqué par la visite controversée du Premier
ministre Michel Barnier, venu annoncer que les allègements des cotisations
patronales sur les salaires jusqu’à 2,25 SMIC (soit 2 800 euros brut par mois)
seraient maintenus. Après son intervention, le ministre de l’Économie, Antoine
Armand, est monté sur scène pour répondre aux questions du journaliste
économique Nicolas Doze. Prévu sous le format « 10 questions à… », l’échange
s’est vite transformé en un dialogue « je t’aime, moi non plus »,
entre le ministre, le journaliste de BFM et François Asselin, président
de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME).
D’emblée, Antoine Armand a
cherché à apaiser les inquiétudes autour de la fragilité des comptes publics et
de la réduction de la dette nationale. « Je serai le garant des 5 % de
déficit en 2025 », a-t-il assuré, tout en mettant en avant l’objectif de
redresser la note de crédit de la France. Une référence directe à la décision
récente de l’agence de notation Moody’s, qui a maintenu la note du pays à Aa2
tout en dégradant sa perspective, passée de stable à négative, accentuant les
défis économiques à venir.
« On dépense trop, on taxe
trop, on ne travaille pas assez »
D’autant plus que des défis
économiques, il y en a. Mais Antoine Armand, ancien député de la 2ème circonscription de la Haute-Savoie, s’est montré confiant, soulignant sa « vision
claire » de la situation. « On part d’une situation qui est double
: d’un côté, on a des fondamentaux économiques solides, avec la croissance
moyenne la plus élevée de la zone euro, un pays attractif, et le taux de
chômage le plus bas depuis 40 ans. Je sais d’où je pars économiquement. De
l’autre, sur le plan financier, on est à 7 % de déficit public, hors crise. Et
si on tient la trajectoire, on sera le seul pays de l’Union européenne à ne pas
être sous les 3 % ».
Le ministre a également
esquissé des perspectives de désendettement à partir de 2028, expliquant que
ces efforts reposent sur deux impératifs majeurs : préserver la crédibilité de
la signature française et, une fois le budget adopté, rouvrir les débats sur
les questions de fond. « On dépense trop, on taxe trop, on ne travaille pas
assez », a-t-il martelé, appelant à s’attaquer aux « tabous
dont on crève ».
Des ambitions que Nicolas
Doze n’a pas manqué de contester, évoquant la situation actuelle du pays. « Je
ne vais pas vous incriminer, vous êtes arrivé il y a un mois, mais il y a de
quoi se sentir dérouté », a-t-il lancé au ministre.
D’abord le vote du budget,
puis les actions
« Il faut arrêter de
chercher des responsables individuels ou collectifs », s’est défendu
Antoine Armand, avant de poursuivre : « Ce qu’il faut se dire, c’est que
l’on a un Premier ministre très courageux, qui n’a pas pris la tête du Gouvernement
pour faire carrière mais pour donner un budget à la France. Et je vous le dis,
il vaut mieux un budget imparfait, mais évolutif, qui offre un cadre financier à
la nation pour 2025, qu’une dislocation budgétaire aggravant la fiscalité et
menant, quelques mois plus tard, à une situation encore pire, a-t-il
alerté. Si cela se produit, le prochain budget sera encore plus dur ».
« Quand je vous entends,
je vois la clairvoyance dans les mots mais pas dans les actes. Je me dis que
vous avez raison mais ce n’est pas ce que l’on fait ! »
s’est insurgé l’éditorialiste. « Mais là, c’est le temps du budget »
a répondu le ministre, confirmant son soutien à une « politique de
l'offre » qu’il ne faut pas opposer à la stratégie de « rétablissement
des comptes ».
Antoine Armand a également
évoqué le maintien des allègements des cotisations patronales sur les salaires
inférieurs à 2,25 SMIC, une mesure destinée à ne pas alourdir le coût du
travail. « Les très bonnes économies prennent du temps », a-t-il enfin
indiqué.
« Certains font de la
politique en jouant avec la vie de nos entreprises »
Des propos qui ont trouvé un
écho favorable auprès de François Asselin, président de la CPME, lequel a exprimé
son soutien tout en reconnaissant les difficultés actuelles.
« Nous, entrepreneurs, savons
bien que tout est dicté par le poids de notre dette. Nous ressentons la gravité
de la situation dans laquelle se trouve le pays, mais nous faisons avec vous le
pari de voter ce budget, parce que c’est la voie de la sagesse. J’espère qu’il
sera adopté », a-t-il déclaré. François Asselin n’a pas
manqué de pointer du doigt certains parlementaires : « Nous sommes
conscients que, dans l’hémicycle, certains font de la politique en jouant avec
la vie de nos entreprises. Mais ce budget, à bien des égards, est perfectible
».
L’invité a néanmoins salué
les arbitrages favorables aux PME annoncés lors du salon, ajoutant : « Nous
avons eu de bons signaux alors que nous avions très peur. Mais pour être
totalement rassurés, il faudra que le Gouvernement s’engage dans une réforme de
l’action publique, même dans ce contexte difficile. Si vous vous lancez, vous
aurez tous les entrepreneurs à vos côtés, Monsieur le Ministre » ; propos généreusement applaudis par les entrepreneurs assistant au
débat.
Un Guichet unique « vraiment
unique »
Sur la question de la
simplification, Antoine Armand s’est montré formel : « Elle est indispensable, il
faut la faire ». Et d’ajouter que « l'État ne peut se
substituer à tout ». Le nouveau ministre a par ailleurs évoqué la continuité des
réformes initiées par son prédécesseur, notamment le Guichet unique. Alors que le dispositif, entré en vigueur en janvier 2023 pour remplacer les centres de formalités
des entreprises (CFE), a connu des débuts difficiles, le ministre a annoncé la fin de la procédure de secours
gérée par Infogreffe à partir du 1er janvier 2025. Le Guichet unique « sera
vraiment unique », a précisé Antoine Armand.
Le ministre a également
annoncé la mise en place d’un test PME dès le mois de décembre 2024 pour
mesurer l'impact des normes sur les entreprises, en particulier celles
concernant la facturation électronique et les seuils d'effectifs. « Lorsque
vous embauchez un 11e ou un 51e salarié, le poids de la
norme pour changer de seuil est trop lourd », a-t-il expliqué. Enfin,
Antoine Armand a promis de présenter chaque mois à ses collègues ministres « un
paquet de normes à supprimer et non pas à simplifier ».
« Il est temps de donner
des signes de réelle volonté de simplification, et on vous rendra des comptes
», a-t-il conclu. Pris par le temps, le ministre a dû quitter le salon
plus tôt que prévu pour se rendre au Sénat, où il avait une dernière mission à accomplir
: discuter du budget.
Romain Tardino