Cette
année, c’est à Marseille que le syndicat a réuni plusieurs centaines de
confrères, les 7 et 8 octobre. Principal sujet de préoccupation, le secret
professionnel, largement débattu au Parlement, a fait l’objet de la conférence
plénière d’inauguration. L’occasion, pour les orateurs conviés, de laisser
libre cours à leur exaspération, sans toutefois se départir de leur verve.
Le 7 octobre, c’est dans une ambiance électrique que s’ouvre le congrès des
Avocats Conseils d’Entreprises (ACE), au palais du Pharo, lieu emblématique de
la cité phocéenne. Sur toutes les lèvres, un mot : le secret
professionnel ; une semaine après l’adoption par le Sénat de l’article 3 du projet de loi pour la confiance dans la justice.
Rappelez-vous, en mai, la commission des lois de l’Assemblée nationale
vote, dans le cadre de ce projet de loi, une série d’amendements protégeant le
secret professionnel des avocats et élargissant ses garanties à leur activité
de conseil. Oui mais voilà, mi-septembre, le Sénat rue dans les brancards et
brandit à son tour un amendement qui supprime le secret professionnel des
avocats en matière de conseil dans le cadre des enquêtes pour la répression des
délits de fraude fiscale, de corruption, de trafic d'influence et de
blanchiment de ces délits. En réaction, lors de son assemblée générale
décentralisée, le Conseil national des barreaux (CNB) adopte alors une motion
de cinq pages « pour un secret professionnel indivisible ».
Fin septembre, au terme d’un débat houleux, l’hémicycle se prononce finalement
en faveur de l’extension du secret professionnel à l’activité de conseil des
avocats… avant de préciser que celui-ci ne sera pas opposable pour les délits
financiers sus-cités. De quoi s’attirer les foudres de la profession et faire
trembler les murs de l’auditorium marseillais, lors de la 29e rencontre
organisée par le syndicat, en attendant le verdict de la commission mixte
paritaire, à la fin du mois. D’ici là, « Nous devons demeurer
inflexibles, unis et combatifs », martèle la présidente sortante de
l’ACE, Delphine Gallin*, durant la cérémonie officielle, donnant le
« la » de la plénière d’inauguration consacrée, sans surprise, à ce
sujet de tension.
SOS secret « en danger »
En préambule de la table ronde, le ton d’Hélène Fontaine, avocate au
barreau de Lille et présidente de la Conférence des bâtonniers, est
grave : « Notre secret professionnel est en danger ! »
Elle revient sur le « yo-yo » émotionnel de ces derniers mois.
« Pourtant, on a pensé pendant un temps qu’il ne l’était plus. Nous
avions eu des discussions avec les parlementaires pour expliquer en quoi il
consistait, et pourquoi il n’était pas simplement limité au secret de la
défense. Lors des débats à l’Assemblée nationale, on s’est rendu compte qu’on
nous avait entendus. Puis cet été, on s’est aperçus, en lisant les médias, que
ce secret professionnel était considéré par d’autres comme quelque chose que
l’on avait obtenu alors que nous avions déjà trop obtenu, et quelque chose de
dangereux pour les enquêtes financières. L’association française des magistrats
instructeurs, Bercy, s’inquiétaient de ce que cela pouvait donner. »
L’avocate raconte être allée, aux côtés du président du CNB et du bâtonnier de
Paris, plaider la cause de l’indivisibilité auprès des sénateurs. « On
pensait les avoir convaincus, mais on a été surpris de voir qu’ils ne nous
avaient pas suivis. Le travail de lobbying des avocats n’a pas abouti »,
regrette-t-elle.
Contrairement à celui des magistrats et des
enquêteurs, se désole Vincent Nioré. L’avocat admet qu’il est « ulcéré »
face aux déclarations de la procureure générale de Paris qui, dans Le Monde,
confie : « Il y a des escrocs pour lesquels il peut être
intéressant de voir les montages financiers gardés dans les cabinets d’avocats.
Tout cela va complexifier l’accès à la vérité, ce n’est pas un bon signal (...). »
En parallèle, le syndicat de police Alliance juge qu’il faut « distinguer
les activités de défense – qui doivent et qui sont déjà bien protégées par le
Code de procédure pénale – des activités de conseil qui ne doivent absolument
pas rentrer dans ce champ de protection. Il ne faut pas faire d'amalgame entre
ces deux versants du métier d’avocat, si ce n’est à rendre quasi intouchable
l’avocat. Hormis le cas d’un délit flagrant, la limite entre le conseil et le
hors la loi peut être fine dans certaines affaires de blanchiment.
L’intégrité ou l’absence d’intégrité dans certains cas ne doit pas pouvoir se
justifier ni être protégée par le secret professionnel. » Si Vincent
Nioré s’inscrit en faux contre ces discours, ce sont pourtant ces derniers qui
ont été entérinés par les sénateurs, se rend-il à l’évidence : « Ils
ont été plus convaincants que nous ! Les sénateurs ont été sensibles à ces
discours-là, pas aux nôtres ! » s’offusque l’avocat.
« Avez-vous une explication sur le fait qu’ils n’aient pas
suivi les avocats, alors que le Sénat est assez conservateur, toujours enclin à
crier à la tyrannie de la transparence ? » s’enquiert David
Abiker, journaliste et chroniqueur, animateur du débat, auprès de ses invités.
Pour Hélène Fontaine, l’explication réside dans la notion de sécurité qui,
désormais, « doit l’emporter à tout prix ». Mais la motivation
de cet amendement est également européenne, ajoute-t-elle. À sa droite, son
confrère Matthieu Boissavy précise que les sénateurs se sont en effet appuyés sur
une décision de 1982 de l’ex Cour de justice des communautés européennes – l’arrêt AMS –
qu’ils auraient, selon lui, mal interprétée, pour justifier leur décision.
« Quand on lit le texte très attentivement, on se rend compte
que ce texte ne tient pas. J’espère que la commission mixte paritaire le
constatera », lance Hélène Fontaine. L’ancienne bâtonnière dénonce la
« discrimination » opérée entre la défense et le conseil ainsi
que la suspicion planant au-dessus de la profession, qui ne sont, à ses yeux,
« pas admissibles » : « On en a assez d’être
toujours considérés comme des complices, des suspicieux. On se fait museler,
c’est insupportable ! »
Les sénateurs dans le viseur
Sur la distinction conseil/défense, David Abiker s’interroge :
est-ce une volonté de la part du Sénat de fracturer le secret
professionnel ? « C’est assez paradoxal de vivre dans une époque
qui prône l’éthique et la déontologie, et d’arriver avec un marteau-piqueur sur
l’un des fondements de l’exercice de votre profession… », observe le
journaliste. Du pain bénit pour ses invités. Matthieu Boissavy le
confirme : oui, dit-il, il y a bien une volonté de fracture, qui n’est
cependant « pas nouvelle ». C’est même « depuis les
années 90, au moment où nous avions demandé et obtenu du législateur de
préciser dans l’article 66-5 de la loi de 1971 que le secret professionnel couvre le
conseil et la défense, qu’il y a eu la volonté, de la part de l’administration
et de la chambre criminelle de la Cour de cassation, de ne pas reconnaître
l'opposabilité du secret en matière de conseil. » L’avocat et vice-président de la commission libertés et droits
de l’homme du CNB rappelle que lorsqu’Éric Dupond-Moretti a été nommé garde des
Sceaux, sa première déclaration publique a fait état de sa volonté de renforcer
le secret professionnel de l’avocat. « Et nous savons pourquoi ! »
lance Matthieu Boissavy, qui considère que le secret est non seulement mis en
danger au niveau du conseil, mais aussi au niveau de la défense. La
jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation aurait,
avance-t-il, « une conception restrictive du domaine de la défense »
selon laquelle ne seraient couvertes par le secret professionnel de l’avocat
opposable aux autorités d’enquête que les confidences faites entre un avocat et
une personne mise en examen, placée en garde à vue ou en audition libre ;
tout le reste relevant du conseil. « Car nous sommes, pour la chambre
criminelle, toujours dans le conseil, et pas dans l’exercice des droits de la
défense. Rendez-vous compte ! » tempête Matthieu Boissavy, qui
souligne que la jurisprudence de la chambre criminelle n’est cependant pas
partagée par toute la Cour de cassation, puisque la chambre commerciale a
reconnu l’opposabilité du secret en matière de conseil, y compris dans le cadre
des contrôles fiscaux – à l’instar du Conseil d’État.
Reste cependant qu’en l’état de l’amendement, combiné avec la
jurisprudence actuelle, si une enquête pénale est lancée pour des faits de
fraude fiscale, trafic d’influence, corruption ou blanchiment de ces délits, et
qu’une personne vient voir son avocat pour lui demander des conseils sur sa
situation alors qu’elle n’est pas mise en examen, n’a pas fait l'objet d’une garde
à vue ou d’une audition libre, « les confidences faites et les
consultations juridiques ne seront pas couvertes par un secret opposable aux
autorités d’enquête », pointe l’avocat. « L’amendement voté
par le Sénat, par sa négation générale du secret professionnel en matière de
conseil, supprime donc la possibilité pour les clients de se confier en toute
confiance à leurs avocats », déplore Matthieu Boissavy. Les
sénateurs, pour beaucoup, « ne comprennent rien au secret professionnel »,
fustige-t-il.
Décidément, la chambre haute en prend pour son grade. Et Vincent Nioré
est loin de calmer le jeu. « Les sénateurs seraient avisés de consulter
Robert Badinter. S’il n’avait été le sénateur pour lequel j’ai la plus grande
admiration, je réclamerais aujourd’hui la disparition du Sénat, qui ne sert à
rien, et qui fait la démonstration de son incurie sur une valeur fondamentale
qui est l'essence même de la profession d’avocat ! », tance
le vice-bâtonnier élu du barreau de Paris.
Il en est certain : la réforme sera invalidée, car on ne peut pas
exclure par définition le secret du trafic d’influence, de la fraude fiscale,
de la corruption et du blanchiment, « qui sont les infractions tartes à
la crème pour entrer dans un cabinet d’avocat ».
La fin des cabinets d’avocats
sanctuaires ?
Vincent Nioré mentionne par ailleurs un rôle qu’il connaît bien, celui
du bâtonnier. À ce titre, il tient à nuancer le rôle de la chambre criminelle,
laquelle a institutionnalisé, en 2013, le rôle du bâtonnier comme protecteur
des droits de la défense. L’avocat suit le raisonnement suivant : toucher
au secret, c’est toucher aux droits de la défense. Or, les droits de la défense
sont constitutionnels. « Toucher au secret, dont on nous dit qu’il n’a
pas valeur constitutionnelle, c’est donc toucher à une valeur constitutionnelle »,
soutient-il.
Le bâtonnier a un « rôle fondamental » : c’est
l’acteur qui est sollicité en matière d’écoutes et de perquisitions, celui qui
est sur place pour défendre le secret professionnel dans les cabinets d’avocats,
quelle que soit la gravité de l’infraction commise. « On ne peut pas, à
travers la réforme, nier ce rôle, remettre en cause la défense »,
proteste le vice-bâtonnier élu du barreau de Paris, qui déplore que les
cabinets d’avocats soient de moins en moins considérés comme des sanctuaires.
Pourtant, spécifie-t-il, des magistrats ont œuvré pour renforcer le
secret. À l’instar de Jean-Michel Hayat qui, lors d’une université d’hiver, en
2014, alors président du tribunal de grande instance de Paris, avait enjoint à
« élargir la réflexion sur la recherche de la preuve à l’occasion d’une
perquisition au cabinet d’une personne soumise au secret professionnel ». Et
ajouté : « Ne serait-il pas concevable de préciser ce que l’on
recherche quand on entend soumettre à une telle investigation une personne sur
laquelle pèse une suspicion alors qu’elle est précisément, par son activité,
astreinte au secret professionnel ? En clair, pour les professions
protégées par la loi, cela supposerait un travail plus fin, moins aléatoire,
plus objectivé, et en amont de la perquisition envisagée. »
Par ailleurs, jusqu’alors, une perquisition ne pouvait être ordonnée
dans un cabinet d’avocat qu’en présence d’indices préalables de la
participation de l’avocat à la commission d’une infraction.
Cela dit, aujourd’hui, le texte du projet de loi est critiqué en ce
qu’il permettrait d’effectuer des perquisitions chez un avocat en l’absence de
toute présomption de participation de l’avocat à une fraude, rapporte Jacques
Taquet, avocat, président de la commission des affaires européennes et
internationales du Conseil national des barreaux et président de la commission
fiscale du Conseil des barreaux européens. « Or, ceci jusqu’ici a
toujours constitué la frontière de ce qui pouvait légitimer une perquisition
dans un cabinet d’avocat, frontière validée à plusieurs reprises par la Cour
européenne des droits de l’Homme », avance-t-il.
Au-delà, estime Jacques Taquet, le texte est critiquable en ce qu’un
justiciable qui se confie à un avocat doit pouvoir le faire sans crainte que ce
qu’il a confié par écrit ou à l’oral soit un jour utilisé contre lui et serve
de fondements à des poursuites. « En d’autres termes, le secret est le
corollaire du droit qu’a le justiciable de ne pas contribuer à sa propre
incrimination, et c’est pourquoi les autorités ne sauraient obtenir des
éléments de preuve par la contrainte chez l’avocat au mépris de la volonté de
l’accusé. » Si ce texte devait prospérer, il occasionnerait de
nouveaux contentieux, argue l’avocat, car si le secret professionnel de
l’avocat n’a toujours pas de valeur constitutionnelle en France, en revanche,
les lois françaises sont soumises aux traités qui ont une valeur supérieure à
la loi. « Or, tant la Convention européenne des droits de l’homme que
la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne protègent le secret de
l’avocat, et pas seulement sur le terrain du contentieux, mais également sur le
terrain de la possibilité de se confier à un professionnel du droit pour
obtenir un conseil », relève-t-il.
Obligations déclaratives
à l’administration fiscale VS secret professionnel
Pour Jacques Taquet, le problème est d’abord de fournir plus de moyens
humains et matériels à la justice économique, et de continuer à former les
enquêteurs, « mais ce n’est pas dans les cabinets d’avocats que les
enquêteurs doivent venir chercher et faire leur métier ». En tant
qu’avocat fiscaliste, il témoigne : « les pouvoirs publics
s’intéressent à nous car la fiscalité, ce sont les finances publiques, d’où une
tentation très forte de neutraliser l’avocat en bridant son activité par
différents mécanismes de nature à créer des conflits d’intérêt entre lui et son
client, avance-t-il sans mâcher ses mots. L’avocat est ainsi invité à
mettre ses compétences et sa créativité sous cloche et à organiser sa pensée,
en vue, le moment venu, de collaborer avec les pouvoirs publics dans l’intérêt
des finances publiques qui, en l’état actuel, doivent prévaloir sur les
intérêts particuliers. Finie l’approche libérale de la Déclaration des droits
de l’homme et du citoyen, qui invitait le citoyen à la résistance à la pression
de l’État et de l’impôt : faites du droit, oui, mais dans l’intérêt
prioritaire de la collectivité, à défaut vous serez montrés du doigt. »
Pour autant, tout n’est pas si noir : la profession a récemment
obtenu un arrêt favorable, « première bonne nouvelle de ce congrès »,
plaisante Jacques Taquet. Il s’agissait ici de la directive européenne
Dac 6, laquelle impose de nouvelles obligations visant à déclarer des
dispositifs transfrontières potentiellement « agressifs » au plan
fiscal. « La question posée était de savoir si en transposant la
directive, la France ferait de l’avocat un agent transmetteur d’informations.
La directive laissait aux États membres le soin de faire ce qu’ils voulaient.
La France s’est engouffrée, et n’a pas hésité à faire de l’avocat un déclarant »,
explique Jacques Taquet. Les avocats sont donc sommés de déclarer à
l’administration fiscale les montages légaux réalisés par leurs clients mais
qui pourraient éventuellement présenter un risque d’évasion fiscale... tout en
étant tenus au secret professionnel. Conséquence : impossible pour ces
derniers d’assurer ultérieurement la défense de leurs clients si ceux-ci font
l'objet d’un redressement, puisqu’ils auront nourri le dossier des enquêteurs
sur la base d’un document réputé à charge. Ceci conduirait forcément à un
conflit d’intérêts entre l’avocat et son client. « Heureusement, nous
avons obtenu, le 25 juin dernier, un arrêt du Conseil d’État qui renvoie à la Cour de
justice de Luxembourg une question préjudicielle sur la non-conformité de la
directive au droit primaire de l’Union en ce qu’elle aurait dû trancher la
question du secret de l’avocat et ne pas laisser aux États membres la possibilité
de faire des avocats des agents collecteurs d’informations. » Est-ce que la coopération entre États membres nécessite de
porter atteinte au droit à un procès équitable, au respect des correspondances
privées et au secret professionnel des avocats ? Cette atteinte est-elle
proportionnelle au but recherché ? Telles sont les questions que devra
trancher la CJUE.
Deal ou pas deal ?
Si lors de la cérémonie officielle, Jérôme Gavaudan
indiquait qu’il n’y avait pas deux types de secrets, mais une « unicité
de secret » professionnel, de son côté, en clôture de plénière, la
députée et membre de la commission des lois Laetitia Avia, avocate de
formation, le revendique : il n’y a qu’un seul type d’avocat. « Un
avocat conseil, ça n’existe pas, tout comme un avocat de la défense, ça
n’existe pas. Ou alors, tout avocat est un avocat qui conseille et tout avocat
assure la défense des intérêts de son client. À partir du moment où le client
décroche le téléphone, où il entre dans un cabinet d’avocat, on est à la fois dans
cette fonction de défense et de conseil, car nous mettons corps et âme dans la
défense des intérêts de ce client : il n’y a pas de différence entre ces
deux aspects de la profession. » Une conviction qu’elle a « chevillée
au corps » depuis son mandat de secrétaire générale de la commission
Darrois sur la grande profession du droit, en 2008-2009, et que ses collègues
parlementaires (Stéphane Mazars, Raphaël Gauvain, Naïma Moutchou) ont « portée
avec force dans le cadre des débats parlementaires, à l’Assemblée nationale ».
La députée raconte les négociations ardues pour
aboutir à un « consensus entre parlementaires de tous bords »
et les « nombreuses réunions » avec le garde des Sceaux.
« Une fois qu’Éric Dupond-Moretti a été
convaincu, il a fallu qu’il fasse à son tour ce travail de conviction auprès
des services – étape sans doute le plus difficile, mais il l’a fait. »
Alors que le ministre de la Justice a été critiqué pour ne pas avoir tranché,
en donnant au Sénat un avis de sagesse, ni favorable ni défavorable, Laetitia
Avia rappelle l’existence de « la solidarité gouvernementale ».
Elle prévient : « Là où il va y avoir une difficulté, c’est dans
la dernière étape : convaincre Bercy et les sénateurs ». Mais la
députée reconnaît qu’il s’agit surtout de les convaincre « dans une
certaine mesure, puisque tout va se régler dans le cadre de la commission mixte
paritaire, et ça, c’est du travail parlementaire. Certes il y aura
sept députés, sept sénateurs, mais en réalité, trois personnes vont
fixer le tempo : la présidente de la commission des lois, le rapporteur et
la porte-parole de la majorité – votre serviteure – et nos homologues au Sénat.
On va discuter, on va essayer de se mettre d’accord, il y aura deal ou pas. »
Car pour Laetitia Avia, le secret professionnel peut tout à fait faire partie
d’un accord politique. « Il y a des éléments auxquels les sénateurs
tiennent et auxquels je ne tiens absolument pas, donc s’ils les veulent dans le
texte, il va sûrement falloir qu’ils négocient le secret professionnel !
Oui, on va faire de la négociation, mais je crois qu’on va pouvoir aboutir sur
ce sujet », assure la députée, confiante. Et si ce n’est pas le cas,
ce n’est pas grave, dit-elle : il n’y aura pas de commission mixte paritaire
conclusive. « On prendra plus de temps pour obtenir l’adoption de ce
texte. L’Assemblée nationale aura le dernier mot quoi qu’il en soit. »
Laetitia Avia plaide pour un secret professionnel « qui
défend le justiciable, le citoyen avant tout. C’est quelque chose dont nous
avons profondément besoin dans notre État de droit aujourd’hui. » Un
avis largement partagé par Marc Mossé. Le président de l’Association française
des juristes d’entreprise (AFJE) considère que le secret professionnel et la
reconnaissance de la confidentialité pour les juristes d’entreprise font partie
du « même combat » : « Ce qui se joue devant
nous, c’est un enjeu de pouvoir et notre rapport à ce qu’est l’État de
droit. »
Bérengère Margaritelli