ÉCONOMIE

Avec un bilan semestriel décevant, Stellantis s'est attiré les foudres de ses actionnaires

Avec un bilan semestriel décevant, Stellantis s'est attiré les foudres de ses actionnaires
Publié le 04/09/2024 à 15:30

Les résultats financiers du groupe automobile Stellantis étaient au plus mal au premier semestre 2024. Des résultats qui ont provoqué la colère de quelques investisseurs puisqu’ils viennent d’attaquer en justice le groupe, l’accusant de les avoir trompés. Cette première réaction a été suivie d’une autre plainte d’actionnaires, cette fois-ci, dans l’affaire du « Dieselgate ». 

Le 15 août dernier, une plainte d’actionnaires américains de Stellantis est déposée au tribunal fédéral de Manhattan, rapporte l’agence Reuters. Les investisseurs accusent le groupe, fort de 14 marques et né de la fusion de Fiat Chrysler et PSA, d’avoir artificiellement gonflé le cours de ses titres, durant une partie du premier semestre 2024. Les investisseurs suspectent Stellantis d’avoir réalisé des évaluations « extrêmement positives », pour empêcher la dégringolade de son titre, en bourse.

Les plaignants réclament des dommages et intérêts, sur la période allant de février à juillet 2024, au groupe franco-italo-américain qui détient de grandes marques telles que Citroën, Opel, Peugeot, Fiat ou encore Alfa Romeo. Le 28 août, une seconde action en justice est amorcée par d’autres actionnaires du groupe. Cette fois-ci, ils accusent Stellantis de leur avoir caché l’utilisation de logiciels illégaux, permettant de falsifier les résultats d’émission des véhicules diesel. Ces deux plaintes s’inscrivent dans un climat social et financier de plus en plus conflictuel au sein du groupe, et plus particulièrement sur le marché nord-américain.

Un premier semestre 2024 à la peine

Depuis sa création en 2021, Stellantis avait toujours enregistré une forte croissance. Le groupe atteignait même des records au cours de l’année 2023. Mais le vent semble avoir tourné pour le constructeur qui, en juillet dernier, annonçait des résultats en berne. Au cours du premier semestre 2024, Stellantis observe une baisse de livraison de véhicules de 18 %, une diminution de son chiffre d’affaires net de 14 % et un bénéfice net en chute libre de 48?% (soit une perte de 5,6 milliards d’euros). Aussi, son résultat opérationnel chute de 40,1 %, quand sa marge opérationnelle courante s’établit à 10 % pour le premier semestre 2024, contre 14,4?% au premier semestre 2023. En revanche, la marge opérationnelle courante du groupe demeure élevée pour le secteur automobile.

Selon le groupe, la baisse significative de ses résultats s’explique en partie par les difficultés rencontrées sur le marché nord-américain. Cette région préoccupe particulièrement Stellantis, car elle enregistrait les meilleures performances du consortium, au cours des dernières années. Or, durant le premier semestre 2024, le chiffre d’affaires issu du marché nord-américain s’est abaissé de 16,5 % tandis que sa marge opérationnelle a fondu de 11,4 %. Selon le constructeur, cette contreperformance outre-Atlantique s’expliquerait par un recul du volume des ventes, par des effets de change défavorables, mais aussi par des restructurations internes. Un coup dur pour Stellantis, même si le marché nord-américain reste le premier pour le groupe, puisqu’il cumule 45 % de ses ventes.

Le directeur général de Stellantis, Carlos Tavares, n’a pas caché sa déception, dans un communiqué de presse publié le 25 juillet dernier : « Je ne suis pas satisfait des résultats du premier semestre. Si vous n’avez pas de profits récurrents pour investir dans de nouveaux produits que veulent acheter les clients, vous disparaissez ». Des résultats décevants que le PDG de Stellantis justifie par « un contexte industriel difficile » et des « difficultés opérationnelles ». Malgré les inquiétudes, le groupe reste positif et déclare : « Nous restons profitables aux États-Unis, avec une rentabilité à deux chiffres. Carlos Tavares est là pour améliorer la performance et relancer un peu la mécanique, parce que c’est le premier centre de profits pour Stellantis ».

Il convient de noter que le cas de Stellantis s’insère dans une tendance de marché plus globale. En effet, pour ce premier semestre 2024, le marché mondial de l’automobile a enregistré une stabilisation de ses résultats, alors que, lui aussi, avait vu ses chiffres atteindre des record l’an dernier. Du côté du marché français, la tendance était dynamique en début d’année, avant d’observer un ralentissement de plus en plus marqué, jusqu’au mois d’août 2024. Ainsi, selon la Plateforme automobile (PFA), qui rassemble la filière automobile en France, le marché des véhicules particuliers a observé une chute de 24,3 % des immatriculations, en août dernier. Et ce déclin du marché de l’automobile neuf pourrait durer, comme l’explique, à l’agence Reuters, Marc Mortureux, le directeur général de la PFA : « On ne voit pas aujourd'hui d'éléments qui pourraient permettre un rebond rapide à la rentrée. Dans le contexte économique actuel, le consommateur a plutôt tendance à épargner, et la fin de l'année va dépendre aussi du contexte ».

Des actionnaires américains accusent Stellantis de tromperies et l’attaquent en justice

Après l’annonce des résultats financiers de Stellantis, son cours en bourse a mécaniquement chuté. Le titre avait pourtant atteint un niveau historique en mars dernier, avant de s’effondrer cet été. Ainsi, l’action de Stellantis est passée de 27 euros à 14 euros, au mois d’août. Et les déclarations optimistes de Stellantis, après la publication de ses résultats, ne suffisent pas à apaiser la colère des actionnaires américains du groupe. Face à une telle chute libre du prix de l’action, certains investisseurs américains ont engagé des poursuites pour « déclarations trompeuses ». Les plaignants accusent Stellantis d’avoir artificiellement gonflé ses résultats au cours du premier semestre 2024, alors que ces derniers étaient médiocres. Le groupe aurait réalisé des évaluations « extrêmement positives » de ses stocks de voitures et de pièces détachées, de ses nouveaux produits et de sa marge opérationnelle.

Cette supposée manipulation aurait permis au titre de Stellantis, côté aux bourses de Paris, New-York et Milan, de ne pas dégringoler. De fait, une chute de son action boursière aurait pu faire fuir les actuels ou les futurs investisseurs. Toujours selon les actionnaires mécontents, cette « tromperie » aurait été révélée au grand jour quand, en juillet dernier, le groupe a annoncé la chute vertigineuse de ses résultats. Mais face aux accusations, Stellantis ne semble pas s’alarmer, en témoigne la déclaration du porte-parole du groupe : « C’est quelque chose d’habituel dès qu’il y a une variation importante du cours en Bourse. Leurs griefs sont sans fondement ». Dans un communiqué de presse transmis à l’agence Reuters par mail, Stellantis a fait savoir que « l'entreprise a l'intention de se défendre vigoureusement ».

Un climat nord-américain globalement tendu pour le constructeur

Cette plainte de plusieurs actionnaires américains est déposée alors que le groupe automobile rencontre de multiples difficultés outre-Atlantique. Afin de redresser les comptes nord-américains du groupe, la direction a annoncé la suppression de 2 450 postes sur 3 700, dans l’usine américaine de Warren, dans le Michigan, au début du mois d’août dernier. Ces licenciements prendront effet en octobre prochain. Mais l’annonce a provoqué la colère du puissant syndicat américain United Auto Workers (UAW), qui en tient pour responsable Carlos Tavares. « Ils pratiquent des prix abusifs, ils sont allés trop loin et ont plombé leurs propres ventes. Pendant ce temps, Tavares augmente son propre salaire de 56 % tout en licenciant des milliers d’ouvriers du secteur automobile. Si n’importe quel ouvrier du secteur automobile faisait un travail aussi minable que Carlos Tavares, il serait viré », déclarait Shawn Fain, le président du syndicat automobile UAW, après l’annonce de la vague de licenciements dans le pays.

Shawn Fain avait aussi menacé d’organiser une nouvelle grève. Une menace déjà mise en application en 2023, puisqu’un mouvement social avait partiellement immobilisé les usines américaines du groupe pendant plus d’un mois et avait fait perdre quelque 750 millions d’euros de profit à Stellantis. Face au manque de rentabilité du groupe en Amérique du Nord et face aux tensions sociales grandissantes, Carlos Tavares s’est rendu en urgence, le 20 août dernier, à Détroit dans l’objectif d’établir une stratégie de pérennisation de la situation.

Une autre action en justice ouverte en Hollande

En plus des tensions nord-américaines, Stellantis doit faire face à des frictions latentes en Europe. En effet, une autre plainte d’actionnaires a été déposée cet été, contre la compagnie. Elle émane de la Fiat Chrysler Investors Recovery Stichting (FCIRS), une fondation à but non lucratif qui regroupe plusieurs investisseurs de Stellantis. La FCIRS a engagé le 28 août dernier une action en justice collective, aux Pays-Bas, reprochant au groupe d’avoir falsifié les résultats d’émission de ses véhicules. Pour rappel, Fiat Chrysler USA, filiale américaine de Stellantis, avait plaidé coupable en 2022 et avait accepté de payer 300 millions de dollars pour avoir triché sur les résultats d’émission de ses véhicules diesel. Mais selon la FCIRS, le groupe automobile aurait omis de signaler à ses investisseurs l’utilisation de logiciels illégaux permettant la falsification, au rabais, des émissions.

Ainsi, selon le communiqué publié le 28 août par le cabinet d’avocats Scott + Scott qui représente les plaignants, Stellantis aurait « désinformé les investisseurs sur l’utilisation d’un logiciel automobile illégal (…) conçu pour blanchir les émissions des véhicules » et « trompé pendant des années les régulateurs et le grand public ». Toujours selon le communiqué, ces omissions auraient eu lieu entre 2014 et 2017 et auraient « pénaliser de manière significative les investisseurs achetant et/ou détenant des actions Fiat Chrysler » à la bourse de Milan, ajoute le cabinet Scott + Scott.

Pour Flip Schreurs, le président de la fondation FCIRS, « il est grand temps que le constructeur automobile soit tenu pour responsable par le biais de cette action collective ». Le communiqué appelle tous les investisseurs ayant acheté ou détenu des actions de Fiat Chrysler à la bourse de Milan entre octobre 2014 et mai 2017 à se joindre à l’action collective. Selon Jan-Willem de Jong, avocat associé du cabinet Scott + Scott, le tribunal hollandais devrait rendre sa décision sur les suites de cette plainte le 4 décembre prochain.

Inès Guiza


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