Déboutés jeudi dernier par le
tribunal de Nanterre, les héritiers de la légende du foot argentin réclament toujours l'annulation de la vente aux enchères du trophée, estimant que son actuel détenteur ne peut être considéré comme le possesseur de bonne foi. Dans l'attente de la décision de la cour d'appel de Versailles, la maison de ventes a décidé de reporter la mise aux enchères, en raison du « climat litigieux ».
« Le seul endroit où
devrait se trouver ce Ballon d’Or, c’est en Argentine ou à Naples. » L’avocat
qui représente la famille de Maradona, Gilles Moreu, est formel, ce trophée ne
devrait pas appartenir à d’autres personnes que les héritiers du mythique
joueur de football argentin décédé en novembre 2020. Pourtant, la situation est
bien différente de celle espérée par le clan Maradona, puisque l'« Adidas
Golden Ball » – récompense décernée au meilleur joueur d’une Coupe du monde –
que Diego Maradona avait remporté en 1986 devrait très bientôt être mis aux enchères pour un prix de
plusieurs millions d’euros par la Maison Aguttes.
Les héritiers de la
légende argentine, qui ont appris la nouvelle début mai, ont bien tenté de
faire annuler la vente, affirmant que le Ballon d’Or de leur père avait été
volé. Toutefois, les efforts de la famille de celui que l’on surnommait El
Pibe de Oro (Le gamin en or) pour contester le maintien de la vente
aux enchères se sont principalement appuyés sur des « coupures de
presse relatant l’existence d’une plainte déposée du vivant de Maradona »,
nous explique Gilles Moreu. Résultat, le tribunal de Nanterre a jugé que
cela ne constituait pas un argument suffisamment probant. « La preuve
de l'existence de ce vol ne saurait reposer uniquement sur des articles de
presse », a estimé la chambre des référés.
À la suite de cette
décision, la famille de l’ancien joueur, qui avait fait les beaux jours du SSC
Napoli, a décidé de faire appel devant la cour d’appel de Versailles, laquelle a
examiné le dossier ce lundi 3 juin. Mais le recours en appel des
héritiers a suffi à convaincre la maison de ventes aux enchères Aguttes, dont le communiqué décrit un « climat litigieux », de reporter, à une date indéterminée,
la vente du « Adidas Golden Ball », initialement prévue pour le 6
juin.
Un cambriolage de la mafia
napolitaine derrière le vol du Ballon d’Or ?
Mais alors, comment ce
prestigieux trophée a-t-il pu atterrir dans une vente aux enchères à Paris ?
Selon Pablo Lapeña, journaliste sportif, l'histoire est pour le moins insolite :
« Lors de la Coupe du monde 1986, Maradona avait quasiment porté l’Argentine
à la victoire à lui seul. En reconnaissance de cette performance
exceptionnelle, la FIFA, en partenariat avec France Football, a décidé de lui
décerner un Ballon d’Or spécial, récompensant le meilleur joueur de la
compétition. »
Une récompense unique que
l’iconique meneur de jeu récupérera en novembre de la même année, lors d’une
cérémonie au cabaret parisien du Lido, avant de repartir à Naples, « où
il placera le Ballon d’Or dans une banque ». Mais en octobre 1989,
cette même banque se fera « braquer par la mafia napolitaine, la
Camorra, et le trophée sera dérobé ». Diego Maradona essaiera tout de
même de le retrouver, mais « on lui aurait dit que l’on avait fondu sa
récompense pour en récupérer l’or ».
Mais en 2016, surprise :
le Ballon d’Or refait surface, « un peu par hasard », raconte Pablo
Lapeña. « Un ancien galeriste et antiquaire l’a acheté, par chance, dans un
lot de quincaillerie, sans savoir ce qu’il avait trouvé. Ce n’est que quelques
mois plus tard, en effectuant des recherches et en découvrant des photos de
Maradona avec le trophée, qu’il a compris sa véritable valeur. » Après s’en
être rendu compte, le galeriste a d'abord tenté de contacter la famille de
Maradona puis Adidas, mais sans succès. Résigné, il a finalement décidé de
mettre le trophée aux enchères, « malgré les efforts tardifs de la
famille pour annuler la vente », précise le journaliste.
« Les légendes restent
des légendes et, comme Diego était une légende, c’est normal qu'elles existent »
La maison de ventes aux
enchères Aguttes évoque une autre théorie dans un communiqué, suggérant que
Diego Maradona aurait oublié le trophée le soir même de la cérémonie de remise
du Ballon d’Or à Paris. Gilles Moreu réfute fortement cette possibilité : « Ce
n’est pas très sérieux. Il n’est pas venu au Lido pour recevoir un Ballon d’Or
et l’oublier immédiatement après. Surtout qu’au lendemain du cambriolage,
Maradona avait fait une réclamation pour savoir ce qui lui avait été volé, et
ce trophée figurait sur la liste. »
L'avocat des héritiers de
Maradona soutient également que « l’existence [des articles de presse
mentionnant ce vol] suffit à prouver le cambriolage, avec des photos, le numéro
des coffres, et le nom de l’officier de la police judiciaire qui était chargé
d’instruire la plainte, ainsi que le nom de l’avocat, prouvant que Maradona
avait effectivement placé son trophée dans l’un des coffres ».
Avec de nouvelles preuves à
l’appui, l’avocat espère que « le juge en appel nous permettra au moins de
retirer ce Ballon d’Or de la vente ». Selon lui, nier l’existence de ce vol
en inventant des « légendes propagées par certaines personnes, probablement
dans l'intérêt de la maison de ventes, ne sont que des fantaisies. Les légendes
restent des légendes et, comme Diego était une légende, il est normal qu'elles
existent. »
Romain
Tardino