Bruno Lasserre, vice-président du Conseil
d’État, étaient venu dévoiler le bilan du tribunal administratif de Versailles
lors d’une conférence de presse, le 21 septembre dernier. L’occasion surtout de
faire le bilan des mesures phares portées par la juridiction administrative ces
dernières années.
« La juridiction administrative dans son
ensemble a opéré depuis quelques années un virage très réussi, mais très
ambitieux », se félicite le vice-président du Conseil d’État, en écho à la
transformation numérique, lors de cette conférence de presse « On l’oublie,
mais c’est une réalité : aujourd’hui, le tout papier, c’est fini. »
Hausse
constante de l’utilisation des applications Télérecours et Télérecours Citoyen
Bruno Lasserre dresse aussi le bilan d’un taux de recours
volontaire via les applications Télérecours et Télérecours citoyen en constante
hausse au niveau national : 13 % en 2019, 25 % pour 2020 et pour le premier
trimestre de 2021. Sur cette dernière période, à Versailles, 80,1 % des
requêtes déposées devant la cour administrative d’appel ont été faites en ligne
sur les deux applications, et 68 % pour le tribunal administratif.
L’objectif de ce service, rappelle Bruno Lasserre, est de
transmettre de manière électronique, les requêtes des avocats et des
administrations aux juridictions administratives, c’est-à-dire au Conseil
d’État, à la cour administrative d’appel et aux tribunaux administratifs.
L’application a été déployée à l’ensemble des juridictions de la métropole en
décembre 2013, après une période d’expérimentation, puis étendue au cours de
l’année 2015, dans les territoires et départements d’outre-mer. Depuis le 1er
janvier 2017, son utilisation est obligatoire pour tout avocat et tout représentant d’une administration ou d’une collectivité locale
relativement importante.
Après le succès de Télérecours, a été mise en place, dès
mai 2018, l’application Télérecours Citoyen dans trois juridictions pilotes :
les tribunaux administratifs de Cergy-Pontoise et de Melun, et la section du
contentieux du Conseil d’État. L’application a ensuite été étendue à toutes les
juridictions à partir du 30 novembre 2018. Ce site doit permettre à tout
justiciable non représenté par un avocat de saisir la justice administrative.
Le site, entièrement gratuit, est accessible 7 jours sur 7, 24h sur 24. Selon
les chiffres du Conseil d’État, un tiers des personnes éligibles ont utilisé
l’application. Selon Bruno Lasserre, ces applications permettent de gagner du
temps « en supprimant les temps morts,
comme par exemple le temps d’envoi, lorsque cela se fait par courrier. Mais la
numérisation ne permet pas de traiter les demandes plus rapidement. »
Lors de sa visite à Versailles, le vice-président du
Conseil d’État explique avoir reçu et rencontré des avocats, notamment du
barreau de Versailles et d’Évry, « qui
plébiscitent cette application, aujourd’hui très simple d’accès et
d’utilisation et qui dispense les avocats et l’administration d’utiliser le
papier ».
La médiation comme alternative aux juges
42 médiations ont été lancées au tribunal administratif
de Versailles en 2021, pour des affaires de tous types. Il y a moins de recours
en appel devant la cour administrative d’appel car, par définition, les parties
sont déjà passées devant un juge, il est donc plus difficile de convaincre le
gagnant d’avoir recours à une médiation. Cependant, Terry Olson, président de
la CAA Versailles, tient tout de même à en faire un axe prioritaire.
La demande en justice est en constante évolution,
seulement il n’y a pas assez de juges pour satisfaire toutes les demandes. Pour
pallier ce manque, la juridiction administrative souhaite donc développer la
médiation comme mode alternatif de règlement des litiges, afin d’éviter de
régler tous les contentieux devant le juge. Bruno Lasserre en profite pour
aborder le sujet de la médiation qui lui tient à cœur : « Dans beaucoup de cas, un accord vaudrait mieux qu’une saisine du juge
» indique-t-il.
L’objectif
est de mettre en place des médiations permettant de trancher un certain nombre
de désaccords, par l’intermédiaire d’un médiateur ; pour définir des solutions
plus faciles à exécuter car elles reposent sur un accord entre les parties au
litige. « C’est tout de même un
changement culturel, passer de la culture de l’affrontement devant un juge, à une culture du compromis, de l’accord qui va
être trouvé autour d’une table une solution qui convient aux deux parties » estime le
vice-président. La procédure de médiation est encadrée par la loi du 18 novembre 2016 sur la modernisation de la justice du
XXIe siècle.
À la
suite d’une médiation, de nombreux justiciables ont renoncé à aller devant le
juge suite à un accord trouvé durant la médiation. En effet, nombre de cas
menés devant le juge résultaient d’un manque de compréhension. Pour Terry
Olson, « la médiation renvoie aussi,
quelque part, à l’idée que certains litiges, certes minoritaires, procèdent
d’un déficit de communication entre certaines parties ».
Des
médiations obligatoires ou facultatives
Deux formes
de médiation vont être mises en place. La médiation préalable obligatoire
(MPO), « c’est-à-dire que le justiciable ne peut venir devant la
juridiction que s’il a la preuve d’avoir tenté de résoudre le litige par une
voie de négociation » explique
Bruno Lasserre. La MPO est actuellement expérimentée dans trois domaines sur
certains territoires pour « voir si ça marche » : dans le cadre de Pôle emploi, des contentieux sociaux et des contentieux de la fonction
publique.
La deuxième forme de médiation est facultative, mais a
pour but d’encourager la médiation dans certains cas : « c’est un instrument très utile lorsqu’il y a une relation entre les
deux parties qui est amenée à durer, par exemple entre un employeur public et
un fonctionnaire ou entre deux voisins » explique Jenny Grand d’Esnon,
présidente du tribunal administratif de Versailles. Cela peut se faire via
l’habilitation d’un juge si ce dernier estime que le dossier se prête bien à
une médiation.
Le sujet est en discussion au Sénat afin que la loi sur la confiance
dans l’institution judiciaire comporte des amendements pour rendre permanente
la MPO dans un certain nombre de cas.
Tina Millet