ACTUALITÉ ÎLE-DE-FRANCE

CHRONIQUE. (78) Tribunal de Versailles : « J'étais abstinent depuis des semaines... »

CHRONIQUE. (78) Tribunal de Versailles : « J'étais abstinent depuis des semaines... »
Publié le 22/07/2024 à 16:56
Devant la 6e chambre correctionnelle versaillaise, un barbecue trop arrosé dégénère en violences et se termine avec 22 mois ferme.

« Vous l'avez rencontré en cure... Une cure thermale ? », demande un avocat à Simon L.. Bien sûr que non. C'est bien en cure de « désintox » qu'il a croisé John F.. Puis, il a enchaîné avec une postcure de deux mois. Cette dernière était finie depuis moins de quinze jours lorsque les deux copains se sont retrouvés pour un barbecue.

Ensemble, ils ont descendu quelques bières, et un bon litre de whisky. Et puis, Simon L. a commencé à faire des avances à la compagne de John F. lorsque ce dernier avait le dos tourné, notamment en posant une capote bien en évidence sur la table basse. Quand un ami du couple est passé leur rendre visite, il a eu l'outrecuidance de ne pas dire bonjour à Simon L., lequel a dégoupillé illico.

Il s'est battu avec l'importun, tandis que la compagne de John F. emmenait les enfants dans leur chambre, puis mettait la musique à fond pour couvrir les cris. Après avoir mis un coup de tête et un coup de poing, Simon L. a fait une clé d'étranglement à John F. et s'est saisi d'une faucille. L'autre l'a fait tomber et l'a étranglé à son tour. Alors Simon L. lui a mis un coup sur la tête avec la bouteille vide (7 jours d'ITT).

Lorsque les gendarmes sont arrivés, il avait toujours à la main la faucille avec laquelle il venait de casser la porte vitrée de la chambre des enfants. « Ils racontent qu'à leur arrivée, vous étiez fortement alcoolisé », euphémise la présidente, « et que vous avez agité la faucille en leur direction en faisant mine de la jeter ». Il a aussi, par la même occasion, agoni les gendarmes d'injures, notamment raciales.

« J'avais trop bu », indique Simon L. à la barre : « J'aurais pas dû boire. J'ai perdu le contrôle, et puis voilà. » La présidente semble trouver ça un peu court. « C'est parti d'une dispute futile, d'une broutille, c'était sûrement de ma faute », ajoute simplement le prévenu, avant d'expliquer que « je me suis laissé tenter, j'étais content de revoir un copain que j'avais rencontré en cure ». Il concède que « j'aurais dû être plus fort, j'aurais pas dû boire d'alcool fort. J'étais abstinent depuis des semaines. » Enfin presque : « J'avais fait un seul écart, j'avais bu deux bières, mais je m'étais repris en main tout seul. »

Il reconnaît tout, à commencer par le traumatisme pour les enfants du couple, âgés de 4 et 6 ans : « J'ai honte d'avoir fait ça, je suis moi-même père d'une petite fille ». « Ça aurait pu redescendre au moment de l'interpellation », relance la présidente, « mais pas du tout ». D'ailleurs, même lorsqu'on lui a notifié ses droits, après dégrisement donc, il est reparti dans les outrages : « Fils de pute, j'encule ta mère, je baise tes filles, va niquer ta grand-mère ». « En fait, vous ne redescendez jamais », résume la présidente. « Je ne m'en rappelle pas bien, mais c'est possible que je l'aie dit », concède Simon L..

« J'ai pas envie d'être incarcéré pendant des mois et des mois... »

Il n'a plus de permis à cause de l'alcool, que l'on retrouve aussi dans toutes ses mentions au casier : il a pris du sursis, puis du ferme, qu'il devait exécuter sous bracelet. Il était même convoqué le lendemain de cette audience pour une énième conduite sous l'empire d'un état alcoolique (et sans permis, donc). Le juge de l'application des peines (JAP) a émis un avis favorable à la révocation de 10 mois de sursis probatoire. « Je vais pas recommencer, proteste Simon L.. J'ai pas envie de tout perdre, d'être incarcéré pendant des mois et des mois, de perdre mon emploi, mon appartement... ».

« Laissez-moi une chance, tente-t-il. En me mettant sous bracelet électronique et en renforçant mon suivi. Je veux pas terminer en prison. J'ai pris conscience que c'est parti trop loin. » « Alors, effectivement, il reconnaît l'intégralité des infractions, entame la procureure. La difficulté, c'est plutôt la peine à prononcer en répression. » Elle estime « qu'aujourd'hui, il a une attitude à porter à son crédit, on voit bien qu'il est affecté et qu'il y a une problématique de souffrances derrière ». Elle réclame 14 mois ferme et 6 mois de révocation.

Place à l'avocat de la défense : « Je retiens tout de même que […] c'est quelqu'un qui était dans une dynamique positive depuis 4 ou 5 mois. Il n'est pas dans le déni et dans le refus de soins. » Il souligne que son client « est traumatisé depuis son enfance. Il a des failles de la personnalité qui relèvent de la psychiatrie et que l'alcool est venu combler. […] Vous allez le déclarer coupable, et j'ai énormément de peine pour lui, parce que ça faisait plusieurs mois que je n'avais plus de nouvelles, et j'en étais très heureux. »

À la reprise, Simon L. écope de 12 mois ferme avec maintien en détention, auxquels s'ajoutent 10 mois de révocation. « Ça veut dire que vous partez pour 22 mois, récapitule la présidente. C'est l'occasion de tout reprendre à zéro. Et pas seulement l'addiction, parce qu'elle révèle autre chose. Il va falloir mettre à profit ce temps-là... »

Antoine Bloch

0 commentaire
Poster

Nos derniers articles