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Comment les grandes crises de l’Histoire changent et réinventent l’humanité ? Un débat au cœur des Rencontres capitales 2021

Comment les grandes crises de l’Histoire changent et réinventent l’humanité ? Un débat au cœur des Rencontres capitales 2021
Publié le 08/12/2021 à 11:46

Du 19 au 21 novembre derniers, l’Institut de France a organisé les Rencontres capitales 2021, une série de discussions auxquelles ont notamment participé les cinq Académies ainsi que vingt Académies de l’Institut de France des sciences étrangères. Au cours d’une trentaine de débats, scientifiques, chefs d’entreprises, responsables politiques, philosophes, artistes… ont décrypté les mutations profondes de notre société et dialogué avec un public d’environ 10 000 personnes. Nous revenons ci-dessous sur la conférence intitulée « Comment les grandes crises de l’Histoire changent et réinventent l’humanité ? » qui s’est tenue dans la matinée du 19 novembre.

 



Depuis dix ans, l’Institut de France coordonne les Rencontres capitales, un grand débat citoyen qui permet à la jeune génération de dialoguer avec des philosophes, des chefs d’entreprises, des compositeurs, des scientifiques, des médecins, des chercheurs, des anciens chefs d’État, des écrivains… afin d’imaginer le monde de demain.

Dans le contexte de la crise sanitaire, ces Rencontres sont essentielles à la vie publique, a souligné Xavier Darcos, chancelier de l’Institut de France, en introduction de l’événement : « cette crise que nous traversons a, en quelques mois, bouleversé nos existences. (…) Dès lors s’imposait l’évidente nécessité de rassembler, au cœur de ce lieu de réflexion et de circulation du savoir, les forces vives et pensantes de la nation, sur ce thème simple “Réinventer ».

Alors que le pays commence à voir la sortie du tunnel, « il s’agit [aujourd’hui] de prendre de la distance, de confronter les points de vue, les perspectives, les expériences afin de mieux les comprendre, mais aussi de retrouver la possibilité de façonner le futur plutôt que de le subir » a-t-il martelé.

Préparer la sortie de crise, répondre aux nouveaux défis, agir pour que la conjoncture actuelle ne soit pas l’occasion de tous les excès, et ce grâce à des débats « tempérés, honnêtes, instruits, respectueux » qui réunissent toutes les disciplines, telles sont, en résumé, les prétentions de ce grand rendez-vous intellectuel.

Cette année, le Conseil scientifique a choisi le thème « Réinventer » comme fil conducteur de toutes les discussions. Pourquoi ce terme ?

Catherine Bréchignac, secrétaire perpétuelle honoraire à l’Académie des Sciences a apporté quelques éléments de réponse.

En naviguant sur le Net, en écoutant les médias, on rencontre souvent le mot « transition » : transition écologique, économique, numérique… Or, une transition, c’est « le passage d’un régime d’équilibre à un autre régime d’équilibre ». Ce qui le caractérise, c’est le laps de temps, plutôt long, pour passer d’un équilibre à un autre, contrairement à la « rupture » qui est instantanée et imprévisible.

Durant le temps que dure une transition, au lieu de se laisser porter par le hasard, il est possible d’agir et d’influer sur ce qu’on veut faire, de s’interroger sur les inventions récentes qui provoquent la transition. Celles-ci sont-elles utiles, néfastes, inutiles ?

Bref, une transition – et plus largement le temps de la crise – peut-elle être l’occasion pour l’humanité de se réinventer ?

 






Frédéric Houssay, Yves Coppens, Nicolas Grimal, Jean-Marc Aveline, Olivier Babeau et Xavier Darcos




 

COMMENT LES GRANDES CRISES DE L’HISTOIRE CHANGENT ET RÉINVENTENT L’HUMANITÉ ?

C’est justement autour de cette question qu’ont échangé, lors d’une conférence animée par Frédéric Houssay, coach et essayiste, Jean-Marc Aveline, docteur en philosophie et théologie, archevêque de Marseille, Olivier Babeau, économiste, essayiste, président de l’Institut Sapiens, Yves Coppens, paléontologue, membre de l’Académie des Sciences, Xavier Darcos, chancelier de l’Institut de France et Nicolas Grimal, historien, archéologue et égyptologue.

Avec la crise du coronavirus, « il y a cette prise de conscience collective de notre vulnérabilité » a commencé Frédéric Houssay. Et ce d’autant plus que cette crise en côtoie d’autres : crise climatique, environnementale, migratoire, politique, du religieux.

Le progrès a souvent permis à l’humanité de faire face aux défis de son époque, est-ce le cas encore aujourd’hui ? L’humanité est-elle en train de se réinventer ?

Plus précisément, s’est interrogé l’essayiste, les crises sont-elles nécessaires pour faire avancer le monde et indispensables au développement du vivant ?

 

 

Un monde vivant et une histoire universelle en perpétuel mouvement

Pour le célèbre paléontologue Yves Coppens, reconnu internationalement pour la codécouverte de l'australopithèque Lucy en Éthiopie, les crises participent parfois au changement, accélèrent les choses, mais « elles ne sont pas forcément nécessaires pour faire avancer la société et les évolutions générales de ce monde vivant dans lequel nous vivons ».

Mais d’abord, qu’appelle-t-on une crise ? À l’échelle des millénaires, peut-on parler de grandes étapes complexes qui ont permis à l’environnement de se régénérer ?

D’abord, les êtres vivants sont adaptés à un certain milieu, installés dans un certain environnement, et peu à peu, leur milieu change. L’être vivant qui était stable dans ce milieu n’est alors plus en équilibre. Il va lui falloir trouver un autre équilibre pour survivre, car « la nature a en effet cette obsession de la survie », a expliqué Yves Coppens.

Cet être vivant va subir des mutations (pour les virus, on appelle cela des variants) et par hasard, à un moment ou à un autre, une de ces mutations sera la meilleure, la plus adaptée dans le nouvel environnement.

Cette espèce va remplacer celle d’avant et devenir « l’espèce suivante » ; cette espèce s’est donc transformée.

De ce point de vue, les crises climatiques et environnementales ont indiscutablement un rôle essentiel dans la transformation de la vie, elles sont en outre régulières et permanentes, a rappelé le paléontologue.

Dès le début de l’univers, ou plutôt de notre perception de l’univers, soit 14 milliards d’années, et depuis le début de la vie (4 milliards d’années), le vivant a connu de nombreux bouleversements. Il y a d’abord eu la matière, puis celle-ci s’est immédiatement transformée en particules, puis en atomes, puis en molécules, bref, « tout change sans arrêt ».

Yves Coppens en est certain : « Demain sera forcément différent d’aujourd’hui. » Il faut cependant rester optimiste, car selon lui, il n’y a « aucune raison de penser que demain sera moins bien qu’aujourd’hui ».

L’historien Nicolas Grimal a ensuite livré son éclairage sur la question.

« Moi je change d’échelle, mais je ne change pas de raisonnement » a-t-il averti.

La question qu’il convient de se poser est la suivante : l’Histoire est-elle une série d’accidents imprévisibles ou bien y a-t-il une logique dans le développement historique ?

Comme son confrère (qui raisonne au niveau du vivant), Nicolas Grimal a affirmé qu’à l’échelle de l’histoire humaine, nous sommes également dans un « développement continu ».

Il existe en effet dans l’Histoire de « grands mouvements » qui ont provoqué des changements irréversibles. Par exemple, au cours du IIe millénaire av. J.-C., l’éruption du volcan à Théra (une île de la mer Égée, aujourd’hui Santorin), dans la Méditerranée orientale, en est un. Personne à l’époque n’aurait pu la prévoir [cette éruption a été une des plus terribles que l'être humain ait jamais connue. L’explosion a fait 20 000 morts et a été estimée équivalente à environ 40 bombes atomiques, soit environ 100 fois plus que l'éruption qui a détruit Pompéi, ndlr]. De toute façon, comme l’a rappelé l’archéologue, les catastrophes sont par nature imprévisibles.

Il est vrai cependant que certaines sociétés essaient depuis longtemps de prévoir les catastrophes, a-t-il précisé.

Ainsi, dans le nord du Pérou, certains territoires sont soumis aux plaques tectoniques, les habitants sont habitués aux éruptions volcaniques. Peu à peu, avant même d’avoir développé les outils modernes, ils ont appris à observer leur environnement pour détecter les signes précurseurs avant les explosions. Les Péruviens de ces régions avaient remarqué qu’une énorme araignée, qui ressemble à une tarentule, avait pour particularité de sortir de terre dès que le danger approchait. Ils vouaient donc un culte à cette araneide.

Il reste que même s’il est possible de prévoir certains phénomènes, est-ce que cela change quelque chose ? Pas vraiment, à en croire l’historien.

Au milieu du 12e siècle avant J.-C., en Méditerranée orientale, il y a eu un mouvement migratoire inédit : des populations caucasiennes ont déferlé sur l’Asie Mineure et la Méditerranée ; il s’agit des premiers Achéens [groupe de populations de langue proto-grecque qui aurait contribué au peuplement de la Grèce antique, ndlr]. Ces derniers ont colonisé la région et ont pris la place des Hittites qui étaient initialement présents.

Les Achéens vont ensuite ériger la ville de Troie [lieu où se déroulent les événements mythiques de la guerre de Troie dans L'Iliade et l'Odyssée d’Homère, ndlr]. Cette ville va être le théâtre de populations qui vont continuer à se répandre sur l’ensemble du bassin méditerranéen. Les Achéens vont descendre vers l’Égypte et la région actuelle du Maghreb où ils sont arrêtés par Ramsès III qui les appelait « les peuples de la mer ».

Durant leur progression, les Achéens vont modifier les cultures autochtones en faisant disparaître certaines civilisations, dont la civilisation ougaritique, qui était jusque-là la plaque tournante de la région. Tous les systèmes d’échanges vont alors être redéfinis.

Vu sous cet angle, on peut donc dire que certains grands mouvements modifient considérablement leur environnement.

Cependant, a nuancé Nicolas Grimal, ces phénomènes d’ampleur ne touchent pas à ce qui est « solide ». Par exemple, l’Égypte n’a pas vraiment été affectée par la migration des Achéens.

Les historiens sont obligés de reconnaître que certaines cultures sont capables d’intégrer les grands bouleversements alors que d’autres non.

« Actuellement, avec la crise, nous vivons sur la peur d’une disparition, le fruit d’un grand bouleversement. Mais l’espèce a toujours su s’adapter, a toujours su évoluer » a-t-il conclu, lui aussi confiant en l’avenir.

 





La coupole de l'Institut de France



 

Les rôles du politique, du religieux et de l’économie face aux grandes crises

L’évolution du vivant (Yves Coppens) tout comme la marche inéluctable de l’Histoire (Nicolas Grimal) semblent échapper au pouvoir humain. Mais ne reste-t-il pas à l’homme le politique, le religieux, mais aussi l’économie pour influencer les choses et faire face aux crises ?

Xavier Darcos, qui fut ministre de l'Éducation nationale dans le premier gouvernement de François Fillon, puis ministre du Travail, des Relations sociales, de la Famille, de la Solidarité et de la Ville, connaît bien les arcanes du pouvoir. Face aux grandes crises de l’Histoire, quel est le rôle du politique ? Peut-on dire avec Chateaubriand qu’il y a un « redoublement de vie » des hommes dans les moments de crise ?

Pour le chancelier de l’Institut de France, ce qui distingue avant tout les crises modernes de celles que l’humanité a connues dans le passé, c’est leur « extrême rapidité » et le fait qu’elles « se produisent d’une manière tout à fait inattendue ». De nos jours, nombre d’événements peuvent produire des crises mondiales. Une guerre, des attentats, l’initiative personnelle d’un terroriste, tout cela provoque « des ondes de choc considérables ». « La crise a aujourd’hui une immédiateté universelle » a-t-il pointé.

On peut même parler de « dyschronie de la crise » du fait de sa brutalité, de sa brièveté et de son immédiateté. Au Ve siècle au contraire, la chute de l’Empire romain d’occident s’est faite progressivement [selon les historiens, la chute n’a pas été brutale. Durant un siècle, l’Empire a connu une crise politique et économique qui s’est achevée avec sa chute en 476 avec l’abdication de l'empereur Romulus Augustule le 4 septembre 476, ndlr], a rappelé Xavier Darcos.

Par conséquent, par rapport aux crises précédentes, les crises modernes, dans leurs effets historiques et géographiques, sont beaucoup plus complexes.

Une autre caractéristique des crises modernes est que le politique semble impuissant, « dépossédé » face à elle.

La crise semble se dérouler dans des réalités qui échappent au pouvoir politique, d’où un certain discrédit du politique à l’heure actuelle, accusé de ne pas savoir agir sur les causes des récessions. Malheureusement, a mis en garde Xavier Darcos, cette défiance envers le politique favorise l’ascension de ceux que Blaise Pascal appelait en son temps « les demi-habiles », c’est-à-dire les demi-savants qui entretiennent « angoisse et inquiétude ».

Il faut aujourd’hui, a-t-il conclu, revenir à une politique « raisonnable, raisonnée, du dialogue, de la discussion, celles des Lumières ».

Frédéric Houssay s’est ensuite adressé à l’archevêque de Marseille, Jean-Marc Aveline.

Quand une société subit une crise, on remarque souvent que l’autorité des religions ou des spiritualités constitue un recours pour ceux qui la subissent. Mais à travers l’Histoire, les religions ont-elles su s’adapter aux époques successives, ou au contraire ce qu’elles ont de « rigide » a-t-il parfois pu être la cause de grandes crises ? Bref, les religions peuvent-elles aider à traverser les crises ?

Pour l’archevêque de Marseille, d’abord il est important de ne pas fantasmer sur les religions, car celles-ci « peuvent donner le meilleur comme le pire ».

En outre, a-t-il pointé, les religions ne sont pas isolées, c’est-à-dire qu’entre la vie de la société et la vie religieuse, la frontière est poreuse. Par conséquent, les crises qui affectent la société affectent aussi ceux qui, au sein de la société, confessent une religion.

Le fait d’avoir une religion peut les aider à traverser la crise et être un refuge. Il faut cependant se garder d’être trop passif. Pour lui, les croyances doivent permettre d’ « apporter une contribution originale » à ce qui est en train de se passer.

Outre les crises subies par les religions en général, il y a aussi les crises que traverse chaque religion individuellement, des crises qui peuvent parfois affecter les sociétés.

Dès le début du christianisme, a ainsi raconté Jean-Marc Aveline, les chrétiens ont traversé une crise majeure qui est d’ailleurs rapportée dans les Actes des apôtres. On était face à un dilemme : pour être chrétien, faut-il d’abord être juif ou peut-on l’être sans être juif ? Plus précisément, faut-il observer toute la tradition juive (comme la circoncision par exemple) dans laquelle s’est inscrite la prédication du Christ, ou bien ouvrir cette prédication à ceux qui n’ont rien à voir avec le judaïsme ?

Cette crise a conduit au concile de Jérusalem au cours duquel il a été décidé d’ouvrir le message à tous ceux qui n’étaient pas juifs.

Au cours de l’Histoire, ce sont particulièrement les religions monothéistes qui ont subi de nombreuses crises. En effet, a expliqué le prélat, celles-ci déclarent être fondées sur une révélation de l’absolu, elles doivent cependant faire attention à bien séparer le temporel du spirituel, au risque de succomber à la tentation de confondre « l’absolu de Dieu avec l’absolu de la religion, avec l’absolu de l’humain » a mis en garde l’archevêque. « Chaque fois qu’on succombe à cette tentation, par la sacralisation de la fonction religieuse, tout dérape » a-t-il insisté.

Quoi qu’il en soit, pour lui, la fonction religieuse doit en premier lieu être une source de discernement par rapport à ce qui arrive. Une crise est certes imprévisible, mais elle peut être positive si elle permet de se rendre compte de ce qui ne va pas dans la société. « Si la conscience humaine veut s’éveiller, elle doit considérer les crises comme une chance inouïe » a-t-il conclu.

Enfin, la parole a été donnée au président de l’Institut Sapiens, Olivier Babeau.

Pour l’économiste, le problème de notre époque est qu’on demande, voire exige, des économistes qu’ils prévoient l’avenir comme s’ils étaient des Pythies. Or, a-t-il expliqué, « il est très difficile d’interpréter le futur à partir du passé ».

S’il est possible de mettre en évidence des schémas qui se répètent, pour Olivier Babeau, qui a fait référence à Nicolas Taleb dans son ouvrage Le cygne noir, « ce qui détermine l’Histoire, c’est en général des choses qu’on n’a pas prévues ». Par exemple, si on avait pu prédire le 11 Septembre, on aurait tout fait pour l’éviter, et aucune des conséquences que l’on connaît aujourd’hui ne serait arrivée.

Pour adopter le bon comportement face aux crises, pour l’économiste, il faut en tout cas revenir à l’étymologie. « Krisis », en grec, c’est d’abord l’idée de jugement, de discernement, c’est le moment du choix. Quant au mot « inventio », il signifie en latin « trouver ». La crise peut donc permettre à l’humanité de se retrouver.

Pour l’économiste, la crise sanitaire que nous traversons ne doit pas non plus être dramatisée. Olivier Babeau a en effet rappelé que le virus du coronavirus n’était rien par rapport à la grande peste de 1348, au cours de laquelle 50 % des Européens vivant dans les villes ont disparu.

Cet événement a été un des plus meurtriers de l’Histoire de l’Europe, toutefois « des choses positives » en ont découlé.

En termes économiques, par exemple, puisque sur dix personnes, deux seulement avaient survécu, il y a donc eu une concentration des richesses, ce qui, pour Olivier Barbeau, « a peut-être permis la Renaissance ». En outre, cela a probablement précipité la fin de la féodalité, car les gens ont alors accouru dans les villes, or ces dernières étaient des territoires « francs ».

À cette époque également, la main-d’œuvre est devenue très rare, ce qui a obligé à faire une loi sur les salaires maximums, puisque le prix de la main d’œuvre avait trop augmenté.

Des recherches ont alors été entreprises pour augmenter la productivité. C’est à cette période que les copistes ont été remplacés et ce grâce à une invention qui a marqué l’Histoire de l’Europe : l’imprimerie de Gutenberg (en 1454). « Or à travers Gutenberg, c’est La Bible en langue vernaculaire, c’est la Réforme, c’est probablement les Lumières, la démocratisation exceptionnelle du savoir, etc. » s’est enthousiasmé Olivier Barbeau.

Bref, pour lui, les crises peuvent être de vraies opportunités, quand on sait en tirer le meilleur. D’ailleurs, a-t-il conclu, « en Chine, la crise est traduite par deux idéogrammes qui veulent dire à la fois menace et opportunité ».

 

Maria-Angélica Bailly

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