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Congé paternité : un allongement dans la lignée des initiatives européennes

Congé paternité : un allongement dans la lignée des initiatives européennes
Publié le 17/06/2021 à 09:27

À partir du 1er juillet, la durée du congé paternité double, passant de 11 à 25 jours. Un décret publié le 12 mai dernier en précise les nouvelles modalités. Cet allongement s’inscrit dans les démarches européennes visant à renforcer l’égalité homme/femme au sein des couples.

 


Le 23 septembre 2020, Emmanuel Macron avait annoncé le doublement de la durée du congé paternité. « Pour nous, l’obligation, c’est à la fois un enjeu de protection, mais aussi de justice sociale pour que le congé paternité soit bien accessible à tous, indépendamment de la nature du contrat de travail du deuxième parent » avait alors expliqué l’Élysée. Un décret publié au Journal Officiel le 12 mai 2021, précise les modalités de l’allongement du congé paternité qui s’appliquera pour toutes les naissances prévues à partir du 1er juillet. Le secrétaire d’État en charge de l’Enfance et des Familles auprès du ministre des Solidarités et de la Santé, Adrien Taquet, s’est déclaré « fier et heureux » d’avoir porté jusqu’ « au bout » un « engagement fort » du président de la République.

L’objectif de la mesure : rééquilibrer au sein des couples l’égalité entre les femmes et les hommes, et ainsi diminuer la charge mentale de la mère, en permettant au père de profiter de leur nourrisson. En France, 70 % des pères demandent un congé paternité. Pourtant, le pourcentage de personnes qui en bénéficient varie en fonction du contrat de travail. 88 % des fonctionnaires, 80 % des CDI face à moins de 50 % pour les CDD (48 %) et seulement 13 % des demandeurs d’emploi.

Un autre but est de réduire les inégalités salariales entre homme et femme. Selon une note publiée le 30 juin 2020 par le Conseil d’analyse économique, ce dernier « estime que la réduction des inégalités au sein du monde du travail pourrait rapporter 7 % du PIB en 20 ans ».

 

 

Un congé de naissance obligatoire

Le congé pour les pères se divise en deux périodes distinctes après l’arrivée de l’enfant : le congé paternité et le congé de naissance. Ce dernier, d’une durée de trois jours, devient désormais obligatoire pour tout salarié nouvellement devenu papa, qu’il soit le mari de la mère, son partenaire de PACS, son concubin ou le père séparé de la mère. Le nouveau congé paternité comporte pour sa part une part obligatoire de quatre jours consécutifs adossés à ce congé de naissance. Au total, il passe de 11 à 25 jours calendaires, soit 28 jours de congé en comptant le congé de naissance, et doit être prise dans les quatre premiers mois suivant la naissance. En cas de grossesse multiple, il passe à 32 jours, fractionnables en trois périodes d’au moins cinq jours, à prendre dans les six mois. Le congé d’adoption a aussi été augmenté, passant à 16 semaines contre dix auparavant. Par ailleurs, si l’enfant est hospitalisé dans une unité de soins juste après la naissance, le congé peut être allongé. Tout salarié doit déclarer à son employeur la date prévisionnelle de l’accouchement dans un délai de prévenance de 15 jours à deux mois avant le jour-J.

À savoir que le congé de naissance est entièrement pris en charge par l’entreprise, qui s’expose à une amende de 7 500 euros si le salarié n’en dispose pas. Le congé paternité, pour sa part, est financé par la Sécurité sociale. Coût de la mesure, estimé par l’exécutif : plus de 500 millions d’euros pour 2021. Auparavant, le budget alloué était de 260 millions d’euros par an. En 2020, trois quart des salariés en ont profité, pour un total de 750 000 euros.

De son côté, l’indemnisation n’a pas évolué, puisqu’elle est toujours comprise entre 9,66 euros et 89,03 euros par jour : « L’amélioration de l’indemnisation du congé ne constitue pas une voie efficace pour accroître le recours : les populations qui recourent peu au congé paternité, tels que les CDD ou les chômeurs, bénéficient d’un remplacement quasi-intégral de leur salaire net. Améliorer l’indemnisation ne jouerait surtout que pour les hauts niveaux de rémunération qui recourent déjà largement au congé paternité » estimait ainsi une étude d’impact de la loi de financement de la Sécurité sociale 2021.

Pour être indemnisé, le salarié doit posséder un numéro de Sécurité sociale depuis au moins dix mois, mais aussi avoir travaillé au moins 150 heures au cours des trois mois précédant le début du congé, sans quoi il est indispensable d’avoir cotisé un minimum de 10 403,75 euros au cours des six mois précédent le commencement du congé.

En France, le congé paternité et d’accueil de l’enfant est inscrit dans le Code du travail aux articles L. 1225-35 et L. 1225-36 et à l’article D. 1225-8.

 

 

Le rôle clef de la commission européenne

Si les progrès sont à souligner, il s’agit d’une évolution surprenante, puisqu’en 2018, le président de la République n’était pas très enclin à suivre la directive européenne.

À ses yeux, quatre mois étaient trop longs et apparaissaient trop coûteux à l’État.

La Commission européenne de Bruxelles visait en effet à mettre en place un congé parental de quatre mois indemnisé à 50 % du salaire journalier. La directive européenne, après modification, a été adoptée en juin 2019 : exige un congé paternel d’une durée minimale de dix jours dans tous les pays membre de l’Union européenne, ainsi qu’un congé parental de quatre mois.

En France, en janvier 2018, un rapport avait été commandé par le Premier ministre à l’Inspection générale des affaires sociales (Igas). À l’issue de ce texte, le gouvernement devait trancher pour un allongement ou non du congé pour les pères. Le rapport paru le 11 septembre 2018 préconisait un renforcement du congé paternité : « 7 pères sur 10 en moyenne prennent, pour la très grande majorité d’entre eux, la totalité des 11 jours de congé de paternité, en plus des 3 jours de congé naissance légaux. Le taux de recours est toutefois hétérogène en termes socio-économiques. » Le texte indiquait « qu’un allongement de sa durée serait de nature à renforcer ces bénéfices, à sécuriser la prise en charge de la mère et du nouveau-né dans les premiers jours du retour au domicile, et à soutenir l’égalité professionnelle ».

L’allongement du congé paternité a été adopté par l’Assemblé nationale en première lecture le 23 octobre 2020 à 63 voix « pour » et deux abstentions. Le 14 novembre, le Sénat votait à son tour « pour » à 341 voix, deux « contre » et une abstention.

La mesure est toutefois jugée insuffisante par plusieurs associations féministes, qui réclament un congé paternité plus conséquent, à hauteur du congé maternité qui dure 16 semaines : six avant la date de l’accouchement (le congé prénatal) et dix semaines pour le congé post natal. « Cela ne va pas permettre de modifier la répartition des tâches et la discrimination à l’embauche que subissent les femmes, du fait de la présomption de maternité. Pour aller vers une mesure égalitaire, il faut être beaucoup plus ambitieux et fixer une date butoir, s’engager politiquement pour un congé d’égale durée. Ce mois-là, c’est une étape, mais en aucun cas une fin » – affirmait ainsi Amandine Hancewicz, parent et féministe au micro de Sud Radio, le 23 septembre 2020. Les associations féministes préconisent en outre de développer d’autres mesures, comme augmenter le nombre de place en crèches.

Pour rappel, le congé paternité a été instauré en France par Ségolène Royal, alors ministre déléguée à la Famille au sein du gouvernement de Lionel Jospin, et est entré en application le 1er janvier 2002.

 

Tina Millet

 

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