ACTUALITÉ

Covid-19 : une prise en charge au titre des risques professionnels très limitée

Covid-19 : une prise en charge au titre des risques professionnels très limitée
Publié le 27/04/2021 à 09:01

Un an après le début de la crise sanitaire, à l’heure du 3e confinement général, moins de 500 salariés ont pu faire reconnaître leur Covid-19 comme étant une maladie professionnelle.

Compte tenu de ce faible chiffre, les salariés auraient-il intérêt à privilégier le terrain de l’accident du travail ? Rien nest moins sûr.

Quoiqu’il en soit, les deux hypothèses doivent être envisagées.

 

Maladie professionnelle : une preuve quasi impossible à apporter

Conformément aux dispositions de l’article L. 461-1 du Code de la Sécurité sociale, une maladie, pour être reconnue comme professionnelle et donner lieu à réparation, doit :

soit figurer dans l’un des tableaux de maladies professionnelles,

soit être identifiée comme ayant un lien direct avec l’activité professionnelle par le système complémentaire de reconnaissance des maladies professionnelles ;

Le décret n° 2020-1131 du 14 septembre 2020 relatif à la reconnaissance en maladie professionnelle des pathologies liées à une infection au Sars-CoV2 est venu préciser les possibilités de prise en compte du risque lié au Covid-19 au titre de la législation sur les maladies professionnelles.

Ainsi, il a été créé deux nouveaux tableaux de maladies professionnelles consacrés à l’infection au Sars-Cov2 (l’un ajouté au Code de la Sécurité sociale et l’autre au Code rural et de la pêche maritime).

Si l’opinion publique attendait de ce texte qu’il permette a minima une reconnaissance automatique pour tous les soignants et une reconnaissance facilitée pour tous les autres travailleurs, la réalité est toute autre.

La présomption d’imputabilité s’applique bien à ceux qui entrent dans le champ dapplication des tableaux et qui réunissent toutes les conditions limitativement énumérées. Ces personnes bénéficient ainsi d’un régime favorable dans la mesure où elles n’ont à apporter aucune autre preuve que les éléments figurant dans les tableaux. 

Néanmoins, les personnes concernées par ces dispositions protectrices ne correspondent qu’à une partie infime de tous les salariés qui considèrent avoir été contaminés sur le lieu de travail.

Le texte impose notamment de remplir les conditions suivantes :

appartenir aux personnels soignants et assimilés ;

que l’état de santé ait « nécessité une oxygénation ou toute autre forme d’assistance ventilatoire, attestée par des comptes-rendus médicaux, ou ayant entrainé le décès » ;

que le délai de prise en charge soit d’au moins 14 jours.

Pour tous les autres salariés qui sont « hors tableaux », le décret prévoit le recours à un « Comité Régional des Reconnaissances des Maladies Professionnelles (CRRMP) spécial ».

Celui-ci est de dimension nationale (et non régionale comme pour les CRRMP « classiques ») afin d’assurer une homogénéité du traitement des demandes et bénéficie d’une composition allégée. Ces salariés sont néanmoins confrontés à une première difficulté : prouver qu’ils ont été infectés sur leur lieu de travail. Or, compte tenu du large spectre concernant la période d’incubation de 2 à 14 jours de la maladie et d’une circulation du virus sur l’ensemble du territoire, la preuve est quasiment impossible à rapporter.

En outre, le décret ne prévoit rien concernant le taux d’incapacité physique minimum exigé pour une prise en charge qui est selon le droit commun fixé à 25 %. Ainsi, seules les personnes présentant les séquelles les plus graves pourraient faire valoir une prise en charge.

Les dispositions prévues par ce décret sont donc non seulement très loin de résoudre toutes les difficultés qui se posent face à l’hétérogénéité des situations mais sont également très éloignées des attentes des personnes infectées.

 

Accident du travail : même combat !

La question se pose également de savoir si les salariés peuvent faire valoir l’existence d’un accident du travail.

S’il est communément admis qu’une maladie puisse être prise en charge au titre d’un accident du travail, encore faut-il démontrer l’existence d’un fait accidentel précis à l’origine de la contamination.

Selon l’article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale :

« Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise. »

Le salarié doit ainsi rapporter la preuve d’une contamination datable survenue au temps et au lieu de travail. Ainsi, sauf dans des situations très marginales, la preuve est quasiment impossible à rapporter compte tenu de la possibilité d’être contaminé partout, à tout moment et même par des porteurs sains, non identifiables.

Que ce soit en tant que maladie professionnelle ou accident du travail, faire reconnaître le caractère professionnel de la contamination, en l’état actuel des textes, risque pour les salariés « hors tableaux » d’être le parcours du combattant. Les employeurs ont quant à eux tout intérêt à émettre systématiquement des réserves motivées.

 

Guillaume Roland,

Avocat associé et expert en droit social,

Cabinet Herald

 

Ondine Juillet,

Avocate collaboratrice et experte en droit social,

Cabinet Herald

0 commentaire
Poster

Nos derniers articles