Un an après le début de la crise sanitaire, à l’heure du 3e confinement général,
moins de 500 salariés ont pu faire reconnaître leur Covid-19 comme étant une maladie
professionnelle.
Compte tenu de ce faible chiffre, les salariés auraient-il intérêt à
privilégier le terrain de l’accident du travail ? Rien n’est moins sûr.
Quoiqu’il en soit, les deux hypothèses doivent être envisagées.
Maladie
professionnelle : une preuve quasi impossible à apporter
Conformément aux dispositions de l’article L. 461-1 du Code de la Sécurité
sociale, une maladie, pour être reconnue comme professionnelle et donner lieu à
réparation, doit :
• soit
figurer dans l’un des tableaux de maladies professionnelles,
• soit
être identifiée comme ayant un lien direct avec l’activité professionnelle par
le système complémentaire de reconnaissance des maladies professionnelles ;
Le décret n° 2020-1131 du 14 septembre 2020 relatif à la reconnaissance
en maladie professionnelle des pathologies liées à une infection au Sars-CoV2
est venu préciser les possibilités de prise en compte du risque lié au Covid-19
au titre de la législation sur les maladies professionnelles.
Ainsi, il a été créé deux nouveaux tableaux de maladies professionnelles
consacrés à l’infection au Sars-Cov2 (l’un ajouté au Code de la Sécurité sociale et l’autre au
Code rural et de la pêche maritime).
Si l’opinion publique attendait de ce texte qu’il permette a
minima une reconnaissance automatique pour tous les soignants et une
reconnaissance facilitée pour tous les autres travailleurs, la réalité est
toute autre.
La présomption d’imputabilité s’applique bien à ceux
qui entrent dans le champ d’application des tableaux et qui réunissent toutes les conditions
limitativement énumérées. Ces personnes bénéficient ainsi d’un régime favorable
dans la mesure où elles n’ont à apporter aucune autre preuve que les éléments
figurant dans les tableaux.
Néanmoins, les personnes concernées par ces dispositions protectrices ne
correspondent qu’à une partie infime de tous les salariés qui considèrent avoir
été contaminés sur le lieu de travail.
Le texte impose notamment de remplir les conditions suivantes :
•
appartenir aux personnels soignants et assimilés ;
• que
l’état de santé ait « nécessité une oxygénation ou toute autre forme
d’assistance ventilatoire, attestée par des comptes-rendus médicaux, ou ayant
entrainé le décès » ;
• que
le délai de prise en charge soit d’au moins 14 jours.
Pour tous les autres salariés qui sont « hors tableaux », le décret prévoit le recours à un « Comité Régional des Reconnaissances des
Maladies Professionnelles (CRRMP) spécial ».
Celui-ci est de dimension nationale (et non régionale
comme pour les CRRMP « classiques ») afin d’assurer une homogénéité du
traitement des demandes et bénéficie d’une composition allégée. Ces salariés sont néanmoins confrontés à une
première difficulté : prouver qu’ils ont été infectés sur leur lieu de
travail. Or, compte tenu du large spectre concernant la période d’incubation de
2 à 14 jours de la maladie et d’une circulation du virus sur l’ensemble du
territoire, la preuve est quasiment impossible à rapporter.
En outre, le décret ne prévoit rien concernant le taux d’incapacité
physique minimum exigé pour une prise en charge qui est selon le droit commun
fixé à 25 %. Ainsi, seules les personnes présentant les séquelles les plus
graves pourraient faire valoir une prise en charge.
Les dispositions prévues par ce décret
sont donc non seulement très loin de résoudre toutes les difficultés qui se
posent face à l’hétérogénéité des situations mais sont également très éloignées
des attentes des personnes infectées.
Accident
du travail : même combat !
La question
se pose également de savoir si les salariés peuvent faire valoir l’existence
d’un accident du travail.
S’il est
communément admis qu’une maladie puisse être prise en charge au titre d’un
accident du travail, encore faut-il démontrer l’existence d’un fait accidentel
précis à l’origine de la contamination.
Selon l’article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale :
« Est considéré comme accident du travail,
quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du
travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque
lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise. »
Le
salarié doit ainsi rapporter la preuve d’une contamination datable survenue au
temps et au lieu de travail. Ainsi, sauf dans des situations très marginales,
la preuve est quasiment impossible à rapporter compte tenu de la possibilité
d’être contaminé partout, à tout moment et même par des porteurs sains, non
identifiables.
Que
ce soit en tant que maladie professionnelle ou accident du travail, faire
reconnaître le caractère professionnel de la contamination, en l’état actuel
des textes, risque pour les salariés « hors tableaux » d’être le parcours du
combattant. Les employeurs ont quant à eux tout intérêt à émettre
systématiquement des réserves motivées.
Guillaume
Roland,
Avocat associé et expert en droit social,
Cabinet Herald
Ondine
Juillet,
Avocate
collaboratrice et experte en droit social,
Cabinet Herald