À la retraite depuis l’an
dernier après avoir présidé la cour d’appel de Versailles, le magistrat continuait
d’exercer plusieurs fonctions au service de la justice. Ses collègues rendent hommage
à un homme « attaché à la
qualité des relations avocats / magistrats » ayant « beaucoup
œuvré pour développer la médiation et l’accès au droit ».
L’institution judiciaire est
endeuillée. À l’âge de 71 ans, l’ancien magistrat Bernard Keime Robert-Houdin, qui
avait notamment présidé les cours d’appel de Nîmes et de Versailles, s’est
éteint le 24 octobre dernier, des suites d’un cancer foudroyant.
Hier, les deux juridictions
ont organisé « conjointement et simultanément » une
minute de silence en hommage à leur ancien chef de cour. Une cérémonie qui s’est
déroulée à Versailles, « en présence de son épouse et de ses enfants »,
nous apprend la cour d’appel de Versailles.
Une carrière au siège
Originaire du chef-lieu des
Yvelines, Bernard Keime Robert-Houdin était l’arrière-arrière-petit-fils de Jean-Eugène
Robert-Houdin, célèbre illusionniste du XIXe siècle, « ce
qui a amené parfois des collègues se croyant drôles à lui demander si les
talents supposés génétiquement transmis de son ancêtre lui permettaient de
faire disparaître les dossiers par magie ! », plaisantait le magistrat et
historien Étienne Madranges lors de la journée célébrant les 45 ans de la cour
d’appel de Versailles, le 10 décembre 2021.
Aujourd’hui magistrat
reconnu, Bernard Keime Robert-Houdin avait toutefois commencé sa carrière comme
avocat, avant d’être nommé auditeur de justice au tribunal de Pontoise en 1986,
comme le retrace la cour d’appel de Versailles.
Successivement juge au
tribunal de grande instance de Sens puis au tribunal de grande instance de
Paris, il avait rejoint la Cour de cassation en 1992 en tant que secrétaire
général adjoint du premier président, Pierre Drai, jusqu’en 1996 ; année
où il avait été nommé secrétaire général de la présidence du TGI de Paris.
En 1999, il était devenu
secrétaire général de la première présidence de la cour d’appel de Paris, puis
conseiller. C’est en 2006 qu’il avait pris la tête du tribunal de grande
instance de Besançon, puis de Metz en quatre ans après.
Nommé premier président de la
cour d’appel de Nîmes fin 2013, « il a[vait] porté le projet de
création d’un centre de pré archivage judiciaire inauguré au printemps de
l’année 2017 pour désengorger les juridictions du Gard et du Vaucluse ».
Installé premier président de
la cour d’appel de Versailles en 2018, il avait eu à gérer des dossiers « particulièrement
sensibles » comme « la crise sanitaire de 2020 et ses
suites, la fusion des TGI et des TI, les États généraux de la Justice, le
lancement des travaux de rénovation et d’extension de la cour d’appel ou encore
les négociations visant à l’acquisition de l’annexe dite ‘Revert’ afin
d’augmenter la superficie de la cour ».
Le magistrat avait ainsi clos
son parcours judiciaire dans la ville qui l’avait vu naître. Une façon de
« boucler la boucle » ? Pas vraiment, puisque depuis juin 2022, il
était membre de la commission nationale indépendante de reconnaissance et de
réparation des préjudices subis par les harkis. Par ailleurs, il avait rejoint
récemment le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours
administratives d’appel.
« Son souci
d’équité », « son humanité légendaire »
« Attaché à la
dimension humaine de ses fonctions », Bernard Keime Robert-Houdin « a
eu particulièrement à cœur de faire vivre les équipes de magistrats et de
fonctionnaires. Il a aussi beaucoup œuvré pour (…) développer la médiation et
l’accès au droit », rapporte la cour d’appel de Versailles, qui parle d’un
homme « très apprécié pour son écoute attentive, son souci permanent
d’équité et d’équilibre, son accessibilité ».
De son côté, le
directeur de l’HEDAC (Haute École des avocats conseils, école d'avocats de
Versailles), l’avocat Benoît Dumontet, a salué un homme qui était « particulièrement
attaché à la qualité des relations avocats / magistrats ainsi qu’à la confiance
réciproque » entre ces deux professions, mais également qui « aimait
à former et à transmettre aux plus jeunes » : « Il
mettait un point d’honneur, chaque année, à recevoir personnellement la
prestation de serment de chacun de nos nouveaux élèves-avocats de l’HEDAC (…).
Il était heureux d’être chaque année membre de nos jurys du CAPA afin
d’apprécier et évaluer avec bienveillance nos futurs confrères »,
a-t-il écrit hier sur LinkedIn.
Dans un post sur le même réseau social, Ghani
Bouguerra, président de chambre à la cour d’appel d’Aix-en-Provence, a quant à
lui témoigné toute sa reconnaissance à l’égard d’un « très grand magistrat,
tant par ses compétences unanimement reconnues, que par son humanité, sa
bienveillance, son écoute, mais aussi pour son humilité légendaire ». « Ayant servi sous
son autorité, je lui dois beaucoup (…). Il a, indéniablement, fait de moi le
chef de juridiction que j'ai été. L'institution judiciaire, au bon fonctionnement de
laquelle Bernard Keime continuait de contribuer alors qu'il avait pris sa
retraite au début de l'année 2022, perd un exemplaire et très grand serviteur ».