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Défaillance d'entreprise : « En moins de deux mois, j’ai pu sensibiliser mon Conseil régional à ce besoin de formation. » - Entretien avec Gwladys Tohier, présidente de la CRCC de Grande Aquitaine

Défaillance d'entreprise : « En moins de deux mois, j’ai pu sensibiliser mon Conseil régional à ce besoin de formation. » - Entretien avec Gwladys Tohier, présidente de la CRCC de Grande Aquitaine
Publié le 27/01/2022 à 09:19

En Nouvelle-Aquitaine, un groupe interprofessionnel de prévention des difficultés des entreprises a récemment été mis en place afin de mieux former les professionnels du chiffre et du droit à détecter les défaillances d’entreprises et ainsi favoriser le recours aux procédures amiables. Gwladys Tohier, présidente de la Compagnie régionale des commissaires aux comptes de Grande Aquitaine, revient pour le JSS sur la genèse et les ambitions d’un projet lancé à son initiative et à celle d’Alexandra Blanch, administratrice judiciaire, et qui jouit du soutien de Romain Grau, député LREM et président de la mission d’information relative aux entreprises en difficulté du fait de la crise sanitaire.



Pouvez-vous vous présenter ?

Diplômée d’expertise comptable, j’ai débuté ma carrière en 2004 au sein de Grant Thornton à Lyon. L’appel de l’océan étant plus fort, j’ai décidé de créer mon cabinet BAB Audit Conseil à Biarritz en 2009, spécialisé dans l’audit légal.

Femme de convictions, j’ai présenté ma candidature à la présidence de la Compagnie régionale des commissaires aux comptes de Grande Aquitaine. Notre équipe a été élue le 30 septembre 2020, et nous sommes entrés en fonction le 1er novembre 2020.

 

 

Comment et pourquoi avez-vous eu l’idée de créer un groupe de travail dédié à la protection des difficultés des entreprises ?

Après mon élection, j’ai été contactée par l’administratrice judiciaire Alexandra Blanch. Celle-ci intervient dans toute la France auprès d’entreprises en difficulté et m’a fait part de ses inquiétudes sur les situations que pourraient vivre les chefs d’entreprise à l’issue de la pandémie, ces derniers souhaitant préserver leurs structures au risque de les surendetter.

Bien avant la pandémie du Covid-19, elle avait fait le même constat que moi : de très nombreux chefs d’entreprises arrivaient trop tard dans son bureau et souhaitaient agir de manière concertée avec des professionnels du droit et du chiffre.

Alexandra Blanch m’a notamment alertée sur la nécessité de former au plus vite mes confrères afin que ces derniers soient en mesure d’identifier les situations complexes le plus en amont possible, et éviter autant que possible la procédure collective en privilégiant les procédures de prévention des difficultés.

Nous avons donc décidé de conjuguer nos forces et compétences pour former tous les acteurs au niveau du territoire de la Nouvelle-Aquitaine.

Parallèlement, nous avons pris connaissance du rapport du député Romain Grau qui constatait également ce besoin de formation des professionnels du chiffre et du droit. Ce rapport nous a poussés à dupliquer prochainement au niveau national le modèle que nous avions développé au niveau régional.

 

 

 

« Nous expliquons lors de la formation que l’alerte peut être un électrochoc pour le chef d’entreprise afin qu’il puisse demander de l’aide. »

 

 

 

Comment s’est déroulée concrètement la mise en place de ce projet ?

Nous n’avons jamais vu un projet se monter aussi vite. En moins de deux mois, j’ai pu sensibiliser mon Conseil régional à ce besoin de formation. Alexandra Blanch nous a proposé cinq modules de formation et le projet était lancé. Nous pouvons également compter sur l’appui du député Romain Grau pour faire connaître nos actions et nos préconisations.

 

 

Les objectifs de cette initiative ont-ils été atteints ? Les mesures que vous avez prises ont-elles permis, notamment, de réduire les défaillances d’entreprise ? 

Au niveau régional, nous avons atteint nos objectifs de former les professionnels, mais il reste encore beaucoup à faire auprès des chefs d’entreprise.

Nous partons du constat que même avant la pandémie, de trop nombreux chefs d’entreprise se retrouvaient devant le tribunal de commerce, notamment pour une procédure de prévention, sans connaître les différentes procédures possibles. Nous devons être en capacité de leur exposer les différents outils mis à leur disposition. Dans le cadre de notre groupe de travail, nous formons nos confrères afin qu’ils puissent au mieux alerter les chefs d’entreprise dans le cadre de la prévention des entreprises en difficulté et éviter ainsi de nombreuses défaillances.

 

 

Au moyen de quels outils sensibilisez-vous les professionnels du droit et du chiffre à leur devoir d’alerte ? 

Nous expliquons lors de la formation que l’alerte peut être un électrochoc pour le chef d’entreprise afin qu’il puisse demander de l’aide.

La procédure d’alerte peut en effet être stoppée par une procédure de conciliation (une procédure amiable et confidentielle) qui vise à aider le chef d’entreprise à mener des négociations avec ses créanciers. 

Le but de la formation est d’expliquer à nos confrères comment utiliser la conciliation pour qu’ils puissent la mettre à disposition du chef d’entreprise et préserver ainsi la relation de confiance. 

 

Procédure accélérée de traitement de sortie de crise (PTSC), mandat ad hoc « express », procédure amiable à moindre coût destiné aux entreprises de moins de dix salariés, etc., les outils sont déjà nombreux pour prévenir les défaillances d’entreprise. Est-ce suffisant selon vous ?  

Oui, il y en a beaucoup trop. Selon moi, l’essentiel est de savoir les utiliser et surtout de travailler avec des professionnels en équipe pour aider au mieux les dirigeants.

 

 

Certains prévoient une hausse des défaillances d’entreprise, « un mur de faillites », dans les prochains mois du fait du remboursement des aides, qu’en pensez-vous ? 

Certaines défaillances d’entreprises ont été décalées avec les aides de l’État et le « quoi qu’il en coûte ». Nous devons au maximum anticiper l’arrêt des aides. Soyons tous au rendez-vous avant que cela n’arrive pour trouver les meilleures solutions pour nos clients. Notre formation y contribue.

 

 

Pour l’instant ce projet est régional, mais vous avez pour ambition de le déployer au niveau national… 

Nous espérons nouer des partenariats avec toutes les compagnies régionales des commissaires aux comptes, mais aussi avec les conseils régionaux de l’Ordre d’experts-comptables qui souhaiteront dupliquer ce beau projet et agir pour préserver notre tissu économique.

 

Propos recueillis par Maria-Angélica Bailly


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