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Droit comme un H !, l’association qui facilite l’inclusion des personnes porteuses de handicap au sein des professions juridiques

Droit comme un H !, l’association qui facilite l’inclusion des personnes porteuses de handicap au sein des professions juridiques
Publié le 03/12/2021 à 10:25

Faciliter aux jeunes talents en situation de handicap l’accès aux professions du droit : telle est la mission que s’est fixée l’association Droit comme un H ! Fondée en 2019 par l’avocat Stéphane Baller, elle agit tant au sein des universités et écoles d’avocats que dans les cabinets ou dans les entreprises, pour encourager et stimuler l’inclusion.

 


 


Parce que le handicap ne doit plus être une limite, l’avocat Stéphane Baller a construit en 2017 le collectif Droit comme un H ! (DCH !). Engagé pour la promotion de la diversité et de l’inclusion dans le droit des affaires, l’actuel délégué général de l’association s’est donné pour mission de faciliter l’insertion des jeunes talents en situation de handicap dans le secteur du droit (avocats, juristes, conseils des entreprises).

Cet accompagnement combine support à l’environnement universitaire de l’étudiant et opportunités d’expériences du monde du travail par des rencontres et des stages. Depuis son lancement en 2017, le collectif – devenu association en 2019 – poursuit son développement ; le 29 mars 2020, elle a notamment été distingué en recevant le prix Activateur de progrès récompensant l’initiative remarquable d’un groupe pour faire bouger les lignes en matière de handicap, à l’occasion de l’Université des responsables handicap, à Lyon. En septembre 2019, elle s’était déjà vu remettre le Prix coup de cœur du jury, lors des Trophées Opéra Juristes Associés des initiatives marketing et communication des cabinets d’avocats.

 



 

Ouvrir le droit et sa formation

Malgré leur profonde vocation, certains jeunes gens, le Bac en poche, ne s’autorisent pas à passer les portes de la faculté de droit, à cause de leur handicap. Par crainte que l’université – et plus tard, le secteur professionnel lui-même – ne soient pas adaptés à leur handicap ou de peur de se heurter à un refus au moment de la recherche de stage, l’autocensure est fréquente. Le collectif Droit comme un H ! espère donc, de par ses actions, briser ce mur !

De concert avec les missions handicap des universités, l’association accompagne les talents dès la 3e année d’étude (L3). Avec le soutien d’étudiants, des H-ambassadeurs qui agissent comme « mentors » dans les universités, l’association participe à la réflexion professionnelle et entend faciliter l’accès à la profession, afin d’accroître l’employabilité des personnes en situation de handicap.

L’université Paris 2 Assas, via l’engagement initial du professeur Pierre Crocq, membre d’honneur de l’association, a largement aidé au développement des actions de l’association, en accueillant, dès le début, le collectif au sein de l’université, et en participant à un concept-pilote.

De son côté, l’HEDAC, l’école des avocats du ressort de la cour d’appel de Versailles, a également adapté son programme éducatif pour offrir un parcours aménagé aux élèves-avocats en situation de handicap ayant réussi le CRFPA.

Outre l’accueil de ces jeunes talents via des outils adaptés, l’association participe également à la sensibilisation des étudiants. L’inclusion commence dès les bancs de la fac, pour se poursuivre ensuite dans le secteur professionnel.

 






 




Et dans les cabinets ?

Diplôme en poche, pour les étudiants en droit ou élèves-avocats, l’entrée dans la vie active s’annonce être un nouveau combat !

Aussi, l’association poursuit son action, en les aidant dans leurs recherches professionnelles (développement du réseau, préparation à l’entretien d’embauche…).

Mais le travail doit également se faire au sein des cabinets. Aussi, dans le prolongement de sa mission, DCH ! se veut être aux côtés de l’employeur et se propose de participer à l’élaboration de sa politique d’inclusion. Elle aide concrètement les cabinets à trouver des solutions pour accueillir des talents différents et prépare aussi les collaborateurs à mieux aborder et connaître le handicap, notamment par le biais de formations. En effet, malgré les idées reçues, l’accessibilité des locaux, par exemple, ne constitue pas une limite à l’emploi, et les cabinets d’avocats ne peuvent réduire leur recrutement en se passant de certains talents.

 

 



Des figures pour modèles

DCH ! est aussi « une force d’animations, de recherches, de lobbying, de propositions et de solutions », et peut, à ce titre, compter sur certaines figures majeures pour incarner la mobilisation et faire bouger les choses.

Ancien secrétaire de la conférence et avocat à la Cour, le président de l’association Matthieu Juglar est non voyant de naissance ; ce qui ne l’a pas empêché de collaborer avec des cabinets internationaux avant de créer sa propre structure. À ce sens, il fait office d’exemple pour les étudiants pris en charge par l’association.

Il y a aussi le parcours exemplaire de Virginie Delalande, marraine de l’association. Première avocate sourde profonde de naissance, elle avait notamment été le sujet d’un documentaire de Laëtitia Moreau, L’éloquence des sourds, avant d’émouvoir la France entière lors de l’émission Le Grand Oral, un concours d’éloquence dont sa participation (jusqu’en finale) avait été largement remarquée. Coach et auteure, elle partage aujourd’hui son expérience lors de conférences.

Mais outre ces figures de proue, l’association encourage plus largement chaque étudiant à devenir role model, « en démontrant qu’avec enthousiasme, conviction et courage, tout est possible ».

 

Constance Périn

 

 



3 questions à Stéphane Baller, délégué général de DCH !





Considérez-vous que les cabinets sont aujourd’hui réellement concernés par la problématique d’inclusion ?

La perception du handicap évolue, nous l’avons vu notamment lors des derniers Jeux olympiques et paralympiques qui ont donné une visibilité inédite au handicap.

Dans les cabinets, nous notons aussi une volonté RSE* : en 2020, 84 % (contre 54 % en 2019) estimaient avoir mis en place une politique RSE, mais à ce titre peu mentionnent le handicap.

Avant toute chose, il faut déconnecter handicap, incapacité physique et sous-performance économique. Être avocat est un métier compliqué qui, outre l’acquisition de connaissances juridiques, demande de l’agilité, de la persévérance, de la résistance, des qualités que les personnes en situation de handicap ont généralement acquises au fil de leur parcours de vie. Je suis personnellement très admiratif de ces capacités et il serait temps que les employeurs reconnaissent ces ressources incroyables ! 

Les cabinets doivent également faire preuve de flexibilité pour attirer tous les talents. Ils sont prêts à accueillir des personnes en situation de handicap dans les postes « support », mais pour les collaborateurs, c’est une autre histoire. Pourtant, 80 % des personnes en capacité de travailler malgré leur handicap ne demandent pas d’aménagement de poste.

Il y a aussi un réel manque de formation des managers, qui doivent s’adapter, notamment lorsqu’ils travaillent avec des personnes atteintes de troubles du spectre autistique. Nous constatons pourtant que l’inclusion des personnes handicapées est très bénéfique : elle aurait tendance à apaiser les collaborateurs et propage des valeurs de bienveillance. Elle oblige à faire preuve de plus d’humanité. Il faut à mon sens transformer les cabinets en sensibilisant les employeurs à cette problématique.

Mais tout cela prend du temps : en moyenne, entre la première discussion avec le cabinet et l’arrivée du premier stagiaire, il faut compter deux ans.

Pendant le confinement, les « valides » ont pris conscience que personne n’était à l’abri d’un accident de la vie ; une prise de conscience bénéfique qui, associée à une digitalisation du travail plus accrue pourrait constituer une porte ouverte vers plus d’inclusion.

Aujourd’hui, notre association se réjouit de proposer plus de places qu’il n’y a de candidats. Il faut dire que nous sommes assez sélectifs, notamment pour assurer une bonne première expérience qui ouvre la voie.

 

 

Et qu’en est-il des universités ?

Depuis les ULIS, les universités sont de plus en plus investies et font preuve de bonne volonté. Les missions handicap fonctionnent bien pour l’accompagnement matériel, mais le système universitaire est limité par le principe d’égalité devant les examens.

À mon sens, il faudrait davantage adapter la pédagogie, notamment pour les handicaps invisibles.

Nous continuons toutefois à faire face au manque de confiance des étudiants en situation de handicap, habitués à être « invisibles ». Ils souffrent du phénomène de l’imposteur, pense ne pas être crédibles et ont des difficultés à assumer leur handicap. Les étudiants aidants, nos H Ambassadeurs, présents dans les universités, sont aussi là pour les aider à se révéler. Je les encourage également à rendre visible leur handicap, et à s’assumer tels qu’ils sont !

 

 

Vous accompagnez les cabinets dans leur politique d’inclusion, et proposez à ce titre 3?labels. De quoi s’agit-il ?

En effet, nous avons proposé un label, qui s’organise via différentes strates, le but étant de proposer aux cabinets une marge de progression dans leur stratégie d’inclusion.

La première étape consiste à répondre à l’enquête lancée par DCH !. (il est encore temps de participer  au 3e Observatoire du Handicap dans la profession d’Avocat de Droit comme un H !)La deuxième étape est un premier pas vers l’embauche, et comprend la recherche de candidats en situation de handicap pour les services support, ou pour effectuer des stages. La dernière étape se concrétise enfin par l’embauche d’un collaborateur porteur de handicap.

Ce label « par palliés » est une façon d’aborder la problématique de l’inclusion de façon progressive pour arriver à notre objectif : le recrutement d’un collaborateur.

 

* Source - Deuxième Observatoire du Handicap dans la profession d'Avocat DCH ! - décembre 2020

 

 

Propos recueillis par Constance Périn



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