Faciliter aux jeunes talents en situation de handicap l’accès aux
professions du droit : telle est la mission que s’est fixée l’association
Droit comme un H ! Fondée en 2019 par l’avocat Stéphane Baller, elle agit
tant au sein des universités et écoles d’avocats que dans les cabinets ou dans
les entreprises, pour encourager et stimuler l’inclusion.
Parce que le handicap ne doit plus être une limite,
l’avocat Stéphane Baller a construit en 2017 le collectif Droit comme un
H ! (DCH !). Engagé pour la promotion de la diversité et de
l’inclusion dans le droit des affaires, l’actuel délégué général de
l’association s’est donné pour mission de faciliter
l’insertion des jeunes talents en situation de handicap dans le secteur du
droit (avocats, juristes, conseils des entreprises).
Cet
accompagnement combine support à l’environnement universitaire de l’étudiant et
opportunités d’expériences du monde du travail par des rencontres et des
stages. Depuis son lancement en 2017, le collectif – devenu association en 2019
– poursuit son développement ; le 29 mars 2020, elle a notamment été
distingué en recevant le prix Activateur de progrès récompensant l’initiative
remarquable d’un groupe pour faire bouger les lignes en matière de handicap, à
l’occasion de l’Université des responsables handicap, à Lyon. En septembre
2019, elle s’était déjà vu remettre le Prix coup de cœur du jury, lors des
Trophées Opéra Juristes Associés des initiatives marketing et communication des
cabinets d’avocats.
Ouvrir le droit et sa formation
Malgré leur profonde vocation, certains jeunes gens, le
Bac en poche, ne s’autorisent pas à passer les portes de la faculté de droit, à
cause de leur handicap. Par crainte que l’université – et plus tard, le secteur
professionnel lui-même – ne soient pas adaptés à leur handicap ou de peur de se
heurter à un refus au moment de la recherche de stage, l’autocensure est
fréquente. Le collectif Droit comme un H ! espère donc, de par ses
actions, briser ce mur !
De
concert avec les missions handicap des universités, l’association accompagne
les talents dès la 3e année d’étude (L3). Avec le soutien
d’étudiants, des H-ambassadeurs qui agissent comme « mentors » dans
les universités, l’association participe à la réflexion professionnelle et
entend faciliter l’accès à la profession, afin d’accroître l’employabilité des
personnes en situation de handicap.
L’université Paris 2 Assas, via l’engagement initial du
professeur Pierre Crocq, membre d’honneur de l’association, a largement aidé au
développement des actions de l’association, en accueillant, dès le début, le
collectif au sein de l’université, et en participant à un concept-pilote.
De son côté, l’HEDAC, l’école des avocats du ressort de
la cour d’appel de Versailles, a également adapté son programme éducatif pour
offrir un parcours aménagé aux élèves-avocats en situation de handicap ayant
réussi le CRFPA.
Outre l’accueil de ces jeunes talents via des outils
adaptés, l’association participe également à la sensibilisation des étudiants.
L’inclusion commence dès les bancs de la fac, pour se poursuivre ensuite dans
le secteur professionnel.
Et dans les cabinets ?
Diplôme en poche, pour les étudiants en droit ou
élèves-avocats, l’entrée dans la vie active s’annonce être un nouveau
combat !
Aussi, l’association poursuit son action, en les aidant
dans leurs recherches professionnelles (développement du réseau, préparation à
l’entretien d’embauche…).
Mais le travail doit également se faire au sein des
cabinets. Aussi, dans le prolongement de sa mission, DCH ! se veut être
aux côtés de l’employeur et se propose de participer à l’élaboration de sa
politique d’inclusion. Elle aide concrètement les cabinets à trouver des
solutions pour accueillir des talents différents et prépare aussi les
collaborateurs à mieux aborder et connaître le handicap, notamment par le biais
de formations. En effet, malgré les idées reçues, l’accessibilité des locaux,
par exemple, ne constitue pas une limite à l’emploi, et les cabinets d’avocats
ne peuvent réduire leur recrutement en se passant de certains talents.
Des figures pour modèles
DCH !
est aussi « une force d’animations, de recherches, de lobbying, de
propositions et de solutions », et peut, à ce titre, compter
sur certaines figures majeures pour incarner la mobilisation et faire bouger
les choses.
Ancien secrétaire de la
conférence et avocat à la Cour, le président de l’association Matthieu Juglar
est non voyant de naissance ; ce qui ne l’a pas empêché de collaborer avec
des cabinets internationaux avant de créer sa propre structure. À ce sens, il
fait office d’exemple pour les étudiants pris en charge par l’association.
Il y a aussi le parcours
exemplaire de Virginie Delalande, marraine de l’association. Première avocate
sourde profonde de naissance, elle avait notamment été le sujet d’un
documentaire de Laëtitia Moreau, L’éloquence des sourds, avant
d’émouvoir la France entière lors de l’émission Le Grand Oral, un concours
d’éloquence dont sa participation (jusqu’en finale) avait été largement
remarquée. Coach et auteure, elle partage aujourd’hui son expérience lors de
conférences.
Mais
outre ces figures de proue, l’association encourage plus largement chaque
étudiant à devenir role model, « en démontrant qu’avec enthousiasme, conviction
et courage, tout est possible ».
Constance
Périn
3 questions à Stéphane Baller, délégué
général de DCH !
Considérez-vous que les cabinets sont
aujourd’hui réellement concernés par la problématique d’inclusion ?
La perception du handicap évolue, nous l’avons vu notamment
lors des derniers Jeux olympiques et paralympiques qui ont donné une visibilité
inédite au handicap.
Dans les cabinets, nous notons aussi une volonté
RSE* : en 2020, 84 % (contre 54 % en 2019) estimaient avoir mis
en place une politique RSE, mais à ce titre peu mentionnent le handicap.
Avant toute chose, il faut déconnecter handicap, incapacité
physique et sous-performance économique. Être avocat est un métier compliqué
qui, outre l’acquisition de connaissances juridiques, demande de l’agilité, de
la persévérance, de la résistance, des qualités que les personnes en situation
de handicap ont généralement acquises au fil de leur parcours de vie. Je suis
personnellement très admiratif de ces capacités et il serait temps que les
employeurs reconnaissent ces ressources incroyables !
Les cabinets doivent également faire preuve de flexibilité
pour attirer tous les talents. Ils sont prêts à accueillir des personnes en
situation de handicap dans les postes « support », mais pour les
collaborateurs, c’est une autre histoire. Pourtant, 80 % des personnes en
capacité de travailler malgré leur handicap ne demandent pas d’aménagement de
poste.
Il y a aussi un réel manque de formation des managers, qui
doivent s’adapter, notamment lorsqu’ils travaillent avec des personnes
atteintes de troubles du spectre autistique. Nous constatons pourtant que
l’inclusion des personnes handicapées est très bénéfique : elle aurait
tendance à apaiser les collaborateurs et propage des valeurs de bienveillance.
Elle oblige à faire preuve de plus d’humanité. Il faut à mon sens transformer
les cabinets en sensibilisant les employeurs à cette problématique.
Mais tout cela prend du temps : en moyenne, entre la
première discussion avec le cabinet et l’arrivée du premier stagiaire, il faut
compter deux ans.
Pendant le confinement, les « valides » ont pris
conscience que personne n’était à l’abri d’un accident de la vie ; une
prise de conscience bénéfique qui, associée à une digitalisation du travail
plus accrue pourrait constituer une porte ouverte vers plus d’inclusion.
Aujourd’hui, notre association se réjouit de proposer plus
de places qu’il n’y a de candidats. Il faut dire que nous sommes assez
sélectifs, notamment pour assurer une bonne première expérience qui ouvre la
voie.
Et qu’en est-il des universités ?
Depuis les ULIS, les universités sont de plus en plus
investies et font preuve de bonne volonté. Les missions handicap fonctionnent
bien pour l’accompagnement matériel, mais le système universitaire est limité
par le principe d’égalité devant les examens.
À mon sens, il faudrait davantage adapter la pédagogie,
notamment pour les handicaps invisibles.
Nous continuons toutefois à faire face au manque de
confiance des étudiants en situation de handicap, habitués à être
« invisibles ». Ils souffrent du phénomène de l’imposteur, pense ne
pas être crédibles et ont des difficultés à assumer leur handicap. Les
étudiants aidants, nos H Ambassadeurs, présents dans les universités, sont
aussi là pour les aider à se révéler. Je les encourage également à rendre visible
leur handicap, et à s’assumer tels qu’ils sont !
Vous accompagnez les cabinets dans
leur politique d’inclusion, et proposez à ce titre 3?labels. De quoi s’agit-il ?
En effet, nous avons proposé un label, qui s’organise via
différentes strates, le but étant de proposer aux cabinets une marge de
progression dans leur stratégie d’inclusion.
La première étape consiste à répondre à l’enquête lancée
par DCH !. (il est encore temps de participer au 3e Observatoire du Handicap
dans la profession d’Avocat de Droit comme un H !)La deuxième étape est un premier pas vers l’embauche, et
comprend la recherche de candidats en situation de handicap pour les services
support, ou pour effectuer des stages. La dernière étape se concrétise enfin
par l’embauche d’un collaborateur porteur de handicap.
Ce label « par palliés » est
une façon d’aborder la problématique de l’inclusion de façon progressive pour
arriver à notre objectif : le recrutement d’un collaborateur.
* Source - Deuxième Observatoire du Handicap dans la profession
d'Avocat DCH ! - décembre 2020
Propos recueillis par Constance Périn