JUSTICE

INTERVIEW. Marc Geiger, avocat star de France 2 : « Il est important que la justice soit mieux connue, sans en faire un spectacle »

INTERVIEW. Marc Geiger, avocat star de France 2 : « Il est important que la justice soit mieux connue, sans en faire un spectacle »
Marc Geiger contribue à « mieux cadrer les contours de la justice française »
Publié le 05/06/2024 à 16:59
Présent à la télévision depuis près de 20 ans, l’avocat Marc Geiger est un visage connu de la justice dans les médias. Le pénaliste conçoit son rôle d’expert comme celui d’un traducteur du droit afin d’aider les citoyens à se rapprocher de leur justice.

Il est une figure de l’émission phare des après-midis de France 2, Ça commence aujourd’hui. Avocat pénaliste au barreau de Carpentras, dans le Vaucluse, Marc Geiger intervient régulièrement dans ce programme de témoignages présenté par Faustine Bollaert, et dans lequel des invités viennent partager un moment de leur vie ou un parcours hors du commun.

Marc Geiger apporte son expertise dans le domaine juridique, afin d’éclairer le versant judiciaire de l’histoire racontée. A l’antenne de manière récurrente depuis 2006 - il officiait déjà en tant qu’expert dans Toute une histoire, la précédente émission de France 2 -, Marc Geiger apprécie cette présence médiatique et en fait un relais utile pour lutter contre la méconnaissance de la justice. Entretien avec le passeur de droit le plus connu du PAF.

Journal spécial des sociétés : Quand Jean-Luc Delarue et sa boîte de production (Reservoir Prod) vous contactent en 2006 pour rejoindre l’équipe de Toute une histoire, pourquoi acceptez-vous ?

Marc Geiger : J’avais déjà participé à quelques émissions de Ça se discute avec eux et j’avais apprécié l’expérience. Et pour l’anecdote, je suis issu d’une famille qui travaillait dans le cinéma et la production. J’ai baigné dans cet univers : les caméras, les plateaux, les studios... Alors quelque part, quand j’ai reçu cette proposition, j’ai retrouvé un peu de cet environnement familier. Enfin, au-delà de tout cela, il ne faut pas cacher que la télévision donne une visibilité très importante.

JSS : Au quotidien, quelle place occupe cette présence dans les médias ?

MG : Cette saison, j’étais pris en moyenne un ou deux jours par semaine pour les enregistrements. Je ne suis pas tout le temps mobilisé puisque l’émission ne tourne pas qu’autour de la justice, heureusement. Mais comme les sujets faits divers intéressent le public, c’est tout de même très régulier.

JSS : C’est-à-dire ? Les clients viennent parce qu’ils vous ont vu dans l’émission ?

MG : Pas exactement. D’abord, après les premiers passages, les gens qui me connaissaient déjà ont été rassurés. Je pense qu’ils se disaient « j’ai un bon avocat, il passe à la télé ». Maintenant, c’est vrai que beaucoup de personnes me contactent d’un peu partout en France. Elles ne me demandent pas nécessairement de m’occuper de leur dossier, mais m’appellent parfois juste pour une information. Participer à ces émissions m’a vraiment fait réaliser que le monde de la justice a encore beaucoup de travail à faire pour se rendre accessible.

JSS : Justement, en quoi cette émission peut-elle être utile ?

MG : Je crois qu’elle permet aux téléspectateurs de mieux comprendre le fonctionnement de la justice. C’est important car il s’agit de leur justice, dans laquelle ils peuvent tous se retrouver un jour pour un divorce, une succession, etc. D’ailleurs, les retours que nous avons sont très positifs en ce sens. Les faits divers intéressent beaucoup le public, de plus en plus je trouve, et je crois qu’avec ce genre d’émission il interprète mieux ce qu’il peut trouver dans les journaux ou les informations.

JSS : Comment expliquer la distance entre les justiciables et leur justice ?

MG : Il faut d’abord reconnaître que les choses évoluent. Le public me semble plus intéressé par la question judiciaire mais le problème est l’influence des fictions notamment américaines. Elles y présentent un modèle américain très différent du nôtre et cela se ressent dans les idées que les gens se font parfois. En ce sens, l’émission permet de mieux cadrer les contours de la justice française.

« La qualité moyenne s’améliore nettement dans les séries judiciaires qui sont parfois même très précises. »

- Marc Geiger, avocat pénaliste

Je ne dis pas en revanche que la fiction ne peut pas être utile. Je crois qu’elle peut l’être, à condition qu’un conseiller technique accompagne la réalisation. Je vois trop de séries avec des erreurs grossières et cela concourt à alimenter la confusion dans la tête du public. Mais je constate aussi que la qualité moyenne s’améliore nettement dans les séries judiciaires qui sont parfois même très précises.

JSS : Les émissions de témoignages ne présentent-elles pas un risque de verser dans la justice spectacle ?

MG : Sincèrement, je ne pense pas. Il est important que la justice soit connue, mieux connue, mais il ne faut pas en faire un spectacle. A mon avis, Ça commence aujourd’hui ne va pas dans ce sens, au contraire même. Et puis les choses changent avec l’époque. Depuis quelques années, notre marque de fabrique est d’accorder largement la parole aux victimes, de les écouter.

Il n’y a vraiment plus de volonté de chercher l’événement ou le témoignage un peu trash, mais plutôt de prendre le temps et d’essayer de comprendre ce que ressent une victime. J’ai même été impressionné en découvrant le pouvoir thérapeutique de l’émission. Certains invités qui se livrent en plateau en ressortent apaisés.

JSS : La télévision a ses règles particulières, il faut notamment savoir être percutant. Comment rester précis dans ce contexte, alors que le droit se résume rarement en quelques mots ?

MG : Je dis toujours que mon premier métier, c’est traducteur. Le rôle d’un avocat quand on le sollicite, c’est d’expliquer la situation à une personne qui est très souvent perdue, avant de lui présenter les différentes options envisageables. D’une certaine manière, la logique est la même à la télévision. Je prépare également en amont mes interventions. Avant l’enregistrement, je reçois un topo sur l’émission et les invités. Cela me permet de travailler sur leur problématique et de me mettre à jour si besoin pour être le plus simple et synthétique possible en plateau. 

Mais il m’est aussi arrivé de dire à un invité que son cas est très complexe, que je ne peux pas vraiment lui répondre sans avoir accès au dossier, etc. Je peux enfin demander plus de précisions au préalable si j’estime que la situation est trop floue ou que certains éléments ne m’ont pas été communiqués. Il y a de toute façon un service juridique de la production qui filtre les affaires et m’épaule.

Propos recueillis par Louis Faurent

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