Alors que le Prix Nobel de la
paix 2024 a été attribué, vendredi 11 octobre, à l’organisation japonaise Nihon
Hidankyo pour son combat contre l'arme atomique, l’avocat Michel Pautot,
spécialiste en droit du sport, milite pour que l’ancien président du Comité
international olympique soit un jour couronné de la même distinction pour le
rôle qu’il a joué dans la rénovation des JO, événement qu’il juge rassembleur
par excellence. Seul hic : pour ce faire, il faudrait changer les règles
d'attribution de cette prestigieuse récompense. Jusqu’ici, seul un lauréat avait
pu être récompensé alors qu’il était déjà mort.
Journal Spécial des Sociétés :
Vous avez lancé il y a quelques semaines une pétition pour que Pierre de
Coubertin reçoive le Prix Nobel de la Paix à titre posthume. Qu’est-ce qui rend
selon vous l’ancien président du Comité international olympique éligible à cette
récompense ?
Michel Pautot : Le
monde a vibré au rythme des Jeux Olympiques de Paris face à un monde de plus en
plus belligérant. Le succès de ces Jeux a été un pari gagné et également celui
de l'image de la paix et de la concorde.
Grâce au baron Pierre de
Coubertin qui est le rénovateur des Jeux, nous avons assisté, une nouvelle
fois, à l’édification d’un monde pacifique et meilleur avec le sport et l’idéal
olympique. Grâce à lui, les Jeux ont permis aux peuples du monde entier de se
rassembler, de se respecter mutuellement comme cela est inscrit dans la Charte
du Comité International Olympique.
Dans ses Mémoires, Pierre de
Coubertin a écrit : « la noblesse des sentiments, le culte du
désintéressement et de l'honneur, l'esprit chevaleresque, l'énergie virile et
la paix sont les premiers besoins des démocrates modernes ». Cet
incontestable bâtisseur de la paix est à l’origine des anneaux olympiques,
symbole d’union et de concorde, qui représentent l’union des cinq continents.
Cet été, grâce à son héritage,
la cérémonie inaugurale des Jeux de Paris 2024 a montré à mon sens combien le
sport est rassembleur avec la procession de toutes les embarcations des
délégations sur la Seine, une innovation. La cérémonie de clôture a représenté
à merveille, je trouve, l’esprit de paix et d’union entre les peuples, les sportifs et sportives du monde, tous et
toutes rassemblés ensemble lors de la cérémonie au stade de France avec des
plateformes représentant tous les continents du monde entier et les anneaux qui
se sont élevés dans le ciel. Il ne pouvait pas y avoir plus belle image de paix
et de plus grand symbole. Je n’oublie pas non plus le village olympique des
athlètes, qui est également un symbole fort de fraternité entre les peuples.
Aucun autre évènement
n’apporte ce rapprochement mondial de tous ces hommes et femmes, malgré la
compétition où le meilleur gagne.
JSS : Pourquoi visez-vous
forcément le Prix Nobel et pas une autre distinction ?
M.P. La «
panthéonisation » du baron Pierre de Coubertin a été souhaitée par diverses
personnalités de premier plan. Le comte Jean de Beaumont, grand dirigeant du
sport (président du comité olympique français et vice-président du comité
international olympique) avait demandé en 1968 le transfert de la dépouille de
Pierre de Coubertin au Panthéon. Puis, récemment, le champion olympique Guy
Drut et l’écrivain académicien Erik Orsenna ont pris également position pour
l’entrée du baron au Panthéon mais ces demandes n'ont pas abouti. Une
consécration pour Pierre de Coubertin apparaît comme une évidence. D'où la
démarche !
JSS : Il faudrait pour
cela changer les règles d'attribution du Nobel, puisque Pierre de Coubertin est mort en 1937. Or, depuis 1974, un
amendement précise que les lauréats doivent être vivants au moment de l’annonce
officielle… Jusqu’ici, seul le scientifique canadien Ralph Steinman, un des
trois lauréats du Prix Nobel de médecine 2011, avait pu être récompensé alors
qu’il était déjà mort. Une « exception » tolérée par le comité Nobel qui
n’avait pas eu connaissance de son décès à temps. Comment
comptez-vous vous y prendre pour réclamer une telle modification ?
M.P. : Nous
aurons besoin de personnalités politiques de premier plan pour nous soutenir
dans cette initiative. Nous allons saisir prochainement le Président de la
République, le Premier Ministre, le Président du Comité d’organisation des Jeux
et la Maire de Paris afin de leur demander de soutenir cette pétition.
« Aucun autre évènement
[que les JO] n’apporte ce rapprochement mondial de tous les hommes et femmes »
Nous contacterons également
d’autres personnalités comme le Président du Comité International Olympique,
sans oublier le Président du Comité National Olympique et Sportifs Français.
JSS : Quels types de
profils ont pour l’heure signé la pétition et combien de temps vous donnez-vous
pour porter ce projet ?
M.P. : Nous
ne sommes qu’au lancement de cette initiative. Des passionnés de sport ont commencé à signer la pétition. Nous
venons par ailleurs de recevoir un message d’un dirigeant d’une fédération
européenne sportive qui a indiqué qu’il souhaitait nous soutenir dans cette
initiative. Cela nous encourage à saisir plus de personnalités afin d’amplifier
ce projet.
Notre démarche s'inscrit dans
la durée, cela s’annonce ardu. Pierre de Coubertin ne doit pas être l'oublié de
l’Histoire, même si certains ouvrent une controverse sur les Jeux de Berlin de
1936. Lors de ces Jeux justement, un grand moment de fraternité s'est produit
entre l’américain Jesse Owens et l’allemand Luz Long, ne l'oublions pas. Nous
devons « dépasser » les critiques.
Nous ne sommes pas focalisés
sur la fin de l’année 2024. Si elle aboutissait, notre démarche permettrait
également d'avancer sur la proposition du Prix Nobel de la paix à titre
posthume de Jean-Paul II, dont l’influence sur la paix a également été immense.
JSS : Si
votre démarche aboutit, quels messages cela enverrait-il sur la portée des
Jeux olympiques ?
M.P. : Si
le Prix Nobel était attribué à titre posthume à Pierre de Coubertin, ce serait
une victoire pour le mouvement olympique. Cela acterait que les Jeux Olympiques
sont irremplaçables et n'ont pas d'équivalent.
Propos
recueillis par Bérengère Margaritelli